SOS Education

[Source : SOS Education]

Ce matin, les résultats du baccalauréat ont été publiés. 

Pour un jeune bachelier, ce moment est toujours inoubliable. Moi-même, je me rappelle encore mon émotion, au début de l’été, lorsqu’au milieu de mes camarades, j’ai vu le surveillant venir afficher les résultats. Que d’embrassades, que de projets de vacances qui s’annonçaient ! 
Cela voulait dire quelque chose, à l’époque, d’avoir son bac en poche ! Il donnait la clé pour accéder à l’enseignement supérieur ; mais on pouvait aussi trouver aisément, grâce à lui, un bon travail et prendre son autonomie.
Les choses ont bien changé depuis. Aujourd’hui, la plupart des candidats qui présentent le bac sont reçus ; mais pour ces jeunes, l’avenir est malheureusement bien souvent bouché.
Or voici que le gouvernement veut leur mettre un dernier coup de rame sur la tête. Un décret a en effet été promulgué en catimini… désormais, d’une année sur l’autre, les candidats recalés pourront repasser leur bac tout en gardant leurs notes… et même obtenir ainsi une mention !
Ce qui veut dire tout simplement que l’on pourra passer son baccalauréat en 2, 3, 4 ou même 5 ans, en obtenant une meilleure mention qu’un candidat qui l’aura eu du premier coup… et que ce diplôme ne signifiera plus rien du tout.
Dans l’urgence, l’équipe des permanents de SOS Éducation a alerté le Conseil d’État, mais nos adversaires ne se sont pas laissés faire : ils sont déterminés à avancer pour enterrer le baccalauréat !
C’est pourquoi je fais appel à vous aujourd'hui : vous comprenez certainement les enjeux. Vous pouvez soutenir notre recours, je vous explique comment un peu plus loin dans cette lettre.
Le baccalauréat n’est pas seulement un examen. C’est un symbole de notre unité nationale, un rite initiatique irremplaçable.
Cette institution qui remonte au Moyen-Âge, que Napoléon a rénovée, et qui a pris toute l’ampleur qu’on connaît au siècle dernier, est menacée depuis longtemps par les pédagogistes du ministère. Pour eux, le baccalauréat est le dernier verrou de la sélection, un insupportable rappel de la valeur du mérite planté dans le talon de l’égalitarisme.
Ils parlaient depuis longtemps de supprimer le baccalauréat, purement et simplement, mais l’attachement des Français est trop fort. Alors ils s’y sont pris plus insidieusement : ils ont commencé par le brader, le vider de son prestige pour en faire petit à petit une coque inutile.
Vous le savez comme moi : sous prétexte d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, ils ont peu à peu baissé les exigences. Le taux de réussite à l’examen a grimpé en flèche au fil des ans : de 60,5 % en 1960 on est passé à 87,8 % en 2015. A-t-on limité l'accès aux seuls meilleurs élèves pour augmenter ainsi le taux de réussite ? Bien sûr que non... puisqu’en parallèle, le nombre de candidats a lui aussi explosé, passant d’à peine 80 000 à plus de 700 000... une multiplication par presque 9 en une cinquantaine d’années !
Le baccalauréat serait-il bradé ? D’après le ministère qui répondait à l’Assemblée nationale, ce n’est « nullement une dévalorisation du diplôme » mais « bien plutôt une élévation du niveau de formation. »
Quelle fumisterie, alors que bien des bacheliers sont aujourd’hui incapables d’écrire trois lignes correctes en français !
Quand on regarde le taux d’obtention de la mention « Très Bien », il y a de quoi rire jaune. Il a en effet connu une envolée : on est passé de 0,3 % en 1967 à 10,8 % en 2015. Autrement dit, selon le ministère, les élèves seraient devenus 77 fois plus intelligents en 50 ans !
Bien sûr, cette hypocrisie scandaleuse ne suffit pas à cacher la réalité.
D’ailleurs, sans peur de la contradiction, un rapport du ministère publié en 2011 avouait l’inverse : de la conception des sujets à la notation, en passant par le jeu des coefficients, « des modifications réglementaires ont joué un rôle important » dans la baisse des exigences et la progression irrésistible du nombre des reçus.
Par exemple, avec les fameux TPE, on peut gagner des points pour l’examen sans risquer d’en perdre. Les TPE, ce sont ces travaux de groupe, encadrés par deux professeurs de matières différentes, où l’enjeu est de mettre des bonnes notes, avec quelques copiés-collés d’Internet à la maison ou autre activité ludique. Certains sujets de TPE sont consternants : écrire une chanson en rap, « étudier » des jeux vidéo ou bien inventer des campagnes de lutte contre de supposées discriminations…
Les professeurs sont les premiers à être encombrés : comment voulez-vous noter ce « machin » qui n’est ni d’une matière ni d’une autre, et qui compte coefficient 2 pour le Bac ?
Mais il y a pire : les résultats du baccalauréat sont truqués. Au fil des ans, il n’est même plus demandé de « faire preuve de bienveillance », mais de gonfler les notes de façon officielle.

