Dimanche prochain, chacun se déterminera en conscience pour approuver ou non le traité constitutionnel sur l'Europe. Nous n'aborderons ici le sujet, que pour émettre un regret.

L'entente entre les peuples européens et l'organisation de leur solidarité constitue une nécessité évidente, comme l'était au lendemain de la Seconde Guerre mondiale la réconciliation d'un continent déchiré.

Cependant, il s'agirait de savoir en priorité quel est le sens de ce projet commun, s'il est en rapport avec le patrimoine historique et spirituel qui fait de l'Europe plus qu'une entité juridique, une aire de civilisation ? C'est bien pourquoi le débat sur l'insertion dans le préambule du traité d'un rappel explicite de nos origines chrétiennes n'était pas secondaire.

Une attitude amnésique n'était-elle pas le symptôme d'une sorte de refoulement avec la volonté plus ou moins explicite de faire de l'Europe un concept neutre, dépourvu de toute tonalité spirituelle, au risque d'un déracinement par rapport à l'histoire ?

Mais l'histoire n'est pas seule en cause. Le refoulement de toute inspiration spirituelle, celle qui fut à l'origine de l'éclosion de toutes nos nations ainsi que de la parenté profonde qui les unissait, ne peut que produire des effets délétères que la bien-pensance ordinaire veut ignorer mais qui frappent cruellement notre continent.

Culture de mort

Ils sont rarissimes les hommes et les femmes qui dans les semaines de discussion acharnée qui ont précédé le référendum français ont osé mettre en évidence le suicide démographique européen. Jean-Paul II, lui, n'avait pas manqué de le faire, lors du synode des évêques d'Europe. À deux exceptions près, aucun de nos pays ne parvient à équilibrer le déficit de ses naissances par rapport à ses décès. En ce début de XXIe siècle, l'Allemagne réunifiée est sur le point de perdre l'équivalent de la population de l'ancienne Allemagne de l'Est.

George Weigel dans un essai pugnace sur le déclin européen (Le Cube (photo) et la Cathédrale) n'hésite pas à écrire que cette catastrophe n'a pas d'équivalent dans les statistiques depuis la peste noire au XIVe siècle (1). Cela signifie que la vitalité du christianisme dans notre continent détermine une attitude devant la vie. Lorsque l'espérance, qui contredit le nihilisme, vient à manquer, c'est la culture de mort qui prend le dessus. Ses effets se font sentir dans l'ensemble des attitudes sociales.

C'est le même George Weigel qui signale des pratiques révoltantes où la mort humaine est désacralisée, après avoir été refoulée (il donne l'exemple de grands journaux qui ont renoncé à leur chronique nécrologique).

Lorsqu'une censure d'abord insidieuse devient totalitaire à l'égard de la foi chrétienne, le regard change sur l'existence et notre belle culture humaniste, celle-là même qui avait prétendu s'émanciper de sa tutelle judéo-chrétienne, se fissure. Voilà où on en arrive, lorsqu'on refuse d'aborder la question des finalités. La réunification de toutes les Europe, rendue possible par Jean-Paul II, est une trop belle cause pour être gâchée par une entreprise d'étouffement de notre âme chrétienne.

© Article à paraître dans le n° 2978 de France Catholique.

(1) George Weigel, Le Cube et la Cathédrale, La Table ronde, mai 2005.

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