Parmi tous les discours possibles sur l'Europe, il en est un singulièrement discret. C'est celui qui concerne l'Europe démographique, avec l'effondrement de ses courbes de naissances et parfois la perspective de disparition de la population.

Un seul exemple, celui de l'Allemagne. Selon l'Institut berlinois pour la population et le développement, le pays d'Angela Merkel a le plus petit nombre d'enfants pour mille habitants de la planète. On est parvenu au taux record de 1,36 enfant par femme en âge de procréer.

Si l'on considère le cas de l‘Italie et de l'Espagne, la situation n'est guère meilleure, de telle sorte qu'on est bien obligé de constater que c'est un hiver démographique qui s'est précipité sur notre continent et qu'il en faut imputer la cause la plus déterminante à la fameuse révolution contraceptive, célébrée sur tous les tons comme une conquête féminine.

Lorsque le pape Paul VI eut le courage de s'opposer à la dite révolution, il fut l'objet d'une campagne de dénonciation retentissante. Aujourd'hui encore, certains voudraient sommer l'Église catholique de renoncer à son interdit afin de répondre aux justes attentes du monde moderne. On affirme que pour la première fois dans l'histoire, la femme a acquis la maîtrise de sa fécondité, défiant les fatalités archaïques.

C'est oublier un peu vite la leçon de Martin Heidegger sur l'impérialisme de la technique. Il n'est pas vrai que celle-ci soit neutre et s'offre à la disposition du libre-arbitre. Elle met les individus en condition de se soumettre à sa rationalité instrumentale, disposant d'eux, précise le philosophe, comme d'un fonds disponible. La démographie européenne, domestiquée par la technique contraceptive, confirme le diagnostic heideggerien, jusque dans ses aspects nihilistes.

Eric Zemmour, dans un essai vif et provoquant, n'hésite pas à remuer le couteau dans la plaie, en associant le destin funeste de cette pseudo-maîtrise à la dissociation familiale et à l'explosion d'un divorce qui abandonne les femmes à leur solitude : "Les mères célibataires n'ont jamais été aussi nombreuses ; jamais aussi pauvres (1)."

N'est-il pas temps de réfléchir pour constater que les évolutions célébrées comme libératrices sont, en fait, régressives et aliénantes. Bien sûr, il ne s'agit pas de médire de ce qui favorise un véritable partenariat entre les hommes et les femmes et de ce qui permet une procréation responsable. La dynamique biblique de l'Alliance doit trouver dans les conditions modernes les moyens d'un nouvel accomplissement. Celui qui respectera la différence des sexes, la réciprocité des complémentarités. Et aussi l'ouverture à la vie, l'accueil d'une promesse pour d'autres générations.

*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique

[1] Eric Zemmour, Le Premier sexe, Denoël, 2006, 133 p., 9,50 €

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