Un grand absent à la célébration de la bataille de la Somme.

Le 1er juillet prochain sera célébré le centième anniversaire de la bataille de la Somme. Il y aura un grand absent : François Hollande. 

Contemporaine de la bataille de Verdun, la bataille de la Somme conduisit  à  des pertes totales encore plus lourdes : 442 000 morts (pour 306 000 à Verdun). Mais alors qu'à Verdun, l'essentiel des pertes alliées était composé de Français, à la Somme, les Anglais (et autres soldats du Commonwealth) furent particulièrement à la peine : 205 000 morts  Britanniques et assimilés pour  67 000 Français. En face, 170 000 Allemands.

Bataille titanesque elle aussi, mais encore plus désespérante dans la mesure où, lancée pour tenter de percer le front allemand, elle se termina par le statu quo - alors que Verdun fut assez nettement une victoire française.

La bataille de la Somme est plus connue de l'autre côté de la Manche. Comment ne pas considérer avec émotion les sacrifices de tant de Britanniques et autres sujets de l'Empire sur le sol français, pour défendre la France ?

On dira qu'en défendant la France, ils se défendaient eux-mêmes. Peut-être, mais leur sacrifice n'en mérite pas moins notre reconnaissance. Les excuses de Hollande ne sont pas acceptables; il dit que la reine Élisabeth II n'y sera pas mais elle a 90 ans et la bataille se célèbre en France. Cameron sera là.

On aime ou on n'aime pas les Anglais qui nous ont certes fait dans l'histoire beaucoup de méchants tours; mais on ne se sent pas moins honteux de l’absence du président français (à moins qu'il se ravise, ce qui serait une bonne nouvelle).

Avait-il pressenti le Brexit  et prévu de marquer sa froideur ?  Ce serait indigne : les deux événements  ne se situent pas sur le même plan.

 

Les effets de l'idéologie post-nationale

Cette absence contraste avec le caractère franco-allemand, pour ne pas dire germano-français qu'il a voulu donner à l'anniversaire de Verdun.

La vraie raison de son absence est idéologique. Hollande, tant à Verdun qu'à la Somme ne vit pas dans la commémoration. Pour lui, commémorer c'est rappeler combien le passé fut horrible et constater qu'il est aboli.

Pour l’idéologie post-nationale qui est la sienne, la guerre de 1914-1918 fut une  horreur et rien d'autre; maintenant la page est tournée. Y mettre un semblant de sentiment national, fût-ce en s'associant à celui des Britanniques, serait revenir à ce passé révolu.

Le projet absurde de faire un concert de Black M à Verdun  signifiait cela: la négation d'une histoire que la construction européenne rend obsolète, comme la révolution culturelle chinoise avait rendu obsolète  Confucius. On ne pardonne pas aux Allemands puisque il n'y a rien à pardonner : Allemands et Français sont désormais fongibles. Quand Hollande et Merkel apposent une plaque à la mémoire des soldats "allemands et français", qu'importe que les Français aient là défendu leur sol et que les Allemands qui s'y trouvaient n'aient eu  rien à y faire. Cela est dépassé ; on fait  injure au sacrifice de milliers de soldats français pour ce qui semble une bonne manière  dans l'ordre des préséances.

Que tout cela se soit déroulé dans le monde abstrait de l'idéologie, explique la réaction d'une violence absurde des autorités gouvernementales devant la légitime indignation de beaucoup de Français à l’idée qu'un personnage se réclamant de Mesrine puisse être le grand prêtre de la cérémonie. Dans l'univers autosuffisant de l’idéologie, non seulement le passé est aboli, mais tout opposant à l'idéologie est une "vipère lubrique", un suppôt du FN en l’occurrence.

C'est pour cela que le sacrifice de Britanniques à la Somme n'intéresse pas les idéologues. Il se situe lui aussi dans un temps révolu. Verdun servait à marquer cette abolition du passé. Fêter la Somme avec les Anglais serait prendre à nouveau ces symboles au sérieux.

La logique de la réconciliation, telle que l'ont pratiquée De Gaulle et Adenauer, deux combattants de la Première guerre mondiale,  avec le traité de l’Élysée du 23 janvier 1963, est la reconnaissance de l'autre en tant qu'autre, et spécialement de l'ancien ennemi avec sa particularité, sa chair, sa culture, sa mémoire, par définition différentes puisque nous nous sommes fait  la guerre.

Dans l'espace éthéré de l'idéologie post-nationale, l'autre, qu'il soit un individu ou une nation, devient, comme nous mêmes, une abstraction. Au lieu de la réconciliation, le piétinement commun d'un passé tenu pour révolu  comme les tombes des poilus furent piétinées par la scénographie de Volker Schlöndorff.  C'est la réconciliation de personne avec personne. C'est le néant, le néant qui habite désormais ceux qui nous gouvernent, que ce soit Merkel qui accepte que des millions d'immigrés remplacent les enfants allemands non avenus, que ce soit Hollande qui ne voit aucun motif d’objecter jamais rien à sa partenaire allemande. Un siècle après Verdun, la France n'a plus rien à défendre puisqu'elle n'est plus.