L’« internetisation » du monde  fournit depuis des années aux pouvoirs politiques une formidable possibilité de connaître la vie, les activités, les idées exprimées, le patrimoine, le relationnel d’un nombre considérable d’individus. En quelques clics sur Google, l’Etat peut visionner la petite maison de campagne que possède dans le Cantal un postier de Sarcelles, savoir que le dit postier fait partie de l’Association des marcheurs du Val d’Oise, mais aussi qu’il a signé des pétitions contre telle ou telle décision du gouvernement : la cartographie de sa vie privée peut facilement être consultée, analysée puis… utilisée.

Par l’Education nationale et par les médias, l’Etat contrôle d’une main de fer la formation et la construction de l’intelligence des individus. Par le système médiatique, il impose quotidiennement son idéologie. Par l'Internet, il peut « consulter » et donc contrôler des pans entiers de la vie de chacun d’entre nous. Manquait-il quelque chose au dispositif ? Oui : le contrôle possible et immédiat de son téléphone et de ses mails. La loi vient d’ouvrir une brèche qui n’est pas prête de se refermer.

Ainsi, la loi renseignement, votée le mardi  5 mai 2015 à une majorité écrasante par l’Assemblée nationale, permet, dans certaines conditions, de « fliquer » les appels téléphoniques et les mails de personnes considérées dangereuses sous l’angle du terrorisme. Sans recours à des décisions de justice.  Au nom de la « guerre » que le gouvernement mène contre le dit terrorisme.

Je voudrais faire trois observations :

♦ Les milliers d’infractions civiles et pénales commises par Manuel Valls lors de l’extraordinaire répression menée contre les pacifiques opposants à la loi Taubira montrent bien que le gouvernement est à la légalité ce qu’Attila fut à la douceur de vivre. Faire confiance, avec joie et bonne humeur, à un tel Premier ministre, et lui ouvrir davantage la consultation de notre vie privée ? Non, merci !

♦ Pourquoi cette possibilité de contrôler toute la population, puisque le gouvernement nous explique que les terroristes sont des « loups solitaires », des gens isolés, des individualités pathologiquement asociales ? Ces terroristes-là, par définition, ne vont communiquer avec personne : la loi votée n’a donc aucun sens, aucune utilité ! Ou alors, que Valls change de discours, et nous dise le contraire de ce qu’il affirme depuis des mois…

♦ Une telle loi instille le ver dans le fruit : la porte est ouverte à des dérives futures. En effet, supposons qu’un « loup solitaire » fasse sauter une bombe dans une église bondée, et massacre des dizaines de personnes : l’émotion suscitée pourra permettre de faire voter en urgence des dispositifs complémentaires liberticides, même s’il ne s’agissait que de la mort de chrétiens…

Pour ces raisons, et pour bien d’autres motifs parfaitement recensés par les opposants à ce texte, la loi de mercredi dernier ne dit rien de bon pour notre pays et sa population.

 

François Billot de Lochner

 

 

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