Le géant français de l’alimentaire Carrefour suscite les appétits du groupe canadien Couche-Tard, qui aimerait le racheter et le mettre dans son escarcelle, pour la modique somme de 20 milliards d’euros. Mais voilà que, chose inattendue, Bruno Le Maire, notre ministre de l’économie, a décidé de s‘opposer fermement à une telle opération.

Cette prise de décision a de quoi surprendre. Au nom de la souveraineté alimentaire française, Le Maire n’entend pas laisser un Canadien, fût-il Québécois, s’emparer de l’un des poids lourds de l’agro-alimentaire français. Une fois n’est pas coutume, nous sommes bien obligés de le reconnaître, voilà qui a de l’allure. Nous pouvons en effet nous réjouir de ce que Monsieur Le Maire soit pris d’un accès de patriotisme économique. Par les temps qui courent, cela est bien rare.

Le groupe Carrefour représente en effet 20 % de la distribution alimentaire de notre pays. Avec 105 000 salariés, il est aussi le premier employeur privé de France. Cela n’est pas rien. L’Etat, chargé de réguler l’économie, a donc pour mission de veiller à l’intérêt général et à celui des consommateurs français. Depuis 2019, la question alimentaire a été ajoutée aux « intérêts stratégiques » qui devaient être surveillés d’en haut.

La courageuse décision de Bruno Le Maire a suscité l’enthousiasme des producteurs agricoles, qui en ont un peu assez d’être les éternels sacrifiés des politiques économiques, des traités de libre-échange et autres politiques européennes et transatlantiques destinées à saper notre souveraineté et à niveler par le bas la qualité de nos produits.

Les libéraux adeptes du déracinement économique n’ont, pour leur part, pas manqué de faire entendre leur désapprobation. Le Monde ne se prive pas d’ironiser, et de fustiger l’intérêt déplacé du ministre pour « les pâtes et le riz » : on mesure à ces sarcasmes la corruption d’élites pour qui la toute-puissance du marché ne doit pas se laisser entraver par des considérations politiques sur l’indépendance nationale. Ces « libéraux » sont des partisans de la double peine. La première peine a consisté à développer un mondialisme effréné, aboutissant à la création de groupes de distribution gigantesques : cela a enrichi considérablement quelques capitalistes, et a déstructuré en profondeur le petit commerce français, pourtant fondamental pour l’équilibre social. La seconde peine consiste à vendre à l’étranger le plus grand groupe de distribution français, et donc à déstructurer en profondeur également la grande distribution, dont l’unique objectif sera plus que jamais : enrichir considérablement quelques grands actionnaires, au détriment de tout le reste.

Bruno Le Maire explique : « Tout se tient : sécurité alimentaire, défense de nos filières agricoles, valorisation de notre mode de vie. » Voilà une formule que nous ne pouvons qu’applaudir. Il est certain que tout se tient, et nous aimerions entendre cette chanson-là un peu plus souvent. « Tout se tient » : nos emplois, notre culture, l’identité et l’immigration. « Tout se tient », le virus, la défense de la vie et des plus faibles, et la famille !

Nous ne cessons de payer le prix de l’absence de cohérence, dans toutes les mesures prises par le gouvernement de la triste équipe Macron-Castex. Voilà un éclair de lucidité dans la nuit : il nous reste à espérer que la décision de Bruno Le Maire fasse des émules et que la France retrouve un peu le chemin de l’orgueil national et de la défense de ses intérêts. N’en doutons pas, la route sera longue !

François Billot de Lochner