Libération

Libération publie un entretien avec l'ancien ministre de l'Economie argentin. 

« Roberto Lavagna, 69 ans, est le principal artisan du redressement de l'Argentine engluée dans une terrible crise économique il y a dix ans. Lorsqu'il prend ses fonctions, en avril 2002, le peso vient d'être dévalué de 70%, le pays est en cessation de paiement, la dette privée s'élève à plus de 72 milliards d'euros, l'inflation annuelle flirte avec les 125% par an, le chômage explose, les petits épargnants sont ruinés et les troubles sociaux ont déjà fait plus de 30 morts dans le pays. Cet ancien ambassadeur auprès de l'Union européenne décide immédiatement de se passer de « l'aide » du Fonds monétaire international (FMI) et des marchés financiers. »

Selon lui, les crises argentine et grecque sont semblables : « L'Argentine avait établi une parité fixe entre le peso et le dollar, la Grèce est ficelée à l'euro, perdant ainsi le contrôle de sa monnaie. Un taux de change fixe associant des pays à forte productivité et d'autres dont la compétitivité est beaucoup plus faible ne peut qu'engendrer une crise. La Grèce est déjà dans sa quatrième année de récession, l'Argentine l'était également. Le déficit fiscal, le déficit des comptes courants, la chute vertigineuse du PIB, l'endettement, l'explosion du chômage... toutes les grandes données macro-économiques sont similaires. »

Mais, le dirigeant argentin est parvenu à extirper l'Argentine du chaos par une manière radicalement différente de penser la sortie de crise :

  • le refus des prêts du FMI pour fixer sa propre politique économique, dès 2002 ;
  • le report ou la cessation des remboursements aux banques et créanciers (contrat d'ajustement fiscal typique du FMI) pour ne pas à chaque fois « diminuer l'argent qu'on donne aux gens - les salaires, les pensions, les aides publiques, mais également les grands travaux publics qui génèrent de l'emploi » ;
  • l'investissement « dans l'éducation, les sciences et la technologie », le financement « des infrastructures » pour  « récupérer ainsi une certaine productivité » ;
  • la sortie temporaire (jusque 2014 pour l'Argentine) du marché financier.

La dette de l'Argentine a été restructurée en 2005 et en 2014, sa dette ne représentera plus que 30 % du PIB. Pourquoi la Grèce, dont la situation sociale est meilleure, n'y arriverait pas ?

 

Source : Libération