Non les exigences de réparation de la France n'étaient pas exagérées

source[Roland Hureaux]En réponse au discours de président de la République du 11 novembre :  

 

 

Toujours désireux de faire des ronds de jambe face à ses partenaires allemands, le président Macron s’est encore fendu le 11 novembre, lors de l’inauguration de l’historial franco-allemand de Hartmannswillerkopf (Haut-Rhin), d’un discours qui conjugue un regard injuste sur notre passé et l’ignorance de l’histoire.

De manière lyrique quoiqu’assez convenue, le président a légitimement évoqué les souffrances de la seconde guerre mondiale. Il a ainsi rappelé qu’en ce haut lieu, « la mémoire allemande et la mémoire française s’y mêlent, comme se mêlent un peu plus loin les ossements de nos soldats. »  Certes, mais tout le monde sait que les uns étaient chez eux et les autres pas. Sans nécessairement cultiver l’esprit de revanche, on doit à la vérité historique de rappeler qu’en moins d’un siècle, c’est l’Allemagne qui a envahi trois fois la France et non l’inverse. C’est dire qu’une cérémonie symétrique où on célébrerait les morts français sur le sol allemand a peu de chances de se tenir (à moins de remonter à la bataille de Iéna !). Le même malaise avait été ressenti lors des cérémonies-anniversaire que François Hollande avait organisées à Verdun en 2016 (avec un concert de Black M !).

En disant cela, nous ne pensons pas que, selon l’expression du président, « l'honneur dû aux morts, c'est de les venger par d'autres morts ». Résumé schématique qui ne fait que refléter les idées schématiques qui sont dans l’air du temps. Les traités de Versailles de 1870 et de 1919 furent certes vécus comme injustes, le premier surtout à cause de l’annexion de l’Alsace et de la Moselle : cela ne veut pas dire que les peuples aient voulu férocement en découdre. 

Au titre des approximations fâcheuses cette phrase qui semble imputer la responsabilité de la seconde guerre mondiale aux Français : « Je sais combien ces traités   furent ressentis douloureusement par le peuple allemand ; je sais de quel prix l'Europe toute entière a payé un désir de réparation poussé à l'extrême. »

Macron parle du traité de Versailles (le second, celui de 1919). Ce disant, il confond deux choses :  la dimension morale et la dimension financière.

 

Nos exigences de réparation n’étaient pas injustifiées

 

Sur le plan moral, il était en effet injuste que ce traité, imposé et non négocié, imputât officiellement à l’Allemagne la responsabilité de la première guerre mondiale, alors que cette responsabilité était, on le sait, partagée.  Cette culpabilisation n’a pas fait peu pour alimenter le ressentiment allemand avec les suites que l’on connait. Encore faudrait-il préciser que cette injustice fut moins l’effet du nationalisme français que du moralisme wilsonien. Pour la première fois dans l’histoire, on mêlait la morale à la guerre. Ce ne devait pas être la dernière. On sait combien la « politique du bien » a   fait de nos jours des ravages, combien de pays ont été mis à feu et à sang au nom des droits de l’homme. Et il s’en faut de beaucoup que le nouveau président ait pris ses distances avec cette idéologie. 

Mais Macron ne parle pas de ça ; il parle des réparations. Depuis longtemps, même en France, s’est installée l’idée fausse selon laquelle la France aurait été exagérément exigeante. Or la guerre avait eu lieu entièrement sur le territoire français : un quart de notre pays avait été ravagé   et précisément le quart sur lequel se trouvait l’essentiel de notre potentiel industriel :  des milliers d’hectares stérilisés, de mines noyées, des usines détruites.  

L’Allemagne en 1918 conserve, on l’oublie trop, tout son potentiel économique ; elle avait donc les moyens de payer une juste indemnité pour les immenses dégâts elle était venue commettre sur notre sol.

D’autant que la France en 1870, avait sans motif économique, été chargée d’une lourde indemnité, qu’elle avait, elle, payée rubis sur l’ongle dès 1973.

Si l’Allemagne n’a pas réglé les réparations ou très peu, c’est qu’elle ne l’a pas voulu, La crise d’inflation galopante de 1923, qui a tant traumatisé son peuple était une manœuvre de son gouvernement pour ne pas honorer sa dette. L’Allemagne fut encouragée en cela par les Anglo-Saxons désireux d’abaisser la France qu’ils tenaient, à tort, pour trop forte. Notre pays a dû, dès lors, faire face toute seule à l’immense travail de reconstruction, qu’encore une fois l’Allemagne n’a pas eu à faire. La pointe de Macron contre nos exigences, qu’en poussant à peine   on pourrait interpréter   comme la mise en cause de la France dans la seconde guerre mondiale, était sûrement de trop.  

Mais le président français ne fait là que reprendre la doxa historique des universités   américaines, largement relayée par le Science Po des années 2000. La charge terrible du candidat Macron contre la colonisation française qu’il a accusée de « crimes contre l’humanité » a la même origine.  Pour échapper à ces préjugés, rarement indulgents pour notre pays, peut-être faudrait-il que le président français apprenne un peu mieux l’histoire de France.   

Même si, dans l’inculture générale qu’a organisée l’Education nationale, le souvenir de ces évènements s’est atténué, rien ne suscite plus de haine que les imputations injustes - comme l’avait montré   l’Allemagne de l’entre-deux-guerres.      Le premier devoir du président français est de tenir un   juste équilibre dans l’évocation de ces évènements douloureux – ce qui veut dire respecter la vérité.

Sans originalité, Macron, termine en invoquant « notre jeunesse », la française et l’allemande à qui nous devons, dit-il justement, la concorde entre nos deux peuples. Mais quelle jeunesse ? Macron comme Merkel et comme la plupart des dirigeants européens n’ont pas d’enfants. La population française, comme la population allemande, ne se renouvellent plus que par l’immigration. Disons-le : nous sommes des peuples en voie de disparition. N’est-ce pas là l’effet d’une culpabilisation déprimante, qu’on aimerait que nos dirigeants désormais nous épargnent.

Roland HUREAUX