L’éternel serpent de mer, le grand chantier de la vie économique française, est relancé cette fois par le gouvernement d’Emmanuel Macron, j’ai nommé la réforme des retraites. L’une des pages les plus pénibles de notre vie politique récente, tant elle comporte de promesses inabouties, d’espoirs déçus, de démissions publiques, de projets avortés ou tronqués, attachés, notamment, aux expériences d’Alain Juppé et de François Fillon.

Trois axes principaux sont actuellement à l’étude : tout d’abord, la suppression tant attendue des quelque 42 régimes spéciaux, spécificité bien française totalement ubuesque, au profit d’un unique système de retraite. Des exceptions seraient introduites pour les militaires, notamment. Ensuite, la mise en place d’un système de retraites « à points », qui permet, sans aller jusqu’au fonctionnement par capitalisation, davantage de justice que le système  actuel. Le calcul se ferait par cumul de points, et non par annuités. Un euro cotisé permettrait d’acquérir le même nombre de points, quel que soit le statut professionnel et le moment où il a été cotisé. Le minimum vieillesse serait par ailleurs revalorisé, et la charge d’enfants  permettrait de bénéficier d’une majoration, et cela dès le premier. Enfin, sans toucher à l’âge légal de la retraite à 62 ans, selon sa promesse de campagne, Emmanuel Macron propose d’introduire un « âge d’équilibre », à 64 ans, seuil permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, avec une décote pour ceux partant plus tôt, et une surcote pour ceux partant plus tard.

Tout cela relève du bon sens, nous direz-vous. Et nous partageons cet avis. Ces axes de réforme font preuve d’un réel équilibre, et corrigent des dysfonctionnements dont notre pays souffre depuis trop longtemps. En 2017, à l’occasion des élections présidentielles et de la publication de notre Manifeste de la dernière chance, Liberté politique, comme 11e mesure, préconisait l’uniformisation des régimes de retraite et le recul de l’âge du départ. Nous ne pouvons donc que nous réjouir de la direction que semble emprunter la réforme. Mais ces mesures peuvent-elles aboutir ailleurs que dans un monde idéal ? La méfiance est ô combien de mise…

Cela fait vingt-cinq ans qu’échoue systématiquement toute réforme sérieuse et durable du système de retraites. Les gouvernements, souvent d’ailleurs estampillés de droite, se sont contentés d’ajouter rustine sur rustine, entraînant dans leur sillage aveuglement, irréalisme et injustice, et récoltant un appauvrissement de notre société toujours plus profond. Pourquoi Emmanuel Macron changerait-il, par miracle, la donne ? De telles mesures sont toujours impopulaires. Sachant que l’impopularité d’Emmanuel Macron bat déjà des records, comment peut-il espérer s’imposer ? En outre, la première partie de son quinquennat, n’en déplaise à certains, s’est illustrée par une absence totale de réformes intelligentes sur le plan économique, alors que nombre d’électeurs de droite – quelle illusion – l’avaient  élu « pour ça », et par une accélération dramatique des délires sociétaux, culturels, éducatifs. Comment, par miracle, la vapeur pourrait-elle s’inverser ? Qu’il nous soit permis, sérieusement, de douter.

François Billot de Lochner

Président de Liberté politique et du collectif France Audace