Quels sens pour les mots : âme, esprit, intelligence, raison, vérité, amour, volonté, éthique, morale ?

« Âme » vient du latin anima, « souffle, vie ». La vie peut appartenir à l’ordre biologique, naturel ou à l’ordre spirituel, religieux. L’âme s’apparente à l’esprit, mais elle diffère.  Au-delà de la connaissance sensible, au-delà du visible, il y a un invisible qui unit toutes les opérations vitales du vivant qu’est l’homme ou l’animal et qui en est la source. L'âme est la source immanente et cachée de la vie humaine. Elle fait l'unité dans la diversité des opérations de la vie, dans la complexité du corps et de l’esprit. Le vivant respire, se nourrit, agit, pâtit, pense, souffre, aime. Ce qui unit ces opérations, c'est le vivant, l’homme lui-même dans ses opérations. L’âme est la source de vie qui informe le corps, fait l'unité du corps et qui est principe de vie.

 

« Esprit » vient du latin spiritus, « souffle, vent ». Entre les opérations vitales, nous pouvons saisir un ordre naturel. Les unes sont plus dépendantes du corps et les autres plus libres. Les unes sont plus liées au devenir, les autres à l'intériorité, à la vie intellectuelle. Trois niveaux peuvent être distingués : la vie végétative, la vie sensible et la vie de l'esprit, quand l'homme pense, réfléchit, juge, critique, décide, aime, cherche la vérité. Ce qui caractérise ces activités, c'est qu'elles se situent au-delà de la vie du corps, de la vie végétative, sensible et imaginative, impliquant une abstraction intellectuelle, une intention qui n’est pas un instinct.

 

« Intelligence » vient du latin intus legere, « lire de l’intérieur ». L’intelligence n’est pas la raison, bien qu’il y ait un lien au niveau de la « raison d’être », de la ratio en latin. L’intelligence est une composante de l’esprit, source de connaissance, capacité de connaître les réalités et d’abstraire en vue d’en saisir les causes. Sa capacité d’abstraire lui permet de passer du visible à l’invisible, grâce à l’activité du noûs, partie haute de l’intelligence, dite « intelligence séparée ». Comme tout devenir présuppose l'exister, donc l'être, l’activité intellectuelle implique un jugement en conformité avec la réalité. Le jugement est le fruit de l’intelligence. Ainsi celui qui juge bien est intelligent, ce qui signifie que l’activité intellectuelle tend vers la vérité. L'intelligence affirme et nie, reconnaissant que ce qu'elle dit est conforme à la réalité, dans le respect du principe de non-contradiction : « ce qui est » ne peut pas « être » et « ne pas être » à la fois.

 

« Raison » vient du latin ratio avec deux significations, l’une selon un ordre inductif et l’autre selon un ordre déductif. La raison, ratio, signifie l’activité de l’intelligence qui saisit un ordre fondamental au-delà du devenir, du mouvement, mesure d’une chose au sens substantiel et qualitatif. La raison, raisonnement, signifie l’activité de l’intelligence en devenir dans le mouvement, d’où le raisonnement qui est le devenir de notre vie intellectuelle dans un retour sur elle-même. Elle reçoit d'elle-même sa propre richesse et non d'un autre, de la réalité. Ramener la vie de l'intelligence à son devenir interne dans le raisonnement, c'est tomber dans l'idéalisme, la pensée précédant et mesurant la réalité, la pensée s'appropriant l'être. Par conséquent, un raisonnement qui ne serait pas enraciné dans la ratio, la « raison d’être » en premier, s’enfermerait sur lui-même à l’écart du réalisme fondamental de l’intelligence. L’intelligence n’est donc pas dans l’ordre de la virtuosité, de la multiplicité et de la vitesse, mais de la sagesse, de celui qui saisit un premier au-delà du multiple, donc qui cherche la vérité.

 

« Vérité » vient du latin veritas, du grec alètheia. À la suite d'Aristote, Avicenne (10e siècle) dit : « ce qui tombe en premier dans l’intelligence est ce qui est », repris par Thomas d'Aquin (13e siècle) : adequatio intellectus ad rem, « adéquation de l'intelligence à la réalité ». La vérité se dit de multiples manières, mais elle existe à deux niveaux distincts. Toute réalité existante est vraie en tant qu'elle existe en elle-même : « vérité ontologique », du grec ontos logos, « connaissance de l'être ». L'intelligence saisit la réalité vraie, mais d’une manière intentionnelle, imparfaite par nature, parce qu’elle est relative à la réalité : « vérité formelle », qui est la forme de la réalité, sa détermination saisie dans l’intelligence. La vérité ontologique est antérieure à la vérité formelle, puisque l’exister de la réalité précède l’activité de l’intelligence. Aujourd'hui, la pensée dominant, la « vérité formelle » précède la « vérité ontologique ». Il s'agit d'une inversion radicale, dont la compréhension est une clé entre idéalisme et réalisme, où la sincérité se substitue à la vérité. Être sincère, c’est ramener la vérité à « ce qui est pensé », au cogito cartésien. Être vrai, c’est mettre la sincérité au service de « ce qui est ».

 

« Volonté » vient du latin voluntas, « bienveillance », d’où « agir pour le bien ». La volonté est l’une des deux composantes de l’esprit, avec l’intelligence, dans l’étude du vivant qu’est l’homme. Elle est l’attraction d’un bien qui la finalise. Confondue avec la volonté prise au sens de l’efficacité, « être volontaire », elle est synonyme d’« amour » humain spirituel.

 

« Amour » vient du latin amor, du grec avec trois significations : philia, « amitié », eros, « amour sensible », agapè, « amour spirituel ». L’amour est un terme général qui signifie « être attiré par » quelqu’un ou quelque chose.

 

« Éthique », du grec ethos, « relatif à la conduite de quelqu’un », a pour objet l’étude de l’homme dans la conduite de sa vie. Il s’agit d’un large champ touchant l’homme dans sa vie et sa relation aux autres en vue du bien de chacun, le bien étant la finalité de la volonté, ce en vue de quoi telle chose existe.

 

« Morale », du latin moralis, « relatif aux mœurs », a pour objet la conduite de quelqu’un en conformité avec les règles de la société, incluant dans les milieux chrétiens une connotation religieuse. Le bien est à l’éthique ce que la règle est à la morale, d’où la référence historique à la « morale du devoir ».