La prise de parole du président mercredi 4 octobre devant le Conseil constitutionnel a concentré un mélange de prétention et de contradictions. Pour marquer son temps, Emmanuel Macron souhaite faire une réforme constitutionnelle sans pour autant en avoir les moyens.

Le président de la République entend apporter un ensemble de modifications au texte constitutionnel. Il a évoqué devant le Conseil constitutionnel plusieurs éléments : une facilitation du recours au référendum et notamment au « référendum d’initiative populaire », la décentralisation et l’inscription de l’avortement dans la Constitution.

 

Référendum : la démagogie au sommet de l’Etat

 

Si le premier point constitue une réponse à l’épisode des Gilets Jaunes, il contourne le problème posé par ceux-ci. Ce mouvement est né contre l’explosion du prix du carburant (il était alors à 1,53 euro le litre contre environ 2 aujourd’hui). La question initiale n’a donc pas été réglée. Le principe référendaire est séduisant mais la facilitation de son recours à l’échelle nationale notamment via « l’initiative populaire » peut apparaître démagogique à plusieurs titres. Tout d’abord le champ du référendum sera limité et ne touchera pas certains sujets sensibles comme l’immigration. Ensuite, à l’heure de la consultation permanente de l’opinion publique, l’usage de cet outil électoral risque de créer une insécurité juridique et politique. Enfin, on peut y voir un leg encombrant d’Emmanuel Macron à son successeur : une telle réforme n’aura, si elle est adoptée, pas cours durant son quinquennat. Autrement dit : « après moi le déluge ! ».

 

Décentralisation : faire porter l’impopularité de l’impôt localement

 

Véritable serpent de mer de la vie politique française, la décentralisation n’est pas appliquée en France où l’on pratique la « déconcentration ». Les services administratifs de l’Etat central sont renforcés au gré des années notamment à travers les préfets. En revendiquant une «nouvelle étape de décentralisation», le président marche dans les pas de ses prédécesseurs qui en ont parlé sans l’appliquer. Il précise par ailleurs qu’il s’agit de «donner plus de libertés mais aussi de responsabilités» aux élus locaux. L'État est ruiné et sera ravi de faire porter aux pouvoirs locaux la responsabilité des impôts, une manœuvre on ne peut plus logique pour le président dont la formation politique ne dispose pas d’une implantation territoriale forte.

 

Avortement : entrer au petit Panthéon des progressistes

 

Quelques jours après s’être pressé à la messe du pape à Marseille, le président a donc aussi affirmé vouloir faire inscrire de droit à l’avortement «dès que possible» dans la Constitution.

Une « idée » qui lui permettrait de se voir soutenu par l’ensemble de la classe politique ; il est hautement improbable que les élus opposés à un tel ajout tentent de faire entendre une voix dissonante sur le sujet. D’un point de vue législatif une telle inscription ralentirait une remise en cause très hypothétique de la loi en la matière dans les décennies à venir.

Cette inscription de l’avortement dans la Constitution entre précisément en contradiction avec les propos liminaires du président dans son discours. Celui-ci a en effet affirmé que l’on « ne révise pas la Constitution sous le coup de l'émotion, pour répondre à des modes, pour la beauté du geste ». Or l’inscription de l’avortement dans la loi fondamentale est justement née de l’émotion suscitée à gauche par la décision de la Cour Suprême étasunienne qui mettait fin en juin 2022 à la protection de l’avortement dans tous les Etats du pays par un revirement de jurisprudence. 

 

Péniblement formulée, la réforme présidentielle de la constitution devrait difficilement voir le jour. En 2018, il avait déjà échoué à faire passer une telle réforme, coupé dans son élan par l’affaire Benalla. Il disposait alors de la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Il n’a aujourd’hui qu’une majorité relative dans cette chambre basse et se trouve très isolé au Sénat.

Une modification constitutionnelle nécessite le vote des 3/5e du Parlement, à savoir l’Assemblée nationale et le Sénat, ce qui est donc compromis

En cas de rigidité parlementaire, Emmanuel Macron pourrait se replier sur une mouture a minima avec la seule inscription de l’avortement dans le texte pour lequel il devrait être plébiscité.

 

Olivier Frèrejacques

Délégué général de Liberté Politique