J'ai décidé il y a quelques mois d'interrompre mes études pour un an et de partir en mission humanitaire aux Philippines avec l'association des Enfants du Mekong. Cette mission d'une année consiste à aider les sœurs de la Communauté des Béatitudes auprès des mineurs de la prison du Manila Youth Reception Center (MYRC) à Manille.

Avec ce temps de carême qui commence, je vous propose de vous unir à cette mission, et de nous aider, si vous le pouvez, comme le pouvez !

Cet après-midi, j'ai rendez-vous à 14 heures avec les soeurs à la prison. Celle-ci se trouve à une demi-heure de métro du foyer des franciscains où je loge.

De l'extérieur, la prison n'a pas l'image que je m'en faisais. Ce sont trois bâtiments d'une cinquantaine d'années, plantés au beau milieu de la ville, et qui ont l'air de tout sauf d'une prison. Une grande grille ouverte marque l'entrée. Trois Philippins en short réparent un scooter. Trop concentrés sur leur travail, c'est à peine s'ils remarquent notre entrée. Sr Édith Myriam et moi entrons par une large porte dont le rideau de fer est levé. Darios, un assistant social, nous invite a faire le tour de la prison.

Nous franchissons une lourde grille en fer forgée, plus symbolique qu'autre chose. Un sombre couloir silencieux d'une vingtaine de mètres, éclairé par des néons à la lumière incertaine. Sur notre droite, des grillages donnent sur une petite cour intérieure en béton, sale et sinistre. À gauche, un mur de ciment percé de fenêtres grillagées d'où pendent des bras et des jambes d'enfants. Soudain, des cris : " Sister ! Sister ! "

On devine l'agitation dans la cellule, rapidement une vingtaine d'enfants viennent s'accrocher aux grilles, tendent les mains vers Soeur Edith-Myriam, mendient un sourire, quelques mots, une caresse, une bénédiction.

Soeur Edith nous présente ; les enfants sourient, tendent les mains, demandent mon prénom. Nous nous approchons des barreaux, souriants mais mal à l'aise, ne sachant quelle attitude adopter. Les enfants sont jeunes. Ils sont une trentaine dans cette cellule de 40 mètre carrés.

Dans la cellule, il n'y a rien. Une nappe de béton sur laquelle sont encore étendus une dizaine d'enfants. Sur les murs noirs, trois posters dérisoires de joueurs de basket américains. Le sol est crasseux, humide, puant. Un malheureux ventilateur remue l'air chaud, moite et nauséabond de la cellule, sans aucune ouverture sur l'extérieur.

Les enfants sont sales et pour la plupart atteints par des maladies de peau (la gale et les pustules font des ravages). Ils ont entre 8 et 17 ans, n'ont pour la plupart connu que la rue et sont la pour vol, viol, consommation de drogues, ou simplement par ce qu'ils ont eu le malheur de se trouver au mauvais endroit, au mauvais moment et personne pour les faire sortir de prison.

Les bagarres dans les cellules sont fréquentes. Tout faux pas est sévèrement réprimé par les gardiens. Et pourtant ils sourient, ils nous sourient.

Nous poursuivons notre visite. Six cellules se succèdent, avec le même nombre de petits prisonniers. Certaines ont été récemment repeintes par des bénévoles, elles ont un aspect un peu moins terrifiant, mais la misère est la même partout.

Soeur Edith nous présente quelques-uns des enfants : un petit garçon de 11 ans, pas plus haut que trois pommes, une tête d'ange et le sourire malin, pris par la police après le vol de huit voitures ; un autre de 16 ans, père de deux enfants, en prison depuis six mois, condamné à quatre ans de prison pour agression à main armée sur un taxi. Plus loin, Antony, 17 ans, douze mois de tôle déjà, a refusé de s'enfuir il y a deux semaines avec trente autres garçons de sa cellule. Traité de lâche, il a été battu, lacéré au cutter. Antony veut purger sa peine et rejoindre un foyer tenu par les soeurs pour enfin " changer sa vie ".

Deux cents garçons, et deux cents cas aussi terrifiants, révoltants, qui vous serrent le cœur. Et pourtant, l'histoire d'Antony montre que le travail des soeurs n est pas vain.

Aujourd'hui, nous avons passé trois heures à la prison avec les enfants et tenté d'échanger quelques mots de tagalog : " Anong pangalan mo ? Saan ka nakatira ? Ilan taon kana ? Comostana ?... " Jouer dans les cellules, c'est étouffant, épuisant. L'envie de me plaindre m'a traversé l'esprit... j'ai dû trahir une expression bizarre, les enfants m'ont regardé, souri, un sentiment de honte m'a envahi.

Les enfants étaient fiers de m'apprendre leur langue. Ils n'attendent qu'une chose : sortir dans la cour pour jouer au basket. Lundi...peut-être.

À la semaine prochaine, magkita tayo namaya

Charles.

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