Russie : offensive diplomatique sur le flanc sud de l'Etat islamique

Quelques semaines après l’intervention de la Russie, quels sont les nouveaux équilibres de force au Moyen-Orient ?

Ceux-ci peuvent être ordonnés de la façon suivante : à une contre-alliance de trois puissances confinées (Iran, Syrie, Irak) et soutenues par la Russie, s’opposent les débris d’une ancienne alliance (Jordanie, Arabie, Israël, Turquie, Qatar) dont la puissance tutélaire – les États-Unis — s’est partiellement retirée de la région. A l’homogénéité des confinés minoritaires s’opposent les relations plus instables entre les membres du groupe majoritaire jadis dominant.

Il est en outre à noter que l’Iran et la Russie ont l’avantage de ne pas partager les mêmes ennemis : si la Russie peut s’assurer les bonnes grâces de l’Arabie Saoudite ou d’Israël au profit de l’Iran, ce dernier peut à l’inverse agir sur le Qatar ou la Turquie au profit de la Russie.

L’espace diplomatique pivot

Dans le nouveau contexte géopolitique, la Syrie comme l’Irak, cristallisent les oppositions. En revanche, l’espace diplomatique pivot sur laquelle Vladimir Poutine va tenter de jouer afin de retourner la situation en sa faveur est l’ensemble Israël-Jordanie-Arabie.

Si ce pivot fléchissait, l’État islamique serait immédiatement coupé de ses soutiens au Sud. Certes, la constitution d’une alliance Russie-Israël-Arabie-Jordanie, relève de la chimère, toutefois, la Russie va tenter d’obtenir davantage de modération et de réalisme de cette espace géopolitique clef. 

Le rôle-clé de la Jordanie

Dans ce conflit à deux, il est à noter une parfaite symétrie entre l’avancée des pions des deux joueurs. Que les États-Unis apaisent la tension avec l’Iran, et la Russie se rapproche immédiatement de l’Arabie Saoudite (tel furent les mouvements de l’été 2015). Que la relation israélo-américaine s’effrite et la relation israélo-russe se revitalise.

Mais entre des puissances qui ont accumulé les antagonismes, le rôle de la Jordanie ne saurait être sous-estimé : puissance discrète elle a su conserver des relations constructives avec la plupart des acteurs du Moyen-Orient. Or les espaces de paix sont aujourd’hui devenus trop rares dans cette région pour que des puissances s’offrent le luxe de les négliger. 

 

Thomas Flichy de La Neuville, Université Paris IV – Sorbonne.

 

 

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