À l'issue du Conseil des ministres du 5 octobre, le président de la République a souhaité, une " mise en œuvre sans délai " de la loi dite de " réforme de l'assurance-maladie ", adoptée le 30 juillet par le Parlement.

L'objectif affiché est de parvenir à terme à l'équilibre des comptes de ce volet essentiel de la Sécurité sociale (dont le déficit 2004 est estimé à 12 milliards d'euros). Mais cette mise en œuvre s'annonce difficile, alors que les prélèvements sociaux devraient augmenter de 6,5 milliards d'euros en 2005 dont 3,02 milliards d'euros consacrés à la seule réforme de l'assurance-maladie.

Au Sénat, le 27 septembre, un colloque de la Fondation de service politique était consacré à la portée de cette réforme que certains présentent comme une " médecine douce " pour une maladie grave. Sont intervenus, au cours de deux tables rondes respectivement présidées par Bruno Durieux, ancien ministre de la Santé (photo) et Guy Berger, président de chambre à la Cour des comptes, les principaux experts de cette difficile question, dont les professeurs Jacques Bichot, Béatrice Majnoni d'Intignano, Claude Le Pen, les professeurs de médecine Lareng et Vallancien, Alain Coulomb, etc.

L'assurance-maladie serait-elle donc condamnée à la réforme perpétuelle ? C'est bien là le paradoxe d'une institution tournée vers un secteur où la demande croît plus vite que le revenu des français, à la fois parce que la santé est un souci majeur des sociétés avancées et parce qu'une population vieillissante a besoin de plus de soins.

La propension à des dépenses croissantes ne saurait être en l'espèce régulée par le marché, comme il en va dans d'autres secteurs, car, solidarité nationale oblige, la consommation des biens de santé fait l'objet d'un financement collectif (qui atteint aujourd'hui 9 % du PIB, à un moment où le poids des prélèvements obligatoires apparaît excessif à beaucoup.).

Il ne saurait l'être non plus par des méthodes autoritaires car le système de santé français repose encore en partie sur un secteur libéral (médecine, pharmacie, cliniques privées). C'est là sa particularité : son caractère composite, non systématique : ni institution d'État comme le National Health Service britannique, ni largement fondé sur l'assurance privée comme aux États-Unis et, pour cela, difficile à contrôler.

Nul ne souhaitant remettre en cause le principe de solidarité, auquel les Français sont très attachés - et que l'institution d'un " ticket modérateur " de 1 euro par consultation ne menace pas vraiment -, le seul moyen de contrôler la propension inflationniste du système n'est-elle pas le renforcement des contrôles et par là l'instauration d'un système plus bureaucratique ? C'est déjà le cas dans les hôpitaux, dont la gestion apparaît à beaucoup d'une inefficacité " soviétique ". Les contrôles de la sécurité sociale sur les praticiens libéraux n'ont eux-mêmes, cessé de se renforcer.

C'est cependant l'écueil d'une gestion plus autoritaire du système de santé que cherche à éviter la loi Douste-Blazy, fondée sur le concept de " nouvelle gouvernance ", mixte d'un meilleur contrôle des dépenses, d'une rationalisation accrue de l'offre de soins et d'une responsabilisation des acteurs du système. La pièce maîtresse de cette nouvelle gouvernance est le dossier médical personnel, dont l'expérience de télémédecine conduite par le professeur Lareng laisse espérer des retombées fécondes. Mais la réforme comporte aussi l'institution d'un médecin référent ou la création d'une haute autorité de la santé ayant notamment pour but de déterminer hors des passions et des pressions la frontière entre les soins qui doivent être remboursés et ceux qui ne le seront pas.

Dans l'ensemble, les participants au colloque ont exprimé leur confiance dans le nouveau dispositif, sachant que ses résultats n'en seront pas immédiats et qu'ils dépendront de la manière dont il sera appliqué. Toutefois, Jean de Kersvadoué, ancien directeur des hôpitaux, a exprimé son scepticisme, notamment sur le dossier médical partagé, entreprise, selon lui coûteuse et aléatoire. Affaire à suivre, donc...

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