Le Grand Maître de Malte piétine le droit de l’Église

Source [Riposte catholique] Mgr Fernandez, un proche du Pape, devenu archevêque de La Plata, en Argentine, avait donné l’exemple : il avait publié le 24 décembre 2018 un décret qui annulait ni plus ni moins les dispositions de la constitution apostolique prise en forme de motu proprio, Summorum Pontificum. Aux termes du décret de l’archevêque de La Plata, on ne pouvait plus désormais célébrer la messe traditionnelle sans sa permission, y compris pour les messes privées.

Dans le même sens, le Grand Maître de l’Ordre souverain de Malte vient de prendre une décision arbitraire, qui va contre l’esprit et la lettre de Summorum Pontificum : il interdit a priori toute célébration publique de la messe traditionnelle dans les cérémonies liturgiques l’Ordre.

Il invoque, pour ce faire, l’article 3 du motu proprio, qui porte : « Si des communautés d’Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, de droit pontifical ou de droit diocésain, désirent, pour la célébration conventuelle ou de communauté, célébrer dans leurs oratoires propres la Messe selon l’édition du Missel romain promulgué en 1962, cela leur est permis. Si une communauté particulière, ou tout l’Institut ou la Société, veut avoir de telle célébrations souvent ou habituellement ou de façon permanente, la chose doit être déterminée par les Supérieurs majeurs selon les règles du droit et les lois et statuts particuliers. »

Mais la décision du Grand Maître soulève deux difficultés majeures :

1. Tout d’abord, il n’est pas évident qu’il soit compétent en cette matière. L’Ordre est d’abord une entité politique souveraine et n’entre qu’accessoirement dans la catégorie des Instituts de vie consacrée. Le supérieur religieux du clergé de l’Ordre est en fait le Prélat – actuellement un Français, Mgr Jean Laffitte, issu de la communauté de l’Emmanuel –, qui est nommé par le Pape parmi trois candidats proposés par le Grand Maître. Il semble bien que toute décision liturgique fait partie du domaine du Prélat et non du Grand Maître. Il est également hautement probable que le Cardinal Patron – qui est toujours le cardinal Burke –, assisté par le Prélat dans l’exercice de ses fonctions auprès de l’Ordre, ait son mot à dire dans ce domaine.

2. Et, de toute façon, la décision du Grand Maître méconnaît directement les stipulations de l’article 3 de Summorum Pontificum qui précisent :

a)   que si l’une des communautés particulières d’un institut veut avoir des célébrations en forme extraordinaire, cela lui est permis.

b)   et que si cette communauté ou tout l’institut veut faire en sorte, perficere vult, que cette célébration soit fréquente, habituelle ou permanente, saepe vel habitualiter vel permanenter, la chose devrait alors être décidée, decernatur, par les supérieurs majeurs, selon les normes du droit général et particulier.

En aucune manière, par conséquent, des supérieurs généraux religieux ne peuvent interdire toute célébration en forme extraordinaire particulière. Quant à une célébration dont les demandeurs voudraient qu’elle se reproduise souvent, les supérieurs (les supérieurs certainement compétents) pourraient, pour des raisons proportionnées, ne pas la permettre, ou en tout cas la régler, mais il ne pourrait certainement pas a priori, et avant qu’une demande ne soit faite l’interdire totalement. Cela reviendrait tout simplement à poser une loi particulière contre la loi générale.

Ce que fait le Frère Giacommo Dalla Torre : il prend une décision dans un domaine où il est vraisemblablement incompétent, mais qui à coup sûr se veut une loi à prétention générale, contrevenant à rien moins qu’aux dispositions d’une constitution apostolique.

Aux termes de l’article 10 de l’instruction Universæ Ecclesiæ d’application de Summorum Pontificum, un recours contre cette décision administrative du Grand Maître pourrait être introduit devant la Congrégation pour la Doctrine de la foi, qui a hérité de toutes les compétences de la Commission Ecclesia Dei, avec ensuite un appel possible devant le Tribunal Suprême de la Signature Apostolique.

Ce qui suppose que l’on vive aujourd’hui dans une “Église de droit”.

Abbé Claude Barthe (11 juin 2019)

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Texte de la lettre circulaire de Fra’ Giacommo Dalla Torre (traduction Riposte Catholique)

10 juin 2019

Aux grands prieurs et procurateurs,

régents et sous prieurs, aux présidents des associations nationales

Excellences, chers confrères et consœurs,

Le cœur encore empli de la grâce reçue pendant notre pèlerinage à Lourdes, je veux vous exprimer mes salutations fraternelles et vous transmettre ma gratitude pour vos nombreuses initiatives en faveur de nos frères – nos Seigneurs les malades et les pauvres – dans vos pays, qui ainsi renforcent la communion qui unit tous les membres de notre famille religieuse.

En tant que Supérieur et Souverain de l’Ordre, il est de mon devoir de m’assurer que cette communion soit présente dans tous les aspects de la vie de notre Ordre. Parmi tous les éléments qui constituent notre vie spirituelle, la question de la liturgie en usage dans nos célébrations revêt une importance particulière.

Comme vous le savez tous, le motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, tout en laissant à chaque prêtre la liberté de célébrer privativement en forme extraordinaire, stipule néanmoins que dans les instituts religieux cette question doit être décidée par le supérieur majeur selon les dispositions de la loi et de ses statuts particuliers (Summorum Pontificum, art. 3).

J’ai par conséquent décidé, en tant que garant suprême de la cohésion et de la communion de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem dont la Providence m’a fait Grand Maître, que désormais toutes les cérémonies liturgiques dans notre Ordre devront être célébrées selon le rite ordinaire de l’Église (rite de saint Paul VI) et non dans le rite extraordinaire (rite tridentin). Cette décision s’applique à toutes les célébrations liturgiques officielles telles que les investitures, les messes lors de nos pèlerinages, les messes commémoratives, ainsi qu’aux fêtes et solennités de l’Ordre.

Je vous demande d’informer de ma décision tous les confrères et les consœurs, les chapelains et volontaires de vos grands prieurés, sous prieurés et associations, et de vous assurer qu’elle sera mise immédiatement en application.

En outre, j’ai demandé à notre Prélat, supérieur religieux du clergé de notre Ordre, d’informer personnellement tous les chapelains magistraux afin qu’ils puissent donner suite à ma décision et qu’ils s’assurent que les chapelains et ceux qui dépendent d’eux, la respectent.

Vous assurant me souvenir de vous dans ma prière, je vous adresse mes salutations les plus fraternelles.

Fra’ Giacommo Dalla Torre

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