Une troublante coïncidence…

[Source : La Faute à Rousseau]

Si les électeurs britanniques, après avoir dit non au Brexit, découvrent qu’ils ont été manipulés, l’Europe aura un goût de sang.

 

Anna Lindh était suédoise, de gauche, et très favorable à l’adhésion de la Suède à l’euro. Ministre des Affaires étrangères, elle était devenue l’égérie des partisans de l’euro. Mère de deux jeunes enfants, elle est assassinée à 46 ans à Stockholm.

Jo Cox était anglaise, de gauche, et très favorable au maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne. Députée travailliste, elle était devenue l’égérie des opposants au Brexit. Mère de deux jeunes enfants, elle est assassinée à 42 ans à Leeds.

Le premier meurtre a eu lieu le 11 septembre 2003, à trois jours du scrutin.

Le second meurtre a eu lieu le 16 juin 2016, à six jours du scrutin.

Deux victimes pathétiques.

Dans les deux cas, les meurtriers sont des déséquilibrés. Ils avaient fait des séjours en hôpital psychiatrique. Le premier était d’origine serbe, le second est anglais. « Des meurtriers dans le genre de Lee Harvey Oswald », dit François Asselineau, homme politique français, président d’un petit parti souverainiste, l’UPR, qui, dès le 8 juin, avait envisagé que les partisans du maintien auraient recours à un attentat analogue à celui qui avait frappé Anna Lindh.

Le bruit a couru que le meurtrier de Jo Cox, apolitique pour les uns et néo-nazi pour les autres, aurait crié au moment du meurtre « La Grande-Bretagne d’abord ! » Mais le témoin cité a démenti avoir entendu rien de tel. Les techniciens de la communication le savent : après un drame, c’est la première parole que l’on retient.

La presse favorable au maintien a immédiatement installé le meurtrier dans le rôle de partisan fanatique du Brexit. Bien mal inspiré puisque les sondages étaient en train de se retourner en faveur du Brexit. Être contre l’Europe de Bruxelles, n’est-ce pas être nationaliste, et donc nazi, et donc criminel en puissance ?

Le meurtre de Stockholm, venu trop tard sans doute, n’avait pas changé l’issue du scrutin : les Suédois avaient refusé l’euro et s’en portent d’autant mieux aujourd’hui. Celui de Leeds a déjà inversé les sondages en faveur du maintien dans l’Union européenne.

Entre complotisme et naïveté, la ligne de faîte est étroite. La coïncidence entre les deux drames demeure troublante.

Ce qui est sûr, c’est que le Brexit remettrait en cause, à terme, l’Union européenne dans son ensemble et que celle-ci est une des pièces maîtresses de l’architecture politico-militaire et économique de plus en plus contraignante imposée au monde occidental. Obama, plus impérial que jamais, est venu dire aux Britanniques ce qu’ils devaient voter. Les défenseurs de l’ordre occidental ne plaisantent pas. Les idéologues non plus. Les idéologies – et la construction européenne qui prétend en finir avec les nations, comme d’autres voulaient en finir avec les classes sociales, en est une – font toujours passer leur logique avant toute autre considération. Le crime ne leur fait sûrement pas peur.

Si les électeurs britanniques, après avoir dit non au Brexit, découvrent un jour qu’ils ont été manipulés, nul doute que l’Europe aura un goût de sang.