Martin Gurri : « La classe dirigeante française ressemble aux héros hollywoodiens qui s'accrochent au bord du précipice par les doigts d'une main »

Source [Atlantico] : Pour l’ancien analyste de la CIA qui avait annoncé les Gilets jaunes, les émeutes après la mort de Nahel traduisent la sécession de la classe politique vis-à-vis d'une autre frange de la population.

Atlantico : Que pensez-vous des émeutes en France survenues après la mort du jeune Nahel, suite à un refus d’obtempérer ?

Martin Gurri : C'est une vaste question. D'un certain point de vue, les émeutes étaient inévitables. Un grand nombre de personnes, pour la plupart des jeunes, n'ont aucun sens de l'histoire, de la culture ou de l'appartenance. Malgré tous les cris de "Allahu Akbar", ils ne sont pas vraiment musulmans - et bien qu'ils parlent parfaitement la langue, ils ne sont pas vraiment français. Ils n'ont pas de passé et ils n'ont pas d'avenir. Faute de pouvoir créer ou produire, ils ne s'animent que lors de ces carnavals de destruction. Nahel, le jeune homme dont la mort déclencha les désordres, n'était qu'une étincelle accidentelle déclenchant l'incendie. Je crains qu'un certain nombre de nouvelles raisons ou de nouveaux prétextes de destruction ne soient trouvés à l'avenir.

D'un autre point de vue, les émeutes étaient inexplicables. Ce n'est pas le Liban ou le Soudan. C'est la France contemporaine. Comment une société démocratique aussi sophistiquée a-t-elle pu engendrer des enfants aussi creux et insouciants ? Peu m'importe à quel point vous vous sentez aliéné ou marginalisé, à quel point vous considérez votre vie comme injuste : qu'est-ce qui peut éventuellement être gagné en brûlant votre propre monde dans une frénésie maniaque ? La destruction, soyons clairs, était une autodestruction. Il ne restait plus rien à la fin que de la fumée et du silence. Les écoles et les bibliothèques étaient particulièrement visées par la fureur des émeutiers. La transmission de la culture, semble-t-il, les a offensés.

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