Un peu de bon sens dans un paysage  saturé de macronisme ?

Il y a une semaine, Laurent Wauquiez était l'invité de l'Emission politique sur France 2. Le moins que l'on puisse dire, c'est que les journalistes n'ont eu, ni avant, ni après, aucune intention de le ménager. Avant la fin de la première minute, dès l'allusion mordante de Léa Salamé à la fin peu glorieuse du héros de la série House of Cards, l’homme politique Underwood, incarné par Kevin Spacey, qu'il dit admirer, le ton est donné. Et sitôt l'émission achevée, la presse fait tourner en boucle le jugement du PAF : la plus mauvaise audience de l'émission. Circulez, il n'y a rien à voir.

Mais pour être juste, il faut voir d'où il arrive. A titre personnel, un passé assez inconsistant, derrière lui, un parti en miettes, un discours des Républicains inaudible, et pour couronner le tout l'omniprésence macronienne.

Mauvaise audience, mais pour ceux qui l'ont écouté, il a convaincu, alors qu'il partait de loin. Et l'on se dit, à l'entendre, après la déferlante d'anti-élitisme des derniers mois, vomie par les militants d'En marche, que le discours d'un homme qui sait réfléchir, et plutôt bien formé, ce n'est pas si désagréable.

Son face-à-face avec Alain Minc fut mémorable. Au conseiller des princes, qui vient lui rappeler le politiquement correct de ses jeunes années, il rétorque, avec de la facilité, mais surtout un agacement bien justifié, que seuls les imbéciles ne changent pas d'avis, et que le monde, lui, a changé.

Sur le sujet épineux de l'Islam, on lui avait trouvé la contradictrice parfaite, Houria Abdelouahed, psychanalyste franco-marocaine, et maître de conférences à l’université Paris VII, spécialiste du "féminin dans l'Islam", modèle d'intégration comme on n'en trouve que sur les plateaux de télévision. Au petit jeu de l'exégèse du Coran, il reconnaît ses torts, mais rappelle à ce "modèle" d'intégration sur mesure que jamais elle ne se risquerait à condamner l'intégrisme islamique.

Sur la question de l'adoption par les couples homosexuels, on pourra évidemment regretter qu'il n'y ait pas dans sa bouche de remise en cause claire de la Loi Taubira, sans laquelle il n'y a pas d'adoption possible. On lui a déniché là encore l'adversaire idéale, la maman qui a "fait" un enfant (baptisé, par surcroît) avec son épouse par amour, pour injecter la dose incompressible de sentimentalisme à un débat éculé. En plus le bambin mange 5 fruits et légumes par jour et trie ses emballages. Une famille comme les autres. Mais Wauquiez ne se laisse pas enfermer dans un larmoiement plein de bons sentiments. Il rappelle que le bien commun, premier souci du politique, n'est pas une affaire de cas personnels et d'émotion. Il déstabilise son adversaire, qui obnubilée par ses revendications, n'arrive pas à répondre clairement en condamnant la sélection eugénique que permet, de fait, la PMA : « ce n’est pas mon sujet », dit-elle.

Ce n’est pas son sujet, mais c’est bien le nôtre. Et l’on saura gré à Laurent Wauquiez, avec toutes les limites de l’exercice et du personnage, d’avoir diffusé – un peu – de bon sens dans un paysage médiatique encore saturé de macronisme.

Constance Prazel