Après les attentats islamistes : la France va-t-elle corriger ses fautes ?

Après les attentats sanglants qui ont massacré Paris le vendredi 13 novembre 2015, une fois hommage rendu aux malheureuses victimes, une fois prié pour notre pays, il convient de comprendre. Replacer l’événement dans l’image d’ensemble du monde tel qu’il est.

Depuis la guerre russo-afghane des années 1980, Washington utilise l’extrémisme islamiste comme auxiliaire privilégié au service de sa politique impériale. L’Empire, en véritable pompier pyromane, suscite d’une part des crises islamistes au sein des nations qu’il souhaite déstabiliser, et d’autre part trouve dans ces mêmes crises la justification nécessaire pour ses multiples interventions. Il pousse l’islamisme, par l’intermédiaire d’alliés, quitte à le frapper, s’il va trop loin ou sort de son rôle. Ce partenariat innommable s’est considérablement développé et métamorphosé depuis la fourniture de missiles sol-air aux moudjahidines afghans. Il culmine aujourd’hui dans la suite de ce que les médias ont un temps appelé le « printemps arabe », qui a vu la montée en puissance des islamistes dans de si nombreux pays.

Le terrorisme islamiste, auxiliaire de la politique impériale

L’objectif de cette politique est celui de tout empire : diviser pour régner. Comme l’empire britannique à son époque, les États-Unis cherchent à faire s’affronter les puissances industrielles continentales : Europe, Russie et Chine, tout en s’alliant à la plus faible et la plus dominée de ces puissances : l’Europe.

Dans ce cadre, le terrorisme islamiste permet 1/ de frapper les adversaires et de déstabiliser leurs alliés, 2/ de resserrer toujours plus les liens avec une Europe réticente par la menace de la subversion et l’exploitation de l’émotion, afin de l’engager toujours plus dans une politique destructrice pour elle.

Les fautes de la classe dirigeante française

Face à la politique islamiste de Washington, par inconscience, par habitude de pensée, ou par lâcheté, nos dirigeants n’ont pas pris la mesure de la situation, et n’ont pas défendu les intérêts vitaux de la nation. Ils ont commis une longue liste de fautes :

1/ La politique étrangère de la France est favorable aux monarchies du Golfe qui, en plus de prôner un islam rétrograde et extrémiste, financent ouvertement l’islamisme. L’objectif de cette politique est notamment de trouver des investisseurs dans la dette nationale. Mais mettre notre pays en état de dépendance financière envers ces nations est une faute. De plus, et ce n’est pas l’aspect le moins grave, cette politique envers les monarchies du Golfe est indigne de la France. Elle est vécue comme une trahison par nos partenaires traditionnels laïcs en Méditerranée et par les chrétiens d’Orient. Elle scandalise la majorité des musulmans de notre pays et d’ailleurs qui rejettent l’islamisme.

2/ Notre classe dirigeante laisse des puissances ouvertement islamistes investir dans le « culturel » dans certaines de nos banlieues pauvres, développant ainsi un réservoir potentiel de chair à canon parmi les plus pauvres et les plus vulnérables des Français.

3/ Soucieuse de séduire un électorat musulman assimilé à tort à l’intolérance islamiste, notre classe dirigeante interdit tout ce qui fait la grandeur culturelle et spirituelle de la civilisation européenne : la religion chrétienne et la grande philosophie des Lumières. Elle remplace cette civilisation par des folies libertaires et postmodernes qui sont indignes de notre pays. Cette culture libertaire fait l’objet d’un rejet profond chez ceux qui ne sont pas soumis au conditionnement social et moralisateur de nos médias.

4/ Par idéologie et par haine de toute forme d’autorité, nos dirigeants ont abaissé — auprès des islamistes — l’autorité de l’Etat, en décrédibilisant les forces de l’ordre et la justice.

5/ En soutenant, par soumission au directives américaines, une guerre contre Assad qui n’est pas celle de la France, ils ont armé les terroristes, préparé leur retour en France et portent une part de la responsabilité des drames actuels et futurs.

La France a besoin de corriger ses fautes

Notre pays doit casser toute influence des puissances islamistes sur notre territoire, et leur enlever tout levier d’influence sur nous, notamment en matière financière. Les pays qui soutiennent l’islamisme doivent être avertis qu’ils se placent objectivement en état de guerre avec la France. Nous devons cesser de financer et soutenir tout réseau islamiste, notamment en Syrie.

En matière de politique étrangère, nous devons nous poser à nouveau la question de nos alliances.

Dans cette guerre, notre société doit s’endurcir, dans son armée et dans ses forces de l’ordre. Cela demande de développer une politique de défense, et de penser le monde en termes de puissance, ce que ne fait plus notre classe dirigeante depuis trop longtemps.

Les agents des islamistes doivent savoir qu’ils ne pourront jamais se prévaloir de l’état de droit et en abuser pour détruire la France. Pour autant, il serait absurde de détruire les libertés constitutionnelles de tous les citoyens pour répondre à la menace terroriste, comme le fait en partie l’exécutif américain.

