"L'intégration de la Turquie dans l'Union européenne serait une grande erreur", a déclaré le préfet de la Congrégation au quotidien suisse Giornale del Popolo le 20 septembre 2004. Cette déclaration passée inaperçue a été reprise à notre connaissance que par la seule agence Zenit, dont cet article reprend l'essentiel.

Invité à un congrès à Velletri (Latium), consacré à l'exhortation apostolique Ecclesia in Europa, le cardinal Ratzinger a évoqué la question des racines chrétiennes de l'Europe, quelques jours avant l'avis que la Commission européenne doit prononcer sur les progrès de la démocratie en Turquie, et son aval (ou non) sur l'ouverture de négociations officielles en vue de son adhésion à l'Union européenne. En mai dernier, rappelle Zenit, le cardinal Camillo Ruini, président de la conférence des évêques italiens, "avait lui aussi exprimé quelque perplexité devant cette éventualité". En France, c'est le cardinal Philippe Barbarin, qui a exprimé les mêmes doutes, la veille de la visite de Jean-Paul II à Lourdes, invitant chaque partenaire à s'enraciner d'abord dans sa propre identité.

C'est l'idée même du cardinal Ratzinger : "La Turquie doit être respectée dans ses valeurs identitaires", car elle a "une autre mission à accomplir". Cette mission, c'est celle de "pont culturel", entre l'Europe et le monde arabe. Précisément, "la Turquie devrait former un continent culturel" avec les pays arabes, même si "le moment n'est pas propice, à cause des tensions existantes".

Toujours modeste, le cardinal a déclaré se prononcer sur cette question en tant que "petit historien qui a toujours conservé amour et attention pour cette discipline". Pour l'histoien Ratzinger, l'Europe est un concept non pas d'abord "géographique" mais "culturel", qui s'est forgé au cours d'un processus historique parfois conflictuel, et fondé sur la foi chrétienne.

Dans la substance des propos rapportés par Zenit, le cardinal fait observer que l'empire ottoman a toujours été en opposition avec l'Europe. Même si, dans les années vingt, Kemal Attaturk a construit une Turquie laïque, elle demeure le noyau de l'ancien empire et a un fondement islamique. Elle est ainsi très différente de l'Europe, qui est elle-même un ensemble de nations laïques, mais avec un fondement chrétien, même si elles semblent aujourd'hui le nier.

L'entrée de la Turquie dans l'Union européenne serait donc, selon le cardinal Ratzinger, "anti-historique". Ce serait aller à l'encontre de "l'âme européenne" et des réalités, et donc une "grande erreur", et la conséquence de raisons économiques. "Mais quelle Europe aurions-nous, qui serait construite seulement sur l'économie?", s'est demandé le cardinal.

Interrogé sur le refus de la mention des racines chrétiennes de l'Europe dans le préambule de la constitution européenne, le cardinal le considère, selon le Giornale del Popolo a, comme "incompréhensible"et "inacceptable". Énigmatique, le prélat suggère d'attendre les résultats "des différents référendums".

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