Le Conseil de l'Europe qui compte 47 Etats membres vient d'adopter à Istanbul, le 11 mai 2011, une nouvelle Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.

Le rapport explicatif rappelle que  la violence à l'égard des femmes, y compris la violence domestique, représente en Europe l'une des plus graves violations des droits de la personne fondées sur le genre. 

Dans son préambule, la Convention précise que :

la réalisation de jure et de facto de l'égalité entre les femmes et les hommes est un élément-clé dans la prévention de la violence à l'égard des femmes; la violence à l'égard des femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les femmes et les hommes ayant conduit à la domination et à la discrimination des femmes par les hommes, privant ainsi les femmes de leur pleine émancipation. Enfin, la nature structurelle de la violence à l'égard des femmes est fondée sur le genre, et que la violence à l'égard des femmes est un des mécanismes sociaux cruciaux par lesquels les femmes sont maintenues dans une position de subordination par rapport aux hommes. 

C'est bien à partir de l'égalité de  genre  que le texte a été rédigé. Pour la première fois, un texte supra-national d'une portée juridique contraignante, définit le  genre . Dans son article 3c la Convention stipule :

 Le terme genre désigne les rôles, les comportements, les activités et les attributions socialement construits, qu'une société donnée considère comme appropriés pour les femmes et les hommes. 

Dans le rapport explicatif, les rédacteurs précisent les raisons de définir le  genre .

 Etant donné que la convention place l'obligation de prévenir et de combattre la violence à l'égard des femmes dans le cadre plus large de la réalisation de l'égalité entre les femmes et les hommes, les rédacteurs ont jugé important de définir le terme genre . Dans le contexte de la présente convention, le terme genre , fondé sur les deux sexes, masculin et féminin, explique qu'il existe également des rôles, des comportements, des activités et des attributs socialement construits, considérés comme étant appropriés pour les femmes et les hommes par une société donnée. La recherche a montré que certains rôles ou stéréotypes reproduisent des pratiques non désirées et dommageables, et contribuent à présenter la violence à l'égard des femmes comme acceptable. Pour dépasser ces rôles attribués aux femmes et aux hommes, l'article 12 (1) définit l'éradication des préjugés, des coutumes, des traditions et des autres pratiques, qui sont fondés sur l'idée de l'infériorité de la femme ou sur un rôle stéréotypé des genres, comme une obligation générale aux fins de prévenir la violence à l'égard des femmes. Dans d'autres sections, la convention appelle à comprendre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, en tenant dûment compte des différences entre les femmes et les hommes, pour orienter dans ce sens toutes les mesures de protection et de soutien des victimes. Cela signifie que ces formes de violence doivent être considérées à la lumière de l'inégalité courante entre les femmes et les hommes, des stéréotypes existants, des rôles associés aux sexes et de la discrimination à l'égard des femmes, afin d'embrasser correctement la complexité du phénomène. En vertu de cette définition, le terme genre n'est pas conçu pour remplacer les termes femmes et hommes utilisés dans la convention.  (43)

Cette définition rejoint celle de Judith Butler sur la Théorie du Gender [1]. Elle avait été avancée par les organisateurs du Sommet Mondial de Pékin en 1995 sur la Femme, mais sans succès car plusieurs Etats, dont le Saint Siège, s'y étaient opposés et s'en tenaient à la définition classique : le genre correspond au sexe, genre féminin-sexe féminin, genre masculin-sexe masculin.

La volonté de dissocier sexe et genre a pour but de lutter contre les stéréotypes et les rôles construits de l'homme et la femme. Or, ni la femme ni l'homme ne peuvent se réduire à un stéréotype, il faut chercher ailleurs ce qui les différencie et ce qui les rapproche.

La première différence  évidente est d'ordre corporel – la personne EST son corps. Le donné biologique de l'homme et de la femme n'est pas construit socialement ou culturellement : c'est un donné de nature. Si bien qu'à la naissance, le nouveau né n'est pas neutre, mais il est une fille ou un garçon. Ce donné de nature ne prédispose pas automatiquement à un rôle préétabli par la société sur le plan social ou professionnel. Mais, il prédispose la femme à être mère, c'est-à-dire à porter l'enfant, et l'homme à être père.

