De quoi Hélie de Saint-Marc est-il le nom ?

Ils estiment cela « rance », « triste ». Ils s’indignent de « ceux qui cherchent à raviver les plaies du passé pour nous diviser ». Ils hurlent même : « Fachos, assassins ! » Le responsable de toute cette agitation est Robert Ménard. Le maire de Bézier a décidé de rebaptiser une rue du 19 mars 1962 - une impasse, tout un symbole – en rue du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc.

Tous les coups sont bons pour attaquer le FN et ceux qui comme Ménard se sont alliés avec ce parti. On ne pardonne pas ces accords déviants. À l’approche des départementales, le gouvernement et ses séides perdent leurs nerfs. La Force tranquille a été remplacée par une faiblesse emplie de nervosité. La paresse ou l’incompétence aidant, ils se contentent de dénoncer le Front national à grand coup d’anathèmes. La lutte contre le FN est une priorité qui n’intéresse qu’eux-mêmes. Ils profitent de la guerre en cours. Car la paix qui suivra leur défaite sera terrible pour eux.

Quand les socialistes parlent de réécrire l’histoire

Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, est très présent sur twitter. Il s’y plaint que Ménard veuille « réécrire l'Histoire, mépriser la mémoire et s'en prendre à la République ». Rien de moins. Difficile de comprendre pourquoi. Même si l’on sait que la république tend à devenir une religion, est-elle vraiment en danger ? Hélie de Saint-Marc n’est-il pas un symbole d’ouverture et de réconciliation ? Est-ce réécrire l’histoire que de dire, comme Robert Ménard, que les accords d’Évian n’ont en rien fait cesser les massacres du FLN ?

Sans honte, le ministre appelle au rassemblement « face à ceux qui cherchent à raviver les plaies du passé pour nous diviser ». Pourtant, les putschistes ont été amnistiés sous François Mitterrand. On ne saurait trop conseiller au ministre de l’agriculture de prendre un peu de son temps qu’il utilise à twitter pour lire les livres du commandant de Saint-Marc. Car il symbolise la réconciliation, et l’apaisement.

Mais il est croustillant de voir les socialistes se plaindre qu’on veuille réécrire l’histoire. Car depuis quelques années, et spécialement depuis l’élection de 2012, l’histoire est particulièrement malmenée dans les programmes scolaires. L’hebdomadaire Valeurs actuelles s’en émouvait déjà en 2013 :

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« C’est un procédé que l’on utilisait souvent en Union soviétique : effacer des photos officielles les personnalités qui avaient perdu la faveur du régime — Trotski et bien d’autres, dont Staline ou Brejnev avaient voulu gommer la mémoire.
Or, ce qui se passait en URSS se répète en France aujourd’hui : les “grands hommes” (et les femmes) qui firent la France sont progressivement effacés des programmes scolaires, de sorte que les jeunes Français ne connaissent plus leur histoire. Il leur est donc impossible de comprendre comment fut forgée la nation, à force de batailles, de mariages et parfois de ruse. Du passé de la France, de son identité, l’Éducation “nationale” a fait table rase. »

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Les socialistes sont dignes de leurs grands anciens et maîtres. Et ils n’aiment pas que l’Histoire ne se conforte pas à leur idéologie. Ou quand on tente, par de petites initiatives bienvenues comme celle de Ménard, de remettre les choses à leur juste place.

Le Commandant de Saint-Marc, symbole haï ou ignoré

Lors de son enterrement en 2013, pas un membre du gouvernement n’avait fait le déplacement, malgré le communiqué plutôt élogieux du ministre de la défense. Le Commandant était pourtant grand-croix de la Légion d’honneur, une distinction donnée par Nicolas Sarkozy lui-même, dans la cour des Invalides. Elle est réservée à une soixantaine de français en vie seulement. Preuve d’une mémoire sélective, l’enterrement d’Yves Saint-Laurent avait déplacé Nicolas Sarkozy, président en exercice, et nombre de « personnalités ». Mais le vieux résistant ne les intéressait pas.

Pourtant, ceux qui l’ont connu sont unanimes. Peu d’hommes ont connu une vie si riche. Et surtout, peu ont traversé le siècle comme il l’a fait. En restant droit. Fidèle à la parole donnée. En refusant le manichéisme pour parler de l’histoire, forcement complexe. En s’engageant jusqu’au bout, sans pour autant verser dans un extrémisme désespéré, comme tant d’autres. En doutant et en espérant, malgré tout.