    Par exemple, en 2013, dans l’académie d’Orléans-Tours, les épreuves de français ont été corrigées sur 24 points (affichées sur 20). Comble de perfidie, les correcteurs ont dû remplir deux fiches : l’une officielle et l’autre officieuse, destinée à cacher le montage au ministère !
    En 2014, ce sont les épreuves de mathématiques et de physique qui ont été notées sur 24. Les consignes (nationales) de notation sont restées orales, mais le scandale a été rapporté à la presse par les professeurs.
    La même année, en physique-chimie, les correcteurs ont reçu un nouveau barème… après la correction des copies ! 2 points étaient automatiquement attribués à l’application d’une formule, et la question nécessitant un peu de réflexion ne valait qu’¼ de point. Personne n’est dupe : les élèves ont été les premiers à s’étonner que les notes de physique-chimie au baccalauréat n’étaient représentatives ni de leur travail ni de leur niveau.
    Dans l’académie de Versailles, les inspecteurs ont menacé de sanctions les correcteurs qui persisteraient dans leurs « notations négatives » : « un fonctionnaire qui se soustrairait de son propre chef aux obligations des règlements d’épreuve romprait l’égalité entre les candidats et engagerait sa responsabilité personnelle, encourant recours et sanction. » Suite au tollé médiatique, ils ont discrètement nettoyé leur site Internet de cette menace.
    En correction de philosophie, il est désormais interdit de décompter les fautes de français au-delà de 2 points, car le ministère estime qu’on « aboutirait à des 2 ou 3 sur 20 pour de très nombreux élèves. »

Et ce ne sont là que quelques exemples tirés de la presse…
Le prétexte est toujours le même : si les notes sont trop basses, c’est que le correcteur est trop sévère.
Qu’il puisse y avoir un certain étalonnage, d’accord… seulement, on ne voit jamais de professeur jugé pour avoir noté trop haut ! Et on ne se demande pas non plus si le niveau réellement catastrophique des élèves pourrait être en cause.
Résultat : une masse de bacheliers complètement illettrés vient chaque année se noyer dans le grand bain de l’université, quand certains bons élèves se retrouvent avec des moyennes insensées au baccalauréat de 21, voire 22/20 !!!
Mais face au mirobolant pourcentage de réussite au bac... l'État fait face à un taux d’échec catastrophique à l’université. Les vacances d'été qui ont précédé l'arrivée à l’université peuvent-elles tout expliquer ? Bien sûr que non ! C'est simplement que le niveau demandé dans le supérieur n'a pas (encore) été autant abaissé... alors, comme les élèves sont d’un niveau complètement désespérant, la marche à franchir est beaucoup trop haute !
Tout cela est bien connu de tous. On pourrait malheureusement presque dire qu’on s’y habitue.
Et c’est le but !
Car si nous laissons faire, le diplôme du bac va devenir un morceau de papier, dont le coût de l’organisation est évalué à 1 milliard et demi d’euros (si on prend en compte les 3 semaines de cours supprimées mais quand même financées). Il sera alors « pragmatique » de s’en débarrasser, en le transformant en un pseudo-contrôle continu…
Et le tour sera joué ! Plus aucune évaluation nationale ne permettra de se rendre compte de la baisse catastrophique du niveau de notre jeunesse.
Cette année marque une étape décisive pour saper ce qui reste du baccalauréat.
Si nous laissons faire, pour la première fois, tous les redoublants du bac pourront conserver les notes comprises entre 10 et 20 obtenues. Elles resteront valables durant les 5 sessions suivantes.
Et ils pourront même prétendre à une mention.
Ce qui constitue une rupture manifeste d’égalité. Car enfin, n’est-il pas méritant d’avoir son bac du premier coup, plutôt que de le passer en 5 fois pour décrocher une mention « assez bien » ou même « bien » ?
Dès que nous avons appris la nouvelle, à SOS Éducation, nous avons consulté notre avocat, qui a été formel : il avait matière à ouvrir auprès du Conseil d’État une requête contre ce décret.
Étant la plus grande association indépendante rassemblant parents d’élèves, grands-parents et professeurs pour sauver l’école du mérite, nous sommes parfaitement fondés à agir contre ce texte scélérat qui organise à moyen terme l’enterrement définitif du baccalauréat.
Comme nous l’attendions, le ministère, que nous avons contacté, fait la sourde oreille… Mais aujourd’hui, j’ai la fierté de vous annoncer que le Conseil d’État a jugé notre requête recevable et a accepté de l’examiner, ce qui est déjà un pied mis dans la porte !
C’est pour cela que nous avons déposé toutes ces pétitions au Conseil d’État, afin qu’il procède à cet examen dans les meilleurs délais. S’il ne tranche pas rapidement sous la pression, le ministère pourra arguer de la complexité d’une application rétroactive de la décision… Et l’affaire sera pliée.
Nous devons nous opposer de toutes nos forces à ce décret qui propose le bac « à crédit » comme on achète un lave-linge.
Car cela ne va pas non plus aider les professeurs. En effet, les élèves concernés auront de fait un permis de sécher les cours des matières qu’ils ne repassent pas : pour y pallier, de nombreux établissements ont mis en place un « contrat » pour que les élèves viennent quand même. Imaginez leur motivation pour ces disciplines dans lesquelles ils ne seront pas évalués... Ces élèves sont les premiers à l’avouer : ils seront « beaucoup moins attentifs… »
Si nous laissons faire, nous en viendrons à un système à l’américaine, où seul comptera l’établissement qui aura délivré l’attestation de fin d’études, et surtout où les universités feront passer des tests standardisés (ouvrant un marché juteux pour les préparations privées coûteuses).

Claire Polin