Si la différence biologique n'est pas suffisante pour déterminer que toutes les femmes sont douces et intuitives et que les hommes sont rationnels et à coup sûr des guerriers,  elle laisse une marque indélébile sur l'identité de l'homme et de la femme tout en s'enrichissant de caractéristiques d'ordre psychologique, intellectuel ou culturel qui façonneront tout au long de la vie la personnalité de chacun.

Réduire l'homme et la femme à un stéréotype ou leur imposer un rôle social et culturel est inacceptable. Mais,  proposer le concept de genre indéterminé comme réponse à la quête d'égalité auquel aspire la Convention est inadapté.

Cette quête d'égalité est légitime et a donné lieu à plusieurs propositions des mouvements féministes sans jamais définir le fondement de l'égalité Homme/Femme. L'égalitarisme s'est attaché à ce qui est commun au mépris des spécificités. Le différentialisme a revendiqué  les droits de la femme et son autonomisation. Cependant, ces deux courants prennent en compte une société de parité, c'est-à-dire composée d'hommes et de femmes.

Des féministes radicales, notamment la composante lesbienne de ces mouvements, rejettent à la fois l'égalité et la différence jusqu'à déclarer  Les femmes ne seraient pas opprimées s'il n'existait pas un concept de femme. En finir avec le genre, c'est en finir avec le patriarcat  (Gender Outlaw p 117).

C'est ainsi que La théorie du gender est définie par Judith Butler comme un féminisme subversif. Elle affirme vouloir penser ensemble  le féminisme et la subversion de l'identité . En d'autres termes, elle entreprend de définir une politique féministe qui ne soit pas fondée sur l'identité féminine. Dans son introduction, elle précise que le but à atteindre est défini par une volonté de déstabiliser  l'hétérosexualité obligatoire . Il s'agit pour elle de repenser l'organisation sociale selon les modèles homosexuels et transsexuels.

Un nombre croissant d'Universités, de Grandes Ecoles et d'IUFM, ont décidé d'enseigner à leurs étudiants les études de genre, ayant pour objet les rapports sociaux de sexe. Cette approche inclut les diverses théories féministes, dont celle dite du Gender, fondée sur le déni de la différence entre l'homme et la femme et sur le paradigme de leur interchangeabilité.

Si les études sur le genre sont intéressantes pour explorer l'évolution des rapports entre les sexes, la place respective des hommes et des femmes dans l'organisation sociale, professionnelle et politique, il en va tout autrement de la théorie du Gender.

Car cette idéologie prétend réorganiser les rapports entre hommes et femmes proscrivant toute référence à leur identité sexuée respective.

Au mépris d'une réalité anthropologique, tant biologique que culturelle, riche des spécificités conjuguées de l'expérience masculine et féminine, les idéologues du Gender, projettent de construire un homme nouveau, conforme à leurs fantasmes.

Cette théorie se veut subversive. Il s'agit de déconstruire toutes les normes symboliques et fonctionnelles renvoyant à la complémentarité des sexes.

Loin de se présenter comme une doctrine parmi d'autres, légitimement proposée au regard critique et à l'évaluation comparative, la théorie du Gender s'impose de plus en plus comme l'"horizon indépassable" des questions de genre. Elle prétend aujourd'hui formater toutes les approches des rapports entre les sexes, qu'il s'agisse de leur connaissance et de leur interprétation ou de leur aménagement social.

Nous jugeons qu'une telle hégémonie idéologique est contraire aux exigences de pluralisme de la démocratie. Cette théorie anti-humaniste, dans sa phobie de la différence, de l'identité et de l'altérité sexuées, est de plus en plus inculquée comme philosophie officielle et admise comme vision structurante pour les politiques d'égalité homme/femme.

 

Ce sujet sera le thème du prochain colloque de l'AFSP, le 15 juin prochain, au centre Bernanos de 19h à 20h30.

 

A lire également sur ce sujet :

 

[1] Trouble dans le genre. Pour un féminisme de la subversion. Judith Butler. Ed La Découverte

 

 

 

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