Timor-Leste

L’année du 10e anniversaire de l’indépendance du Timor-Leste, la partie orientale de l’île de Timor, est aussi celle de l’élection présidentielle en mars/avril suivie des législatives en juin/juillet. Et du retrait progressif des casques bleus de l’ONU après treize ans de présence pour assurer la paix. Une paix dont l’Eglise demeure le principal garant.

Première étape réussie pour des élections sans violence au Timor-Leste (nom officiel du Timor Oriental) : la présidentielle. Eliminé dès le premier tour (17 mars), José Ramos-Horta, président sortant du Timor-Leste et prix Nobel de la paix avec Mgr Carlos Felipe Belo évêque de Dili (1983-2002), figure emblématique  de la résistance à l’occupant indonésien, a cédé la place au vainqueur du second tour (14 avril), l'ancien chef de l'armée et guérillero José Maria de Vasconcelos alias Taur Matan Ruak ("yeux perçants" son nom de guerre en tetum, langue vernaculaire du pays). Instituteur issu d'une famille pauvre, Taur Matan Ruak a passé des décennies dans la jungle avec la guérilla en lutte contre les troupes indonésiennes qui avaient envahi le pays quelques mois après le départ des Portugais et la proclamation de son indépendance, en 1975.

La composition du nouveau gouvernement dépendra de l’issue des législatives qui auront lieu le 7 juillet. Mais le chef de l'Etat bénéficie d'une aura capable d’assurer la paix, alors que les casques bleus préparent leur retrait, prévu pour la fin de l'année. Ainsi s’achèvera treize ans de présence de l'ONU dans cette partie orientale de l’île de Timor, au Sud Est de l’archipel indonésien.

L’Eglise, meilleur atout pour la paix

L’implantation de l’Eglise catholique et le prestige que lui a valu son héroïsme dans la résistance à l’occupation indonésienne (de nombreux prêtres et religieuses y ont perdu la vie) restent le meilleur atout pour la paix. Evangélisé depuis le XVIe siècle par les Portugais (qui laissèrent aux Hollandais la partie occidentale -à présent indonésienne- de l’île), le Timor-Leste compte aujourd’hui 98% de catholiques en grande majorité fraîchement convertis (de l’animisme) en raison du rôle exemplaire de l’Eglise  au cours des dernières décennies de violences et de persécutions inouïes : les catholiques n’étaient que 15% au début des années 70 !

Dans la perspective des échéances électorales de 2012, l’Eglise  a lancé une chaîne de prière et organisé une journée de la paix, le 21 février dernier. Celle-ci  a commencé par une marche d’environ 5 km conduite par Mgr Alberto Ricardo da Silva, évêque de Dili. Plus de 5 000 fidèles ont défilé à travers Dili en récitant le chapelet, prière entrecoupée de temps de méditation sur la paix. Outre de nombreux prêtres et séminaristes, religieux et religieuses, la procession de fidèles venus des sept paroisses de Dili comptait plusieurs centaines d’étudiants et d’écoliers, auxquels s’étaient joints des hommes politiques et des ambassadeurs étrangers. Mgr Ricardo s’est adressé au peuple timorais dans son ensemble, l’exhortant à tourner le dos à la violence pour « construire la paix avec la force de Dieu et la protection de Marie ». L’évêque a souligné la nécessité préalable de « convertir son propre cœur » et de réaliser « la paix dans les familles », avant de prier pour « des élections dans la paix et l’unité » et pour que « les Timorais vivent enfin dans l’harmonie comme une nation de frères ».

Cette vaste et fervente manifestation s’est achevée par un temps d’adoration eucharistique suivi d’une prière pour la paix dont la récitation se poursuivra jusqu’aux élections législatives. Le lancement de cette grande chaîne de prière intitulée « 111 jours de réflexion et de prière pour des élections pacifiques et démocratiques au Timor-Leste » s’est accompagné d’un lâcher symbolique de colombes et de ballons sur lesquels on pouvait lire « Changez vos cœurs, changez le monde ! »
 

Difficile mais indispensable pardon

La paix civile est un enjeu majeur pour cette ancienne colonie portugaise qui a dû lutter avec acharnement contre l’Indonésie musulmane. On estime qu’entre 1975 et 1999, année de l’intervention des Nations Unies, les massacres et multiples exactions (viols, enlèvements, stérilisations forcées) ont fait plus de 200 000 morts et disparus sur une population qui comptait alors 700.000 habitants : soit près du quart de la population ! Un génocide ignoré du monde et resté impunis  parce que  le Timor-Leste ne parvient pas à obtenir l’extradition des militaires indonésiens impliqués.  En raison des « transmigrants » implantés par le gouvernement de Jakarta après l’annexion forcée, le pardon entre familles des victimes et collaborateurs des anciens occupants  reste un défi permanent. Limitées aux seules violences qui ont accompagné le retrait des troupes indonésiennes en 1999, au cours desquelles les soldats et les milices à leur solde ont tué plus de 1300 personnes, les investigations menées entre 1999 et 2005 par l’Unité de recherches sur les crimes graves placée sous l’égide de l’Onu n’auront abouti au total qu’à la mise en examen de 400 individus, dont 84 reconnus coupables et emprisonnés…dont deux seulement restent aujourd’hui derrière les barreaux du fait de remises de peine et de la large amnistie accordée au nom de la réconciliation par le président sortant.  

Les premières années du Timor-Leste depuis son indépendance effective en 2002 (après trois ans d’administration par l’Onu) ont été marquées par des recrudescences de violences, dont les plus importantes furent le soulèvement militaire de 2006 qui avait nécessité l’envoi de forces internationales afin d’éviter la guerre civile,  et les attentats contre le Président et le Premier ministre en 2008. Toutefois, le dernier rapport de l’International Crisis Group ( 21 février 2012) constatait que le pays était nettement plus calme que lors des précédentes élections.

Sources : Eglises d’Asie, Agence Fides, Dossier de l’AED n°23, Courrier International.