La France doit se réformer pour peser à nouveau dans la construction européenne 

La légitimité première et irremplaçable d’un pouvoir politique, c’est la sécurité, bien avant tout le reste. Sous cet angle, l’Union européenne apparaît dépassée et inutile. Elle date d’une époque révolue où les pays européens vivaient un déclin tranquille, sous le patronage d’un empire américain alors plus puissant et moins cynique qu’aujourd’hui.

Retranchée dans son moralisme, quelle sera la réponse bruxelloises à la guerre islamiste ? Probablement une nouvelle couche de bureaucratie limitant encore plus la liberté des citoyens et la souveraineté des nations. Peut-être des absurdités comme l’entrée dans l’UE de la Turquie, pourtant l’un des principaux soutiens des milices islamistes en Syrie et dirigée de plus en plus par un dictateur…

Les Français ont commencé à se désintéresser de l’Europe quand la France a commencé à décrocher économiquement de ses partenaires, et notamment de l’Allemagne. Ce décrochage est la conséquence d’une politique conservatrice et bureaucratique inadaptée à l’évolution du monde.

Pourtant, la France réformée peut retrouver une dynamique économique formidable qui lui redonnerait un rôle moteur en Europe. Alors, l’Europe pourrait devenir autre chose qu’une bureaucratie ou un moralisme budgétaire sans vision ni grandeur, à la hauteur des enjeux.

Mais sans rebond économique de la France, sans réforme de ses institutions et libération de sa créativité, il est illusoire de vouloir peser sur l’Allemagne. L’Europe restera donc un vassal impuissant de Washington, tenu par une menace islamiste qu’elle s’interdit de combattre, et dominé par une Allemagne névrosée.

Les évolutions du monde musulman

Les musulmans de France sont comme les musulmans d’Egypte, ou les musulmans de Tunisie. Dans leur immense majorité, ils ne veulent pas des islamistes, et ils s’en débarrassent toutes les fois que Washington ne parvient pas à les maintenir au pouvoir. Car l’idée que l’islamisme est en progrès irrémédiable est fausse.

L’islamisme pèserait infiniment moins sans l’argent du Golfe et sans l’accord de Washington.

L’islamisme pèserait infiniment moins si notre pays était fidèle à sa culture et rejetait le nihilisme d’État, qui est un facteur de radicalisation majeur. Car c’est par attachement à cette culture universaliste, rationnelle et spirituelle, que de nombreux musulmans ont quitté leur pays pour devenir Français. Ils se sentent trahis, au moins autant que les catholiques, par notre classe dirigeante qui renie son histoire et sa culture. 

L’islamisme pèserait infiniment moins si notre pays, en adoptant les grandes réformes économiques dont tout le monde parle depuis trente ans, retrouvait l’esprit d’entreprise et la prospérité sans quoi aucune société libre ne perdure.

La barbarie islamiste est pour les musulmans, encore plus que pour les chrétiens ou les laïcs, un élément de remise en question, de progrès et de renouveau spirituel. Le pape comprend ces sentiments et tente d’éviter une confrontation massive et artificielle entre religions, qui ne profitera qu’à l’Empire. Mais des forces mauvaises font clairement la politique du pire. 

Les prochaines étapes

Il est probable qu’il ne se passera rien. Certes, les conseillers en communication travailleront pour aider leurs clients politiques à profiter des événements tragiques. Certes, nos dirigeants trouveront des mots forts pour se scandaliser.

On débattra sans conséquence, il y aura des élections avec des vainqueurs et des perdants. On votera des mesures qui donneront à l’État jacobin des pouvoirs policiers sans limite sur n’importe quel citoyen, mais l’on se gardera bien de demander à la police de faire son métier avec les islamistes.

On déploiera une rhétorique de guerre contre l’État islamique. Mais nos services cesseront-ils seulement de soutenir les islamistes qui font la guerre à Bachar el Assad en coordination avec l’ISIS ? La guerre en Syrie, est une guerre entre les États-Unis et la Russie pour la domination au Moyen-Orient. Que les morts parisiens nous aident à concevoir notre politique étrangère avec moins de légèreté.

Une longue lutte commence

Pourtant nous voyons qu’une longue lutte commence contre l’islamisme en France. Cette même lutte déchire aujourd’hui le monde musulman, qui se polarise, déchiré entre une islamisation galopante et désespérée, et une sécularisation profonde. Nous ne pouvons plus espérer éviter cette confrontation, ni en sortir sans nous battre.

Dans cette lutte, la France doit passer une alliance militaire, mais aussi culturelle, avec les musulmans éclairés et laïcs, afin de combattre les islamistes. Soit exactement l’inverse de ce qu’elle a fait depuis si longtemps.

Cette lutte fait partie des terribles enjeux de notre pays dans les années à venir, avec la réforme de l’État jacobin, la reconstruction du système social et la libération des forces créatives.

Rien n’évoluera à court terme. Pourtant le monde change. Plus la France attend avant de se réformer, plus la transition sera tragique. Les morts de vendredi nous montrent que les erreurs politiques se paient dans le sang.

 

Henri Hude est philosophe, professeur aux écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan. Il a enseigné à l'Institut pontifical Jean-Paul II près l'Université du Latran. Dernier ouvrage paru : La Force de la liberté : nouvelle philosophie du décideur (Economica, 2011).

 

 

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