Le 14 juillet de cette année aura une drôle de couleur. Le 14 juillet est notre fête nationale, pour le meilleur et pour le pire. C’est le jour où les sangles des uniformes étincellent sous le ciel de l’été, et où le bleu du drapeau répond au bleu du ciel. Une date évoquant la joie et l’amertume, reflet  d’une histoire belle et cabossée, commémorant tout à la fois la prise de la Bastille et la Fête de la Fédération, une France foulant aux pieds l’héritage des siècles royaux, et une France tâchant de surmonter ses blessures et voulant croire avec fierté en l’avenir. Dans ces temps troublés, combien aurions-nous besoin de nous replonger, l’âme pure et sans arrière-pensées, dans ces images d’Epinal, heureux de savoir que nous sommes Français, envers et contre tous les drames de notre histoire plusieurs fois millénaire ! Mais des esprits chagrins veulent nous en empêcher. Le bleu ne doit plus avoir de parfum marial ni royal, il doit être européen et républicain. On veut nous convaincre que le blanc incarne notre infâmie ; quant au rouge, il ne peut être que celui du sang de nos victimes et non celui de nos braves morts dans une juste guerre.

Le défilé aura lieu, sans public. Le concert de Paris se tiendra, devant un Champ de Mars déserté. Il y a bien sûr l’épidémie, et la prudence sanitaire toujours de rigueur, mais les symboles sont puissants, et les faits têtus : cette année, se met en scène devant les écrans une drôle de France, sans peuple de France, comme s’il n’était que trop évident que le divorce entre les dirigeants et les dirigés est bel et bien consommé. Pourtant, le peuple est bien là, et ne demande qu’à exister avec la force, l’endurance et l’honnête simplicité qui a été la sienne pendant tant de siècles. Pour beaucoup, le terrible accident de Bayonne et la mobilisation qui l’accompagne, qui vient répondre à la folie allumée par la mort de George Floyd, permettent de cristalliser ce sentiment. Nous n’avons pas l’intention de mourir, de « rendre l’âme » en silence.

A Paris, les instructions officielles invitent les habitants de la capitale à « faire la fête devant sa télé ». C’est un programme évidemment un peu triste… Permettez-nous de suggérer de fêter notre beau pays autrement. En nous laissant envahir, un verre à la main, par la saine, belle et puissante fierté qui doit nous submerger à l’évocation passionnée de tout le formidable héritage reçu et à transmettre. En refusant de nous laisser aller à la sinistrose culpabilisante dans laquelle quelques médiocres veulent absolument nous enfermer. Souvenons-nous aussi d’un autre 14 juillet, il y a  un peu plus de 3 siècles celui-là, à l’autre bout de l’Europe. Le 14 juillet 1683 débutait le siège de Vienne, qui allait s’achever par la reconquête triomphante de l’Europe chrétienne contre l’armée ottomane. Tout un programme !

Constance Prazel