Les Espagnols ont ratifié le projet de traité constitutionnel européen par 76,73% des voix, mais avec un taux d'abstention de 57,68 %. Ce "oui mou" de l'Espagne a donc réuni 32 % des Espagnols.

Un résultat sur lequel les évêques de la péninsule doivent méditer après l'avis contrasté, c'est le moins qu'on puisse dire, qu'ils ont diffusé le 18 février, avant veille du scrutin.

Constrasté, mais instructif, tant il dévoile l'embarras de l'épiscopat européen à l'égard de l'évolution politique de l'Union européenne, naguère considérée comme l'archétype du projet politique chrétien par la quasi unanimité du clergé du Vieux Continent. Cette Note du secrétariat général de la Conférence épiscopale espagnole (CEE), approuvée par la Commission permanente, recense les aspects positifs et négatifs du traité, en vue de promouvoir un "vote de conscience". L'agence romaine Zenit a diffusé le document traduit par ses soins.

 

On y relève tout d'abord la motivation des évêques, dont le devoir pastoral est d'"offrir une aide aux catholiques, et à l'opinion publique en général, sur l'orientation morale du vote responsable et effectué en conscience".

On apprend que parmi les éléments positifs du texte, "les signataires du traité, se soumettant au pouvoir d'un texte constitutionnel, favoriseront le processus d'intégration de l'Union avec tout ce que cela comporte : renforcement de la paix entre les peuples d'Europe ; développement économique et social ; coopération plus efficace contre le terrorisme et la délinquance au niveau international et croissance de la capacité de l'Union d'agir de manière concertée dans le monde".

Les évêques trouvent que le Traité respecte "avec une clarté suffisante les principes de subsidiarité, de proportionnalité et de contrôle judiciaire" ainsi que "conformément aux lois nationales, la liberté de création de centres d'enseignement" et le droit des parents d'éduquer leurs propres enfants "sur la base de leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques".

Naturellement, est appréciée la mention de la religion "comme un des éléments constitutifs de l'héritage européen" et la reconnaissance "des Églises comme réalités sociales ayant une valeur spécifique" avec lesquelles l'Union maintiendra "un dialogue ouvert, transparent et sincère".

Mais les évêques espagnols ont des griefs. On ne s'étonne pas que la Note souligne l'absence de définition claire d'"un droit humain aussi fondamental que celui de la vie". Précisément, "le texte constitutionnel n'exclut pas la recherche impliquant la mort d'embryons humains, ni l'avortement, ni l'euthanasie ; le texte n'exclut pas non plus le clonage d'êtres humains en vue de l'expérimentation et de la thérapie".

Dans le même esprit, les prélats ont noté l'absence d'"une plus grande protection du mariage et de la famille, tout comme la définition explicite du mariage en tant qu'union stable entre un homme et une femme ainsi que la protection du droit des enfants à ne pas être adoptés dans le cadre d'un autre type d'union".

Sans surprise, les évêques espagnols regrettent qu'il n'existe pas non plus de "reconnaissance explicite du caractère personnel de l'être humain, ouvert à la transcendance, qui est la base inviolable des droits fondamentaux", et "déplorent profondément l'omission délibérée du christianisme comme l'une des racines vivantes de l'Europe et de ses valeurs".

Plus nouveau dans un discours épiscopal, les évêques "souhaitent que l'organisation politique de l'Union facilite une plus grande participation des citoyens". On ne sait si cette incise est à l'origine d'une réflexion sur la cause profonde de la critique catholique sur l'évolution constructiviste de l'Union européenne, mais cela aurait mérité un vrai développement.

À propos de la convocation du référendum, la Note affirme "que les citoyens doivent avoir suffisamment d'informations pour pouvoir voter en connaissance de cause", et soulève une question sur la clarté du problème posé, n'ignorant pas la "perplexité" manifestée par de nombreux Espagnols "face à la difficulté de pouvoir connaître de manière responsable le contenu d'un texte juridique long et complexe comme peut l'être le traité en question".

En conclusion, tout se complique, mais le dilemme posé dit assez qu'il y a évolution dans l'appréhension du problème européen : les évêques rappellent que depuis longtemps "l'Église mise sur l'Europe" et qu'elle a toujours encouragé le projet d'unification européenne, facteur de "concorde et de véritable progrès", mais que toutefois, "l'engagement à l'égard de l'Europe ne les oblige pas à indiquer, dans l'exercice de leur mission pastorale, une direction déterminée relative au vote dans ce référendum", affirmant seulement que "dans tous les cas il sera nécessaire d'agir en conscience en pesant avec attention les motifs pour lesquels celui-ci se déroule réellement ".

En ce cas, "le ‘oui' ou le ‘non' [...] sont des options possibles et légitimes" tout comme "le vote blanc et l'abstention, dans les cas où il ne serait pas possible de dépasser l'état de perplexité, ou si l'on ne peut accepter, à la base, la consultation". Bref, la construction européenne n'est plus un modèle, mais un problème de prudence politique.

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