Hélie de Saint-Marc, par sa grandeur d’âme a su se faire aimer de la jeunesse. L’auteur de ces lignes l’a constaté, aux scouts notamment. Nombre de jeunes se sont attachés à ce vieux soldat. Ses écrits ont une charge et une profondeur qui font taire les ricanements des sceptiques et font réfléchir les autres. Il a su être un passeur. C’est d’ailleurs dans ce but qu’il écrivait, et donnait des conférences. Sa Lettre à un jeune de vingt ans est un programme de vie riche et complet, comme en témoignent ces quelques lignes pleines d’humilité :

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« Je dirai à mon jeune interlocuteur que pour ma très modeste part, je crois que la vie est un don de Dieu et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, une signification à notre existence.

Je lui dirai qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde, qu’il faut savoir découvrir ces étoiles, qui nous guident où nous sommes plongés au plus profond de la nuit et le tremblement sacré des choses invisibles. »

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Trouver la part d’humanité en chaque homme

Le Commandant était aussi un homme de réconciliation. Qui peut se vanter d’avoir écrit un livre avec celui qui fut son ennemi ? Résistant et déporté, Hélie de Saint-Marc l’a fait avec August von Kageneck, ancien officier allemand, qui eut sensiblement le même parcours. Toute sa vie, le Commandant n’a eu de cesse que de chercher l’apaisement. Celui de sa conscience, meurtrie à jamais par l’abandon forcé de ses partisans en Indochine. Mais aussi l’apaisement que donne le pardon. Hélie de Saint-Marc savait trouver la part d’humanité en chaque homme.

Hélie de Saint-Marc était aussi un homme désintéressé de lui-même. Seuls l’inquiétaient le sort de sa famille, de ses soldats, des civils placés sous sa responsabilité. Et celui de la France. Jamais il n’a sacrifié son honneur aux honneurs («La Légion d'honneur, on me l'a donnée, on me l'a reprise, on me l'a rendue…»). Jamais il ne s’est dérobé, et a toujours fait face à ses responsabilités. Quel qu’en pouvait être le coût. Même s’il fallait encourir d’être condamné à mort par un tribunal politique français.

Loin d’être cynique, le Commandant était un homme sensible. En témoigne l’attention qu’il portait aux nombreuses lettres qu’il recevait quotidiennement. Auxquelles il répondait personnellement, et de manière particulièrement touchante. Il n’était pas un odieux tortionnaire de fellaghas, costume sanglant dont a trop souvent voulu l’affubler. Il n’était pas non plus un bidasse borné, juste bon à crapahuter dans le Djebel sans réfléchir. C’était un homme de conscience.

Un signe d’espérance

Remercions donc Robert Ménard de mettre le Hélie de Saint-Marc à l’honneur. Certes, le maire de Béziers joue un peu la provocation. Elle est facile, le troupeau n’attendant qu’une occasion de bêler pour tenter de mobiliser son électorat. Manuel Valls use de la vieille ficelle de la résistance, du camp du bien contre celui du mal, des gentils contre les méchants. Il ne se préoccupe pas vraiment d’Hélie de Saint-Marc et l’histoire de France, mais de ses futurs et piètres résultats.

Mais cet acte permet de remettre les choses à leur juste place. Tout d’abord, remettre le commandant de Saint-Marc à l’honneur. Ce n’est qu’une rue. Mais à un nom mensonger commémorant un abandon peu glorieux succède celui d’un homme d’honneur. L’histoire cesse d’être dictée par ceux qui en font un instrument de salissure pour la France.

S’il en était besoin, cette affaire montre aussi la vacuité de notre classe dirigeante. Comme à son habitude, les socialistes et leurs amis d’extrême-gauche dénoncent, crient et brassent de l’air. L’UMP, elle, reste muette. Le Front National, lui, boit du petit lait, les attitudes des autres partis lui envoyant généreusement des adhérents.

Rebaptiser cette rue de ce nom est possible aujourd’hui. C’est le signe que certaines choses sont en train de changer. Que les tabous sont en trains de sauter. Que l’histoire n’est plus une source d’autoflagellation bien-pensante quotidienne. Elle redevient une source de fierté. Et pour ceux que cela dérange, on ne saura que leur conseiller de « fermer leur claque-merde » comme maitre Folace le fit si bien.

 

Fr. de Lens

 

Pour aller plus loin, sur Liberté politique :

Honneur et conscience, hommage au commandant de Saint-Marc, Liberté politique n° 61, octobre 2013
L’hommage d’Yves Meaudre
L’hommage de Denis Lensel
L’homélie du cardinal Barbarin lors des obsèques d’Hélie de Saint-Marc
L’éloge funèbre du général Dary

 

 

 

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