Repos dominical et jours fériés victimes de la brutalité du 49.3

Le gouvernement a donc eu recours à la brutalité de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution. La motion de censure présentée par l’UMP et l’UDI n’a pas fait le plein et a été rejetée, faible de seulement 234 voix. La loi Macron a été ipso facto adoptée. Sans vote. Voilà les trois actes d’une « comédie politique » joués, les tenailles d’un « piège institutionnel » refermées. Belle leçon de démocratie… Plus belle la gauche.

L'autoritarisme inquiétant de Manuel Valls

À la tribune de l’Assemblée nationale, les orateurs des différents groupes se sont succédé jeudi 19 février et ont révélé le malaise patent. La dérégulation qu’opère la loi Macron, gage troqué à l’Union européenne donneuse d’ordres, n’a pas fait l’unanimité mais est passée en force. Et l'énervement de Manuel Valls, dans son obstination à vouloir fédérer les pour, tout en stigmatisant les contre, a relevé, une fois encore, d'un autoritarisme inquiétant.

Après le vote, les commentateurs politiques, à commencer par BFM TV, ont tous diabolisé les frondeurs emboîtant le pas aux députés PS légitimistes qui se sont hâtés de demander la mise au pas de ces hétérodoxes qui pourtant, saluons-les, revendiquent un engagement de vérité par rapport à leurs électeurs. Carlos da Silva, l’ombre de Manuel Valls, en est à ce titre la caricature emblématique. Certains iront jusqu’à demander que les députés PS signent une charte d'adhésion. Autrement dit, que « l'adhésion de chacun soit réexaminée », a ainsi avancé sans sourciller Christophe Caresche.

Les phagocytés muets

Nous n’oublions pas non plus la mise au pas de certains députés récalcitrants à la libéralisation du travail le dimanche, précisément choisis comme rapporteurs en commission de la Loi Macron. Nous pensons par exemple à Stéphane Travert. L'honneur de la tâche l’a rendu subitement muet sur le dossier.

Des discours, nous sélectionnons ci-dessous les moments où le travail du dimanche a été convoqué. Les députés en ont tous parlé pour regretter, tous, le traitement que la loi Macron lui inflige. Un bon signe. Car, ne nous méprenons pas, l’absence de contreparties de la loi Macron annonce l’enterrement rapide du repos dominical. Comme celui des jours fériés chrétiens désormais actés. Avec des contreparties, l'enterrement s'en serait trouvé quelque peu retardé. H.B.

Christian Jacob (UMP) : « Pensez-vous sincèrement que faire travailler les commerçants douze dimanches par an, libéraliser les trajets en autocar ou encore organiser des déserts notariaux soit à la hauteur des enjeux du pays ? Pensez-vous vraiment que les petites tractations avec les élus des départements d’outre-mer visant à instaurer des jours fériés différents de ceux du reste du pays soient un bon signal ? Les jours fériés ainsi remplacés pourraient être le lundi de Pâques, l’Ascension, le lundi de Pentecôte, L’Assomption, la Toussaint. »

Roger-Gérard Schwartzenberg (PRG) : « Le mode de création des zones touristiques internationales paraît peu satisfaisant. En effet, celles-ci seront délimitées par les ministres chargés du travail, du commerce et du tourisme. Ce sont donc trois ministres, trois ministres seulement, qui décideront, au sommet de l’État, sans avoir besoin d’un avis conforme du maire, qui, lui, est sur place et connaît évidemment mieux la réalité locale. Bref, c’est plutôt l’inverse de la décentralisation, le déni du rôle nécessaire des élus locaux. »

François de Rugy (Ecolo) : « Nous vous avions dit, monsieur le ministre de l’Économie, que de nombreuses dispositions de ce projet de loi ne pouvaient pas être mises en œuvre sans être profondément amendées et retravaillées avec l’ensemble des composantes de la majorité. Je pense notamment au travail dominical, question sur laquelle la situation actuelle n’est pas satisfaisante, notamment à cause de l’héritage de la loi Mallié, adoptée sous la précédente législature. Ce problème mérite mieux que quelques articles au sein d’un projet de loi auquel 150 nouveaux articles ont été ajoutés au cours de cette première lecture. »

André Chassaigne (GDR) : « La comédie politique à laquelle vous vous livrez aggrave le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et les élus […]. Ce projet de loi ne comporte que des reculs pour les droits des salariés, les services publics et les services de proximité. Les dispositions portant sur l’extension et la banalisation du travail du dimanche illustrent à elles seules le détricotage de notre modèle social […].

Mais ce qui est plus grave aujourd’hui, c’est que la comédie politique à laquelle vous vous livrez aggrave le fossé qui se creuse entre nos concitoyens et les élus. La crise à laquelle vous êtes confronté aujourd’hui est aussi morale. La dimension parfois technique des débats ne saurait masquer l’enjeu de l’offre politique alternative et du choix de société. En cela, la crise n’est pas technique, mais foncièrement existentielle : elle interroge notre rapport à nous-mêmes, au monde et à l’Autre, au capital et au travail...

Résignés et tétanisés face à la puissante vague néolibérale et réactionnaire, certains de ceux qui se disent progressistes ont déserté le combat des idées et des valeurs pour se laisser guider par un « gestionnisme réaliste ». Comme si un destin commun s’appréciait à l’aune des seuls taux directeurs de la BCE, de la croissance, de la dette publique, des sondages – à défaut de tout socle moral, prenant en compte, avant tout, l’humain. L’humain d’abord, l’humain avant tout !

La fracture entre le peuple et les élites – politique, financière, médiatique, bureaucratique, intellectuelle – se nourrit d’un profond sentiment d’injustice, qui cultive lui-même les divisions et les antagonismes, dans une société sclérosée en son sommet, profondément inégalitaire, sous tension identitaire, et incertaine de ses valeurs communes. »

 

 

En savoir plus :
Notre dossier Oui au repos dominical

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