COP21 : les autres scénarios sur l’évolution du climat (II/II)

ÉTUDE | Le « consensus scientifique », dont le GIEC se fait le porte-parole ne peut pas se recommander de l’unanimité du monde scientifique. Les travaux de chercheurs critiques méritent d’être pris en considération, ne serait-ce que pour estimer l’incertitude des hypothèses scientifiques, la science ne procédant que par théories successives.

Pour décrire les divergences entre scientifiques sur cette question, on peut citer la pétition de l’Oregon, signée par 11 000 scientifiques dont plusieurs prix Nobel, critique sur le lien systématique fait entre carbone et réchauffement : « Il n'existe aucune preuve scientifique convaincante indiquant que les émissions de dioxyde de carbone, de méthane ou d’autres gaz à effet de serre causent ou causeront, dans un avenir prévisible, un réchauffement catastrophique de l'atmosphère de la Terre et une rupture de son climat. En outre, des preuves scientifiques substantielles montrent que l'augmentation de la concentration en dioxyde de carbone atmosphérique entraîne de nombreux effets positifs sur l'environnement de la faune et de la flore de la Terre. »

Citons par exemples les recherches de Vincent Courtillot, diplômé des Mines et de Stanford, professeur à Paris-Diderot ; Benoît Ritteaud, maître de conférences à Paris 13 (Le Mythe climatique, Seuil, 2010 ; La Peur exponentielle, PUF, 2014) ; François Gervais, dont les recherches portent notamment sur la thermo-physique, l'effet de serre, la réflectivité infrarouge et le ferromagnétisme, avec à son actif, 273 publications, dont cinq livres et 226 articles parus dans des revues à comité de lecture (L’Innocence du carbone, Albin Michel, 2013) ; Jacques Duran, professeur émérite à Paris VI, directeur de recherche au CNRS (http://www.pensee-unique.fr/).

La variabilité naturelle du climat

Vincent Courtillot rappelle la différence entre climat (moyenne sur 30 ans) et phénomènes météo (où peuvent se produire des records) et nous montre sur des échelles de temps plus longues, qu’aux environs de l’an mille les températures étaient voisines des nôtres. Notre climat se réchauffe depuis 150 ans (de là nos records des plus hautes températures « jamais enregistrée » depuis parfois moins de 50 ans) et ce réchauffement est d’autant plus sensible (recul des glaciers, débâcle estivale de la banquise arctique) qu’il suit une « petite ère glaciaire » qui a duré du xive siècle jusqu’au milieu du xixe. Il y a mille ans, le Viking Pierre le Rouge installait des colonies dans le Groenland ainsi nommé pays vert à cause de ses pâturages et de forêts de feuillus dont il ne reste aujourd'hui que des traces. Terre-Neuve fut appelée Vinland à cause des vignes sauvages qui y poussaient alors...

Cycles naturels et corrélation entre CO2 et température

Les carottes de glace analysées dans la station russe antarctique de Vostock montrent sur des milliers d'années la corrélation entre les CO2 et température. Mais on voit surtout que le CO2 croit après une augmentation des températures et diminue aussi après. Si celui-ci était la cause, il devrait au contraire précéder son effet.

En outre, le taux de Co2 a été jusqu'à 20 fois supérieur à ce qu'il est aujourd'hui sans aboutir à un emballement sans retour. En fait, précise Courtillot, quand les températures montent, les océans restituent plus de CO2.

Une autre cause des changements climatiques : les cycles du soleil

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Le soleil n'émet pas une énergie parfaitement continue. L'apparition des taches solaires témoigne des variations de son activité selon des cycles de 11 ans et des cycles plus longs (60 ans, et d'autres plus longs). Or le petit âge glaciaire de la fin du Moyen-Âge coïncide avec le constat de la disparition des taches solaires : c'est le « minimum de Maunder » du nom d'un physicien qui a rassemblé les données concernant ces taches. Sur le schéma suivant on voit que la corrélation entre température et durée des cycles semble plus claire que celle reliant le co2 et les variations de températures (source : Pensee-unique.fr).

L'effet de serre : analyse physique, éventualité d’une saturation

Selon l'ENS-Lyon,

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la capacité des constituants atmosphériques à piéger le rayonnement infrarouge est donc liée à leurs propriétés de structure moléculaire. Leur rôle relatif dans l'effet de serre est alors fonction de leur concentration dans l'atmosphère et du degré de saturation des transitions, lié précisément à cette concentration relative. Ainsi, l'effet de serre naturel est principalement dû à H20 et CO2. Compte tenu des concentrations actuelles de ces gaz dans l'atmosphère, aux longueurs d'onde considérées, l'absorption du rayonnement est totale. Une augmentation de concentration de ces gaz ne conduit pas alors à une augmentation proportionnelle de l'absorption (la relation n'est pas linéaire). Ceci explique que le doublement du gaz carbonique de 350 ppmv (parties par million en volume) à 700 ppmv ne conduise qu'à un apport d'énergie supplémentaire de 4 W/m2 alors que l'effet actuel (qui correspond à un passage de 0 ppmv à 350 ppmv) est d'environ 50 W/m2 [1].

