Sommet de Riga : les arrière-pensées du Partenariat oriental

Les 21 et 22 mai, se tiendra le sommet du Partenariat oriental à Riga. Initié par la Pologne, pays fortement engagé dans l’OTAN, cet accord associe l’Union européenne à six pays d’Europe centrale et du Caucase du sud. Qu’attendre de ce sommet ? À l’Est, sans interlocuteur russe, rien ne pourra se construire durablement.

La déclaration fondant ce partenariat insiste sur l’importance stratégique de ces deux régions notamment en raison de la sécurité énergétique. De fait, la carte du Partenariat oriental fait très clairement apparaître deux glacis de trois pays, nettement séparés par la mer Noire.

Deux glacis stratégiques

Riga

Le premier borde la Russie à l’Est (Ukraine, Biélorussie et Moldavie), tandis que le second la borde au sud (Azerbaïdjan, Géorgie et Arménie). Il est à noter que ces deux espaces géographiques ont été utilisés alternativement par la Russie et les pays Occidentaux afin de former des États-satellites. Ainsi, durant la Guerre civile (1917-1921) l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie obtinrent l’indépendance puis furent réintégrés comme républiques soviétiques.

De même, après 1945, l’Ukraine, la Biélorussie et la Moldavie devinrent le glacis intérieur de la Russie. Aujourd’hui à l’inverse, c’est bien l’Europe occidentale, devenue – selon l’expression du professeur Jean-Paul Charnay – un glacis transatlantique extérieur des États-Unis[1], qui cherche ainsi à étendre son influence.

Des marches militarisées

Pourtant, le Partenariat oriental ne suscite guère l’unanimité auprès des pays européens. L’Allemagne et la France craignent que cet accord ne devienne l’étape préparatoire à une adhésion à l’Union – option que la Pologne appelle de ses vœux.

De leur côté, la Bulgarie et la Roumanie ne souhaitent pas que ce partenariat vienne se substituer au Forum de la mer Noire. L’Ukraine s’interroge quant à elle, sur la valeur ajoutée de cette initiative. La Russie, qui en est exclue, y voit non sans raison, l’institutionnalisation possible par l’Union européenne, d’une nouvelle sphère d’influence à l’Est et au Sud.

En réalité, si nous n’avions affaire ici qu’à des État-tampons, conformément à la théorie de l’équilibre des pouvoirs, née au XVIIe siècle, le Partenariat oriental ne prêterait guère à confusion. Mais la réalité est tout autre puisque ces États sont en passe de devenir des marches militarisées.

Celles-ci visent d’ores et déjà à empêcher au sud la connexion stratégique et énergétique entre la Russie et l’Iran, et au nord, à pousser un coin dans des espaces qui constituent historiquement le cœur même de la Russie.

Pas de paix sans la Russie

Bref, seule l’inclusion de la Russie elle-même dans ce partenariat permettrait de rétablir l’équilibre et de fonder les bases d’un dialogue finalisé à la paix. Pour ne prendre qu’un exemple, le sommet de Riga des 21 et 22 mai sera vraisemblablement l’occasion de discuter de la réduction de la dette grecque.

Les Européens sont ici pris en tenaille entre leurs difficultés financières et les propositions discrètes de la Russie vis-à-vis de son arrière-pays orthodoxe, avec lequel elle entretient une relation spéciale. Et il y a fort à parier qu’en l’absence d’interlocuteur russe, les discussions ne déboucheront sur aucune décision durable.

 

Thomas Flichy de La Neuville est historien, membre du Centre Roland-Mousnier, université de Paris IV-Sorbonne.

 

____________________________
[1] Jean-Paul Charnay, « La Russie et ses glacis continentaux », Revue géostratégique n° 9, octobre 2005, p. 93.***