Paris : la facture Vélib continue de s’alourdir

h1614 janvier 2018Economie/entreprisesHistoire de comprendrePoing de vuePolitiqueVidéos0 Commentaire

La nouvelle année signifie pour certains la prise de résolutions, parfois bonnes (comme le retour à un peu d’exercice physique, l’arrêt de la cigarette, en finir avec la croyance enfantine que l’Etat fait du bon boulot, etc.) et parfois moins bonne comme on pouvait s’y attendre de la part de la Maire de Paris. Vous l’avez deviné : Anne Hidalgo et son équipe ont encore sévi.

Tout part du constat que vous connaissez déjà : la voiture est officiellement pourchassée hors des confins de la Cité et si on l’autorise encore à trottiner (à vitesse modérée, oh, là !) sur un périphérique de plus en plus mal entretenu, il en va autrement dans les rues de la capitale où sa présence est officiellement indésirable.

 

Il faut bien comprendre que ces engins sont polluants, dangereux et occupent une place bien trop importante sur la chaussée, ce qui rend d’ailleurs beaucoup plus compliqués les déplacements (en voiture, n’est-ce pas) de la Maire de Paris. À cette fin et entre deux déplacements en voiture banalisée sous escorte policière, elle recommande donc chaudement de prendre les transports en commun, à la fois propres, fiables et ponctuels ou d’emprunter alternativement l’un des nombreux vélos en location dont la ville s’est officiellement affublée il y a maintenant dix ans.

Oui, le Vélib, cette réussite cyclo-urbaine à portée de toutes les bourses éco-conscientes, permet aux Parisiens petits et grands de se faire écraser par un bus de la RATP pour des tarifs extrêmement modiques et pour les autres de pavaner dans les réunions pince-fesses en prétendant arriver à vélo, le jarret frétillant, même si le taxi vient de vous déposer.

 

Au demeurant, il sera nécessaire de noter que les tarifs sont d’autant plus modiques que le différentiel entre les coûts d’exploitations de ces bicyclettes de 5000 tonnes et les abonnements proposés aux usagers est couvert en partie par la publicité que le premier gestionnaire, JC Decaux, mettait en place aux bornes de prise en charge, et en partie par un contribuable d’autant plus facile à tondre qu’il semble en redemander avec gourmandise, années après années (le coquin).

Cependant, après dix années de service, c’est le consortium Smovengo qui remplace Decaux et qui en profite pour renégocier avec la Mairie les tarifs et les services rendus. Il y a deux semaines, au premier janvier dernier, le nouveau gestionnaire rentre en jeu. Malheureusement, au lieu des 600 stations normalement prévues pour accueillir le Vélib nouvelle mouture, on n’en trouve que 80, sur les 1200 stations que comptait précédemment la capitale.

Et lorsqu’on tente de comprendre pourquoi tout ne se passe finalement pas aussi bien que prévu, c’est le drame.

 

Apparemment et malgré une récente hausse de tarif bien vigoureuse de 29€ à plus de 37€, l’entreprise en charge du déploiement des nouveaux Vélib n’est pas parvenue à surmonter les problèmes techniques qu’elle rencontre. Elle pédale quelque peu dans un trop épais potage : l’application mobile ne répond pas bien (certains utilisateurs voient leurs trajets de quelques minutes comptés pour plusieurs heures), le service clientèle est débordé et beaucoup trop de stations sont encore en chantier… Ce qui oblige la société montpelliéraine à consentir à de sévères réductions dans ses tarifs (en lieu et place d’un remboursement contre un service quasi-inexistant).

En outre, le passage de témoin entre Decaux et Smovengo ayant été géré de main de maître (la Mairie de Paris reste inégalable en la matière), ce ne sont pas moins de trois sites internet différents (Vélib 2018Vélib Métropoleet Vélib Autolib Métropole), qui se battent pour expliquer au client pourquoi ce qu’il paye (plus cher) ne fonctionne pas (du tout ou presque).

À ce point du constat, il est nécessaire de faire un résumé : un service de vélos lancé il y a dix ans, dont tout indique qu’il est un véritable gouffre financier pour la Ville de Paris pourtant déjà trop largement endettée, vient de changer de gestionnaire. Ce dernier s’empresse de relever les tarifs de plus de 25% et ne parvient pas à mettre en face un service d’une qualité minimale.

Tout porte à croire, comme le fait d’ailleurs Simon Labouret, porte-parole de l’association « Paris en selle », que – je cite – « le sujet n’a pas été pris très au sérieux par l’opérateur ou les politiques » ; et il est vrai qu’il n’est pas difficile d’imaginer Anne et son équipe gérer ces histoires de vélos blindés avec le tact et le talent devenus la marque de fabrique des projets parisiens.

En attendant la résolution des problèmes, force est de constater que la facture continue d’augmenter et qu’elle sera, plus que probablement, payée par le contribuable : de même que les tanks à deux roues de Decaux revenaient à 4.000 euros par an à la municipalité et conduisait à un déficit de 16 millions d’euro chaque année, on peut raisonnablement imaginer – surtout au vu du démarrage flamboyant qui nous a été fourni en spectacle – que la prochaine mouture ne sera pas mieux fichue d’équilibrer ses comptes.

Autrement dit, non seulement le service public de vélos en location coûte de plus en plus cher aux pratiquants, mais en plus s’avère-t-il aussi de plus en plus dispendieux pour ceux qui ne l’utilisent pas.

 

Pompon de l’affaire : pendant que les services publics s’escriment à fournir un service médiocre, déficitaire et surfacturé, des flottes de vélos en libre location, bien moins chers, apparaissent dans la capitale.

Bien sûr, on doit se garder de tout enthousiasme précoce devant les défis que ces entreprises vélocipédiques vitaminées devront relever pour assurer la pérennité de leurs flottes, surtout devant le monceau de décrets et de taxes que la Mairie ne manquera pas de pondre pour leur mettre des rayons bâtons dans les roues. Mais au moins peut-on se dire que ces nouvelles formes de location de vélos ne viendront pas gréver le budget municipal, et épargneront donc pour une fois le contribuable.

De surcroît, ces entreprises capitalistiques seront contraintes, par le marché, de s’adapter aux demandes de leur clientèle, des riverains et de la force publique ; on peut dès lors parier sans prendre trop de risque que la solution finalisée sera de toute façon nettement moins chère et bien meilleure que les enclumes publicitaires à deux roues qu’on nous propose actuellement.

Cependant, de même qu’il est extrêmement improbable que la Mairie laisse une concurrence s’installer sans la taxer sauvagement, il est aussi très improbable qu’elle décide d’arrêter l’expérience Vélib au seul motif qu’elle n’est absolument pas rentable. Réjouissez-vous donc : la facture Vélib n’a pas fini d’enfler.

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