Depuis plusieurs semaines, l'idée d'un contrôle de la démographie mondiale revient souvent dans les médias, porté par des arguments divers : écologique, politique, alimentaire. Panacée ou fausse bonne idée ? À quelques jours de l'ouverture de la conférence de Copenhague sur le changement climatique qui réunira 192 pays, les tenants du néo-malthusianisme se démènent pour imposer la question démographique dans les débats.

L'argument écologique
Pour les écolos néo-malthusiens, contrôler la démographie serait le meilleur moyen de lutter contre le changement climatique : moins d'émetteurs, moins d'émissions, moins de coût , comme le résume éloquemment un rapport de l'Optimum Population Trust. D'où l'argument : plus de préservatifs, moins de CO2...
Quant à la dernière publication du Fonds des Nations-unies pour la population (UNFPA), il martèle à nouveau l'idée que freiner la natalité des pays en développement serait le meilleur moyen de lutter contre le réchauffement climatique. Pour Yves Bergevin, coordonnateur pour la santé maternelle à l'UNFPA, il ne s'agit pas de réglementer le nombre de naissances, mais d'offrir un libre choix ; dans tous les pays où l'on développe l'égalité des sexes, l'éducation des filles et le planning familial, la natalité baisse durablement de six ou sept enfants par femme à seulement deux ou trois, sans coercition et sans exception.
Pour les défenseurs de ces théories, l'émancipation des femmes et la planification familiale, comme moyens de lutte contre les changements climatiques, sont donc éligibles à recevoir des financements internationaux : c'est pourquoi ils doivent être mis à l'ordre du jour du sommet de Copenhague. Sachons distinguer les moyens de la fin visée : si l'éducation – au sens large - des jeunes femmes est un objectif louable en soi, il devient en revanche dangereux s'il est subordonné à une politique antinataliste.
L'argument politique
Dans une tribune publiée dans Le Point (29 octobre) et intitulé la menace démographique [1] , Claude Allègre apporte de l'eau au moulin des néo-malthusiens : pour lui la question se place dans le champ politique : [Les] pays musulmans et africains à croissance rapide vont être aussi les pays où l'âge moyen sera le moins élevé (30-35 ans), alors que les pays développés auront des âges moyens de 60-65 ans. On aura donc demain, face à face, un monde vieux et riche et un monde jeune plongé dans la misère, et donc facilement mobilisable par les mouvements extrémistes, qu'ils soient politiques ou religieux (ou les deux). La pression de migration va donc être considérable.
Outre l'éradication du sous-développement (qui prendrait trop de temps...), il identifie donc deux leviers qui permettraient d'endiguer rapidement cette menace démographique : renforcer l'éducation des jeunes femmes et augmenter le taux d'activité professionnelle des femmes adultes.
Sa conclusion est sans équivoque : Pour ceux qui veulent sauver la planète, chefs d'État, écologistes de tout poil, scientifiques éclairés, économistes, philosophes, pourquoi ne pas organiser un Copenhague de la promotion des femmes dans le tiers-monde ? Pourquoi ne pas y consacrer autant d'argent que pour le réchauffement climatique ? Pourquoi ne pas demander aux chefs d'Etat de mettre ce sujet à l'ordre du jour du G20 ? Nous lutterions contres les inégalités, les discriminations sexuelles et du même coup nous protégerions la planète. Quel meilleur projet ?
L'argument alimentaire
Troisième occasion d'évoquer le contrôle démographique : autour du récent sommet contre la faim dans le monde, des voix se sont élevées pour affirmer que la malnutrition était aggravée par la forte natalité des populations africaines. L'argument a de quoi séduire tous ceux qui se préoccupent du milliard d'être humains qui meurent de faim.
Que ce soit pour lutter contre le réchauffement climatique, pour éviter des conflits politiques, ou pour combattre la faim dans le monde, l'utilisation de l'arme démographique est présentée comme la solution la plus simple et la plus rapide. Mais derrière les arguments bien-pensants de ceux qui disent vouloir permettre aux pays pauvres de sortir ainsi de la misère, se cache une vision mensongère et finalement désespérante de l'homme et de sa relation à la nature : le mythe des ressources limitées de la Terre ne marque en réalité que la limite de notre bonne volonté (cf. Libertepolitique.com, 20 novembre, Un milliard d'affamés).
Il y a de la place pour tous
Un certain nombre de géographes [1] s'accordent à dire qu'il est possible de nourrir toute l'humanité tout en préservant la planète (qui est faite pour l'homme, et non l'inverse !), à condition de ne pas céder à la résignation face au sous-développement, ce que font insidieusement ces théories néo-malthusiennes. Benoît XVI l'affirme dans son encyclique Caritas in Veritate :

Il y a de la place pour tous sur la Terre: la famille humaine tout entière doit y trouver les ressources nécessaires pour vivre correctement grâce à la nature elle-même, don de Dieu à ses enfants, et par l'effort de son travail et de sa créativité. Nous devons cependant avoir conscience du grave devoir que nous avons de laisser la Terre aux nouvelles générations dans un état tel qu'elles puissent elles aussi l'habiter décemment et continuer à la cultiver (n. 50).

Enfin, l'idée d'un contrôle de la démographie mondiale porte l'empreinte d'une menace beaucoup plus grave pour l'humanité, qui est le non-respect de la vie, comme nous le rappelle encore Benoît XVI :

Un des aspects les plus évidents du développement contemporain est l'importance du thème du respect de la vie, qui ne peut en aucun cas être disjoint des questions relatives au développement des peuples. [...]
Non seulement la pauvreté provoque encore dans de nombreuses régions un taux élevé de mortalité infantile, mais en plusieurs endroits du monde subsistent des pratiques de contrôle démographique par les instances gouvernementales, qui souvent diffusent la contraception et vont jusqu'à imposer l'avortement. Dans les pays économiquement plus développés, les législations contraires à la vie sont très répandues et ont désormais conditionné les coutumes et les usages, contribuant à diffuser une mentalité antinataliste que l'on cherche souvent à transmettre à d'autres États comme si c'était là un progrès culturel. [...]
L'ouverture à la vie est au centre du vrai développement. Quand une société s'oriente vers le refus et la suppression de la vie, elle finit par ne plus trouver les motivations et les énergies nécessaires pour œuvrer au service du vrai bien de l'homme (n. 28).

 

 

 

 

[1] Par exemple Sylvie Brunel dans son livre Nourrir le monde, vaincre la faim (Larousse, 2009).

 

 

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