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Connaître et aimer son pays – Une réflexion chrétienne sur les nations

Connaître et aimer son pays – Une réflexion chrétienne sur les nations
  • Auteur : Bernard Peyrous
  • Editeur : Editions de l'Emmanuel
  • Année : 2012
  • Nombre de pages : 358
  • Prix : 22,00 €

Accompagné d’abondantes notes, le dernier livre en date de Bernard Peyrous montre que l’auteur aime lire. Mais cette bibliographie non exhaustive tend aussi à démontrer qu’un même mouvement se dessine : à l’heure de la mondialisation mondialisée [1], n’assistons-nous pas non point au retour des nationalismes [2], mais à celui des nations ? Mieux (ou ‘‘pire’’ diraient certains chrétiens progressistes comme le directeur de l’OMC et un ancien président du FMI), à la réhabilitation de l’Etat-nation ?

Dans cet essai de théologie des nations se déroule la démonstration que la nation est une idée, une réalité, et, même, un vœu très ancien et très chrétien. Les discours de Jean-Paul II et d’Ernest Renan expliquent avec puissance et poésie que la culture et l’e[E]sprit en sont les deux agents, les principaux ferments. Il en est des nations comme des peuples et des dogmes de l’Eglise : ils connaissent une initiation puis une promotion. La théorie que Newman a découvert en acte dans l’histoire de la doctrine chrétienne sous l’expression de «développement homogène du dogme» pourrait, ne serait-ce qu’à titre pédagogique, être reprise pour comprendre comment naissent et grandissent les nations.

A l’image des contenus dogmatiques qui ne sont pas des créations humaines, mais déjà là dans l’Histoire, recueillis (dans les deux sens du terme) dans dépôt de la foi et voués à éclore au long des siècles, chaque nation détient une vocation propre qu’il lui importe en premier lieu de connaître puis de laisser épanouir. Pour ne pas dégénérer, cette réalisation d’elle-même doit reposer sur le respect d’une délimitation formelle (critère géographique) et matérielle (critère culturel, voire civilisationnel. Les membres d’une nation forment un corps articulé. En dernière instance, il s’avère, sauf à se perdre à tous les sens du terme, qu’aucun autre paramètre, qu’aucun autre critère que l’assimilation à une culture et l’assimilation d’une culture prédéterminée ne saurait 1/permettre (techniquement) (I can), 2/autoriser (moralement) (I may) l’identification de ses membres. A la suite de Bernard Peyrous, lequel, en l’espèce, se réfère à son article du n°48 de Liberté politique, on nous pardonnera de nous reporter au nôtre dans le n°23 de ladite revue [3]. Cet extrait nous semble pouvoir résumer la problématique qui, ici, nous taraude :

‘‘Du refus de la reconnaissance d’une impatronisation spirituelle à l’origine du fait national découle la difficulté d’accepter la nation quand elle existe, et – […] – l’impossibilité de délimiter son pré-carré et son éventuelle extension. A partir de son noyau originel – le pré-carré -, la nation peut se déployer à travers l’Histoire. La mission des métaphysiciens du futur sera de détecter d’abord, d’approfondir ensuite, le lien existant entre l’extension que peut connaître une nation au cours de son histoire et ce que Newman a appelé «développement homogène du dogme» [et les conditions de cette homogénéité, à savoir ] : préservation du type, continuité des principes, puissance d’assimilation, conséquences logiques, anticipation de l’avenir, conservation active du passé, vigueur durable.’’

Peyrous prend à un moment donné l’exemple de la Belgique : elle est un royaume depuis 1830. Mais, cette Belgique qui recouvre en partie la zone d’origine des francs saliens d’où naquit Clovis Ier est-elle une para France ? Est-elle un pays ? Un Etat bi-national ? Peyrous parie sur la survivance de l’actuelle Belgique. L’avenir dira si celle-ci connaîtra une nouvelle recomposition et si la France en sera partie prenante. Peyrous se propose d’étudier plus à fond le cas québecquois. S’il est un cas symptomatique des avatars que peuvent connaître l’Etat et la nation confrontés ou, plutôt, affrontés à leur premier ennemi qui ne sont autres que les principes directeurs du monde moderne (où l’on voit que la nation a affaire à forte partie !),  c’est en effet celui-là avec ses fameux, mais non moins déraisonnables ‘‘accommodements raisonnables’’. L’auteur devine sans doute où il pourra se documenter.

Ce dernier ne se contente pas de lire et de bien lire, de penser droit, de penser juste ; il sait aussi voyager, près du hublot, là où l’on rêve en comprenant bien des choses. La réflexion chrétienne sur les nations menée par Bernard Peyrous est à la fois sereine, intuitive, argumentée, documentée, d’une profondeur qu’il saura encore accroître, à l’occasion de ses travaux sur le Québec par exemple.

Quant à nous, s’il ne nous était enjoint de ne retenir qu’un point de cette étude panoramique, ce serait cette précision à notre sens pleinement fondée : à travers son adoration du capital et du capitalisme, une certaine forme moderne et dévoyée de la religion ayant favorisé l’éclosion de ce dernier (dont, très diplomatiquement mais très justement, prend soin d’exclure certaines variétés comme le piétisme) manifeste moins l’amour des richesses que la haine des pauvres et de la pauvreté. Cette aversion envers la pitié, envers la compassion, ce mépris de la charité qui en découle, nous l’appellerons l’inversion chrétienne.

 

Hubert de Champris

 

[1] Mondialisation et mondialisme ne sont pas synonymes. Comme il a connu des périodes de glaciation, le monde a déjà traversé des époques de mondialisation. Mais, si des historiens conviennent du fait, ces temps-là, préciserons-nous, ne sont pas comparables à la mondialisation actuelle.

[2] De Gaulle ne disait-il pas que le patriotisme était l’amour de sa patrie, le nationalisme la haine de celles des autres ?

[3] Juillet 2003


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