Education : la sauvagerie des déshérités

Yves Meaudre compare le désastre des idéologues français de l’Education nationale, empêtrés dans la pédagogie du bon sauvage démolie par François-Xavier Bellamy dans les Déshérités (Plon), avec la réussite des écoles de l’ONG Enfants du Mékong au Cambodge. Leur responsable, Martin Maindiaux, vient être nommé au gouvernement du royaume comme sous-secrétaire d’Etat à l’Éducation. L’école, c’est d’abord la transmission.

LISEZ les Déshérités de François-Xavier Bellamy. Le philosophe y dénonce les théories de Rousseau et de Marx préconisés par nos ministres. Celles-ci mettent comme préalable à toute révolution réussie la fabrique des sauvages par la mise en place d’une amnésie collective.

Enfants du Mékong en connait le prix ; pour le seul Cambodge, deux millions de génocidés avec une sauvagerie inouïe. Les fomentateurs ont tous été formés dans les universités françaises au lait de notre encyclopédiste et de Marx. Le Cambodge était pourtant un peuple d’une culture multiséculaire qui avait ses médecins, ses professeurs d’universités, ses avocats.

La théorie du bon sauvage

Quel est le mécanisme qui engendre une telle barbarie ? F.-X. Bellamy dénonce « la théorie du bon sauvage » qui interdit au maître de transmettre ce qu’il sait et impose à son disciple d’apprendre à ignorer plutôt qu’à savoir. Notre normalien démontre que la génération qui a béni les massacres d’hier au nom de la régénération d’un peuple corrompu perdure dans nos écoles. Et de citer des inspecteurs généraux de l’Éducation nationale intimant aux brillants élèves de la rue d’Ulm : « Vous n’avez rien à transmettre ! » et un ministre de droite en 2009 affirmant que « la culture générale est discriminatoire »…

À la fois homme politique et professeur de philosophie il dénonce la trahison d’une génération qui a bénéficié amplement de la culture transmise. Pourtant, pour incuber « du bon sauvage » par perversité idéologique, elle la refuse à la génération suivante.

On sait que la barbarie s’est installée chez des jeunes à qui on a refusé toute référence morale et culturelle. « L’homme réduit à l’utilisation des choses et interdit de rapports moraux d’homme à homme » écrit-il ; c’était le programme de Pol Pot.

Ce n’est peut-être pas un hasard si les épurateurs d’hier ont été tellement soutenus par les universités françaises… Ce sont les mêmes qui, malgré les millions de morts conséquents aux théories qu’ils ont encouragées continuent à les développer. Le « bon sauvage » est en réalité un barbare. Le toulousain Merah ou ce furieux à l’accent de Liverpool qui coupe les têtes pour les brandir comme les révolutionnaires de 89 sont des sauvages.  Qu’ils soient islamistes ou marxistes, ils sont le produit de la trahison, insiste l’auteur, d’une classe intellectuelle qui refuse de transmettre l’héritage intellectuel, moral et spirituel à une jeunesse abandonnée aux pulsions de la sauvagerie.

Une œuvre éducative

Enfants du Mékong incarne en Asie ce que le normalien F.-X. Bellamy rêve pour la France.

Nos résultats sont tels que l’un de nos responsables a été — fait unique à l’étranger — nommé sous-secrétaire d’État à l’Éducation du royaume du Cambodge.

Stupéfait d’une telle reconnaissance, Martin a demandé : « À quoi cela m’engage-t-il ?

—     À continuer ce que vous faites, lui a répondu le ministre. »

Je me revois cinq ans plus tôt devant une responsable de l’Agence française du développement. Celle-ci m’avait sèchement apostrophé. Elle était scandalisée que nous organisions l’enseignement dans nos pays d’action. Cette femme ouvertement marxiste dénonçait notre ingérence dans la formation des jeunes Asiatiques alors que sa génération avait tout fait pour rendre inculte et furieux leurs parents.

Or quand nous sommes arrivés dans ce petit royaume ressuscité, les professeurs taisaient depuis seize ans leur ancienne fonction pour ne pas risquer la peine de mort. Lorsque nous leur avons demandé : « Déterrez vos manuels scolaires car il faut transmettre votre savoir pour relever l’intelligence de vos enfants », ils pleuraient d’émotion.

Je me souviens encore dans une immense cabane de bambous éclairée seulement par la lune dire à 163 anciens professeurs : « Nous vous prenons en charge dès ce soir pour remplir votre mission », l’émotion avait été considérable. Certains étaient allés déterrer des manuels cachés au pied d’un arbre depuis 1975. Ils serraient en pleurant ces livres aux pages moisies.

Nous avons à la fois démultiplié le nombre des écoles, des universités, des foyers. Et étendu notre expérience réussie à toute l’Asie du Sud Est. Les enfants apprennent avec passion. Dans certains foyers nos volontaires sont obligés de couper le générateur pour empêcher nos enfants d’étudier la nuit. Nous complétons la formation académique par une formation du cœur car nous voulons éduquer.

« Faire école »

Si certains membres de cette république française qui se débattent dans leurs lamentables scandales nous reprochent notre ingérence nous le prenons comme un compliment. Leurs insultes honorent les honnêtes gens. Nous trouvons notre récompense dans la confiance accordée par un régime rescapé de quinze ans de marxisme en confiant le secrétariat d’État à l’éducation à l’un des nôtres.

Puissions-nous servir d’exemple dans notre propre pays un jour !

Je prie le ciel de tout mon cœur de nous débarrasser des khmers roses pour ramener à la tête de nos institutions des hommes et des femmes qui s’inspireront de notre expérience et du courage des pays du sud.

 

Yves Meaudre est directeur général des Enfants du Mékong
 Chronique diffusée sur Radio Notre-Dame les 12 (I) et 19 (II) septembre 2014.

 

 

Déshérités

 

François-Xavier Bellamy
Les Déshérités ou l'urgence de transmettre
Plon, 2014,
109 p., 17 €

 

 

 

Voir aussi :
Portrait de Martin Maindiaux, "Un héros Imagine" (vidéo)

***