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Pour François Gervais, 3,7 W / m2 induit un réchauffement de 0,0008° C [2]. Ajoutons que la part humaine dans les 0,0390 % de CO2 contenu dans l'atmosphère est de 5 % et que le Co2 ne contribue que pour 5 % aux 33° de l'effet de serre déjà obtenus, en fait principalement par la vapeur d'eau [3]. Pourquoi alors redouter un doublement du CO 2 si ses effets sont déjà au maximum ? Selon Gervais, actuellement la lutte contre les gaz à effets de serre (GES) représente 20 % du budget européen et permet, d’après les chiffres du GIEC, d’éviter entre 0,001° et 0,006° de forçage anthropique. Sachant que la marge d’erreur est de 0,01, les effets de notre politique ne sont même pas de l’ordre du mesurable. Coût prévu de la lutte contre les GES : entre 7000 et 35 000 milliards de dollars (estimation de l'Agence internationale de l'énergie).

Une bulle spéculative qui dissimule de réelles incertitudes et des doutes légitimes 

La science a besoin de controverse, de libre discussion critique. Au contraire, un engagement politique coûteux (de 7 à 35 000 milliards de dollars !) a besoin de certitudes.

Le 8 octobre 2015, entre deux crises grecques et deux frappes contre Daesch, Christine Lagarde, la patronne du FMI, annonce que c'est le bon moment pour « créer une taxe carbone ». On peut s'interroger sur la nature de son agenda. Mais simultanément, elle précise que cela constituera un matelas de sécurité pour les États : autrement dit, les gens accepteront de payer puisque l’objectif est de sauver la planète, même cela peut, le cas échéant servir à autre chose : « Les ministres des Finances cherchent des sources de revenus, c'est le propre des ministres des Finances qui ont toujours besoin de matelas de sécurité pour combattre la prochaine crise. »

Le chiffre est pourtant astronomique : il vise à approcher les 100 milliards de dollars à payer chaque année. D’après Le Figaro, « la présidente du FMI estime que cette taxe carbone serait plus efficace pour diminuer les émissions de CO2 que le système d'échange de quotas d'émission en place dans quelques pays aujourd'hui. Pour la patronne du FMI, cet impôt pourrait contribuer au fonds de 100 milliards de dollars par an que la communauté internationale s'est engagée à créer avant 2020 pour freiner le réchauffement climatique [4] ».

Ne voit-on pas ici la conscience écologique prise en otage pour justifier une spoliation fiscale planétaire ? 100 milliards, c'est le tiers du budget annuel de la France : lourd tribut exigé à l'humanité et sans doute pas aux plus riches. On dissuade les Africains de puiser dans leurs énergies fossiles, et, ce faisant, on les prive de l'énergie dont ils auraient besoin pour leurs hôpitaux, pour faire conserver leurs denrées. Il faudrait saigner l'humanité de cette énorme dépense ajoutée à toutes les autres alors que la pauvreté, le manque de moyens sanitaires, de vaccins et d'antibiotiques tue chaque année des millions de personnes.

Un tel sacrifice (dans lequel les décideurs ne sont pas les sacrifiés) exige des certitudes. C'est pourquoi toute controverse scientifique est violemment rejetée : sans même se donner la peine d'argumenter. C'est ainsi que sur Canal +, Nathalie Koscusko-Morizet répond à la question posée au sujet des climato-sceptiques, par cet argument d'une étourdissante profondeur de vue : « Ce sont des connards. » Avant de résumer leurs thèses par une vision caricaturale : « Ces gens pensent que le réchauffement, ça pourrait être bon pour le tourisme. » Une telle bêtise, à un si haut niveau de responsabilité (ancienne et sans doute future ministre) en dit long sur l'état de délabrement intellectuel et culturel de notre société.

La fabrique de la certitude

Entre les controverses scientifiques et le discours politique moralisateur, voire culpabilisant, se déploie un mécanisme de réduction des incertitudes : le GIEC résume des articles et son Résumé pour décideurs qui résume lui-même ses résumés, est résumé dans sa présentation médiatique. À l'issue de cette fabrique de la certitude, on obtient des simplifications parfois outrancières et au plus haut niveau. Jacques Chirac disait sur TF1 en septembre 2009 : « Le monde court à sa perte si on continue à émettre du carbone qui crée un trou dans la couche d'ozone… » Ceux qui doutent, nommés « climato-sceptiques » mais aussi « négationnistes » — ce qui relève de la reductio ad hitlerum — ne sont pas écoutés car coupables de vouloir retarder le plan de sauvetage.

