Pays-Bas/France : la démocratie confisquée

[Source : Nouvelles de France]

« Le populisme ne passera pas ! Le populisme n’est pas passé ! » La très grande majorité du monde médiatico-politique s’est réjouie des résultats des élections législatives qui ont eu lieu aux Pays-Bas. Celles-ci ont confirmé le rapport de forces qui s’établit dans la plupart des « démocraties » occidentales.

Une grande partie de la population, celle des périphéries notamment, est travaillée par une double angoisse qui touche à son existence même : elle craint pour sa sécurité matérielle menacée par la mondialisation, l’invasion des produits étrangers et le recul de l’industrie nationale,  de l’emploi et du niveau de vie ; elle a le sentiment de perdre son identité dans des pays dont la population change et où elle se sent de moins en moins chez elle. Cette réaction n’a rien d’un fantasme. Simplement, elle est d’intensité différente selon les Etats et les régions de ceux-ci. La France, en particulier, avec l’effondrement de son industrie, son chômage maintenu à un niveau élevé, son commerce extérieur laminé, et les problèmes évidents que crée une immigration africaine excessive et mal maîtrisée, a fait du Front National le premier parti du pays. Si on y ajoute les autres partis politiques, souverainistes, de droite et de gauche, et les électeurs patriotes qui sont hostiles aux aventures politiques, on voit bien que le « populisme » y est sans doute majoritaire. Les référendums plus que les élections traduisent cette évolution. Cette dernière est atténuée par la santé économique des pays en question. Le Royaume-Uni a toutefois choisi le « brexit » et les Pays-Bas avaient comme la France rejeté le projet de constitution européenne en 2005. La progression limitée du parti de Geert Wilders, le PVV, qui a gagné cinq sièges, mais reste en seconde position derrière les Libéraux du VVD, a déclenché un concert de félicitations en Europe, comme si le monstre du « populisme » avait été vaincu.

Cette apparente unanimité est trompeuse et devrait au contraire inquiéter. La très décevante Mme Merkel a même osé dire que c’était un bon jour pour la démocratie, comme si certains partis étaient démocrates et les autres non, alors que tous se soumettent aux règles du système et qu’aucun n’entend y mettre fin par un coup d’Etat. En fait, le recul des Libéraux qui perdent huit sièges, l’effondrement de leurs alliés travaillistes du PvdA, l’éparpillement des suffrages sur douze partis qui auront des représentants au Parlement peuvent au contraire amener à penser que ce scrutin a été une machine à dissoudre le peuple. C’est le paradoxe du vote proportionnel souvent présenté comme le plus démocratique alors qu’il ventile les votes d’opinion sur des listes établies par les partis qui vont ensuite s’entendre pour constituer un gouvernement de compromis. Ce système empêche le peuple d’indiquer une orientation claire de sa volonté qui apparaît au contraire dans les référendums ou dans les élections où deux camps s’opposent. L’idée que l’on puisse voter pour le « parti des animaux », pour celui des personnes âgées, pour trois formations chrétiennes, pour deux partis socialistes, et pour celui des Turcs est aux antipodes de la vraie démocratie qui tend à dégager la volonté générale et non à additionner des intérêts particuliers. Le maintien à la première place du VVD du Premier Ministre Mark Rutte doit sans doute beaucoup à son bras-de-fer avec Erdogan. Le soutien à un gouvernement traité de nazi par le dictateur turc a sans doute été en partie un réflexe légitimiste, non une preuve d’indifférence à l’égard de l’immigration. La montée de La Gauche Verte et des progressistes de D66, d’une part, des chrétiens du CDA d’autre part, fait apparaître l’existence de deux blocs, l’un social-libéral, progressiste, et l’autre libéral-conservateur. C’est la véritable confrontation que le jeu politique s’entend à brouiller à travers les calculs politiciens des machines électorales. L’immense majorité des citoyens occidentaux est attachée aux libertés fondamentales y compris en économie. En revanche, certains voient dans la mondialisation, la construction de l’Europe fédérale et l’ouverture des frontières aux hommes et aux marchandises, un progrès incontournable. Beaucoup d’autres y perçoivent une perte d’identité et de valeurs, une menace pour l’existence de nos nations et de notre civilisation envahies par le Mc Monde d’un côté et en réaction, par l’islam de l’autre, à la fois conséquence du premier par l’immigration, et refus par le mode de vie.  En France, les premiers voteront pour un produit électoral appelé Macron, les seconds se répartiront notamment entre François Fillon et Marine Le Pen, selon leur souci de sérieux en économie. Cette division ne correspond pas aux discours politiques et au mistigri du Front républicain. C’est pourtant le clivage essentiel que Patrick Buisson avait pressenti. La droite conservatrice est sans doute majoritaire dans l’opinion, mais le rapport de forces s’inverse complètement dans les médias qui n’ont de cesse de dénoncer le populisme et de détruire l’image des figures conservatrices de Thatcher à Trump, de Geert Wilders à Marine Le Pen au point de pousser certaines d’entre elles à s’écarter d’un ancrage cohérent. Ainsi, François Fillon, affaibli par une scandaleuse opération médiatico-judiciaire, est obligé de se recentrer. Ainsi, Marine Le Pen se voit contrainte de se gauchir à travers des propositions économiques qui manquent de réalisme.  Est-ce démocratique d’éluder les vraies questions et de déplacer les clivages réels  ? La France risque de voter contre la volonté de la majorité des Français victimes du brouillage médiatique et politicien. Ce sera une très mauvaise journée pour la démocratie.