13 janvier : les dures lois de la communication

La "Manif pour tous" a été une première manifestation de société conforme aux standards contemporains… et réussie malgré ses limites. Ce considérable succès est une évidence. Bravo à tous et notamment aux organisateurs. Mais au-delà de l’événement, il est intéressant de tirer quelques leçons.

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La première leçon porte sur les conditions de l’action politique et du débat moderne. Après le nombre de participants, le principal objectif de cette manifestation était le contrôle extrêmement strict des prises de parole et des incidents possibles. Sur ce plan, le succès a été également total, et même stupéfiant compte tenu du nombre ; mais il faut mesurer aussi le soin méticuleux mis pour y parvenir.

En même temps cela en dit long sur la chape de plomb effarante que le politiquement correct fait désormais peser sur toute forme d’expression publique. Et sur la précarité de parole de ceux qui ne sont pas conformes aux canons de ce politiquement correct. Une comparaison avec la situation encore vingt ans en arrière est sur ce point édifiante, sans parler des débats excessifs mais drus qui prévalaient dans les générations précédentes.

Les limites de l’autocensure

Ce n’est pas sans de sérieux inconvénients, car les messages doivent désormais se simplifier et s’édulcorer dans des proportions considérables. D’où ce côté aseptisé qu’avait parfois la manifestation, vue du dedans – même si elle restait sympathique et naturelle. Et bien entendu cela implique, par construction, une forme de validation de fait de la censure. Par exemple les organisateurs ont totalement repris à leur compte la notion de lutte contre l’homophobie.

Bien sûr s’il ne s’agissait que de respecter les personnes homosexuelles cela irait de soi. Mais on sait que le mot est terriblement connoté et sert efficacement dans la dialectique dominante : on affuble d’homophobie tout commentaire public et visible divergeant de l’idée officielle sur la question homosexuelle et ce qu’elle appelle l’égalité de droits.

De la même façon, la disparition de toute apparition trop explicite de quoi que ce soit de religieux a été recherchée avec soin dans l’opération ; mais cela peut accréditer indirectement un des thèmes dominants de la pensée unique, l’illégitimité de la religion dans le domaine public. Sans doute fallait-il en passer par là en l’espèce. Et pour une fois que des leaders attachés à la famille et à la loi naturelle montrent un sens consommé de la scène médiatique, c’est très heureux. Mais l’exercice recèle ses dangers, et ils sont réels.

Maintenir la pression

Sur le plan pratique, la suite immédiate va en revanche de soi au moins dans son principe : maintenir la pression et donc la perspective de nouvelles manifestations ou de formes d’action analogues, autant que cela sera possible. En cas d’insuccès total ou partiel, le harcèlement y compris juridique devra ensuite aller jusqu’au bout, sans respect pour ce qui ne serait alors que l’exercice d’un pouvoir arbitraire. Mais cette issue négative n’est pas certaine ; si la pression est forte, le pouvoir peut céder en tout ou en partie comme Villepin a dû le faire avec le CPE pourtant déjà voté.

Le gouvernement jouera la montre et l’épuisement : c’est donc en entretenant la flamme, c’est-à-dire  l’évènementiel public, « l’actu », qu’on tiendra  et qu’on peut espérer vaincre ; notamment par un bon accompagnement du supposé « débat » parlementaire.

Là encore la communication moderne impose ses lois : celles du renouvellement constant de l’actualité, de l’invention d’évènements vivants, visibles et bien calibrés. Pas très rationnel voire bizarre peut-être, mais c’est le monde où nous vivons et cela demande un vrai talent. Chance ou Providence, les organisateurs du 13 janvier ont ce talent.

 

Photos © JPB/LP.com

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