Au contraire tout ce qui amplifie le catastrophisme reçoit un écho proportionnel à la réaction éthique qu'on en attend. C'est ainsi que l'appel à la conscience morale précipite l'opinion publique vers une vision simplificatrice de la réalité au lieu de l'élever à une connaissance plus exacte de ses nuances. C'est ainsi que la simplification augmente la peur qui, à son tour démultiplie les simplifications. Helmut Schmidt, qui demandait à l'Institut Max-Planck une enquête sur le GIEC, déclarait en 2009 : « Je ne pense pas qu'il y ait un réchauffement climatique [anthropique]. Je ne vois aucune donnée statistique le démontrant... Je suis désolé de voir que certaines personnes comme Al Gore ne sont pas prêtes à écouter les théories concurrentes... L'alarmisme sur le réchauffement climatique est un défi à notre liberté [5]. » (Gervais p 65).

Simplifier le réel afin de le maîtriser

Cette simplification s'inscrit dans le processus cartésien d'arraisonnement de la nature : substituer à la complexité du réel, un mécanisme simple qui donne à l'homme la maîtrise de la nature. Relisons ce texte de Descartes, fondateur de notre Modernité, pour le meilleur et pour le pire (Discours de la méthode, VI) :

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 Sitôt que j’ai eu acquis quelques notions générales touchant la physique, et que commençant à les éprouver en diverses difficultés particulières, j’ai remarqué jusques où elles peuvent conduire, et combien elles diffèrent des principes dont on s’est servi jusqu’à présent, j’ai cru que je ne pouvais les tenir cachées sans pécher grandement contre la loi qui nous oblige à procurer, autant qu’il est en nous, le bien général de tous les hommes. Car elles m’ont fait voir qu’il est possible de parvenir à des connaissances qui soient fort utiles à la vie, et qu’au lieu de cette philosophie spéculative, qu’on enseigne dans les écoles, on peut en trouver une pratique, par laquelle connaissant la force et les actions du feu, de l’eau, de l’air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature. Ce qui n’est pas seulement à désirer pour l’invention d’une infinité d’artifices, qui feraient qu’on jouirait, sans aucune peine, des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s’y trouvent, mais principalement aussi pour la conservation de la santé, laquelle est sans doute le premier bien et le fondement de tous les autres biens de cette vie.

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Le GIEC substitue à la complexité du climat une image simplifiée qui, en incriminant le CO2, institue un processus dont nous aurions la maîtrise : il suffirait de réduire nos GES pour éviter une catastrophe. En ce sens le processus technico-politique du GIEC constitue simultanément l'angoisse et le frisson d'une toute puissance que l'homme ne possède peut-être pas encore — et heureusement ! Gervais calcule la somme de toute l'énergie produite par l'humanité en un an : cela équivaudrait à une heure d'ensoleillement. Mettons trois : cela nous ramène à notre place.

Le crédit de la conscience écologique menacé

Si le GIEC se trompe, quel discrédit pour l'ensemble des médias et des classes politiques ! C'est peut-être la sanction promise à tous les alarmistes du réchauffement qui les incite à retarder le moment d'avouer des incertitudes. La conscience écologique risque de s'en trouver durablement compromise alors qu'elle est indispensable. Et combien de milliards dépensés à lutter contre les GES, à les taxer, à les réduire, alors que cet argent manque partout : pour lutter contre les extinctions, contre la déforestation, contre les pollutions multiples, pour l'accès à l'eau potable, pour sauver des vies.

Je ne suis pas un expert et ne suis pas allé compter les ours blancs. Mais j'ai été alerté par l'absence de débat et par la faiblesse des tenants du GIEC, les rares fois où ces débats ont eu lieu. Il se peut que j'ai été trompé par ces centaines de pages climato-sceptiques. Mais dans le cas contraire, la COP 21 sera peut-être le dernier spectacle géant de la culpabilisation post-moderne induite par le GIEC.

 

Pierre Labrousse est professeur agrégé de philosophie.

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[1] http://planet-terre.ens-lyon.fr/article/gaz-effet-serre.xml
[2] L’Innocence du carbone, Albin Michel, 2013, p. 144.
[3] Op. cit., p. 25.
[4] http://www.lefigaro.fr/sciences/2015/10/08/01008-20151008ARTFIG00001-cop-21-une-taxe-carbone-mondiale-de-plus-en-plus-evoquee.php
[5] Op.cit., p. 65.