Pourquoi la modulation des allocations familiales est discriminatoire

Le 18 décembre, le Conseil constitutionnel a validé l’article 85 de la loi de financement de la Sécurité sociale 2015 qui institue « une modulation du montant des allocations familiales en fonction des ressources », mais il a émis une réserve d’interprétation sur les décrets qui pourraient fixer les critères de ressources. La constitutionnalité de ce projet, notamment par rapport au Préambule de la Constitution de 1946, ne va donc pas de soi.

Même si à l'origine de leur création les allocations familiales répondaient à une préoccupation sociale, leur universalisation progressive à partir des années 1930 les a transformées non plus en une aide sociale, mais en une rémunération (ou une subvention, au demeurant très modeste) du service rendu par les familles à la collectivité en assurant l'entretien et l'éducation de leurs enfants.

Pour mémoire, si le montant des allocations familiales avait suivi depuis 1949 l'évolution du PIB par habitant, leur montant mensuel serait aujourd'hui d'environ 600 euros par enfant.

Ainsi, l'érosion constante des allocations familiales depuis les années 1960 a conduit les gouvernements successifs à compléter le dispositif par des prestations sous conditions de ressources afin d'éviter la paupérisation des familles les plus modestes.

Dès lors, aujourd’hui, on peut affirmer que la modulation envisagée est discriminatoire dans son principe même, en ce qu'elle enfreint le principe « à travail égal, salaire égal ». Dans la même logique, c'est comme si un employeur divisait par deux votre salaire au motif que vous avez suffisamment de revenus par ailleurs !

Une mesure préjudiciable aux familles nombreuses

Le mécanisme de modulation prévoit une réduction de 50% au-delà d'un plafond de 6.000 euros pour deux enfants, plafond majoré de 500 euros par enfant supplémentaire, ou 75% au-delà de 8.000 euros+ 500 par enfant. Ce dispositif est doublement discriminatoire au détriment des familles nombreuses pour les raisons suivantes :

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1/ les seuils proposés correspondent à un niveau de vie décroissant en fonction du nombre d'enfants (soit 2.400 euros par unité de consommation pour deux enfants, et 1800 euros pour 6 enfants) ;

2/ l'impact de la division par deux ou par quatre est croissant, en fonction du nombre d'enfants. Ce n'est évidemment pas comparable de perdre 64 euros lorsqu'on a deux enfants ou 500 euros lorsqu'on en a 6 !

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Ainsi, à niveau de vie égal (de 2.400 euros par unité de consommation, soit légèrement au-dessus du niveau de vie moyen des Français), l'impact de la modulation est nul pour une famille de deux enfants, tandis qu'une famille de six enfants subirait une perte de pouvoir d'achat proche de 7% ! On peut légitimement considérer qu'il s'agirait là d'une agression caractérisée contre les familles nombreuses de la classe moyenne supérieure (cadres supérieurs et professions libérales, patrons de PME... ).

Une mesure contraire à l'intérêt national

Alors que la natalité, bien qu'à peine suffisante pour assurer le renouvellement des générations, constitue un des derniers atouts comparatifs de la France en Europe, il est irresponsable de prendre le risque de faire chuter le taux de natalité des classes moyennes supérieures qui constituent les forces vives de la nation en accumulant les mesures punitives contre ces familles déjà fortement pénalisées par l'abaissement du plafond familial !

Il faut que chacun prenne conscience que toute baisse de la natalité, et plus particulièrement dans cette catégorie de la population, entraînera à terme la mise en péril de tout notre édifice de protection sociale (retraites, couverture santé, ...) faute de cotisants, et ainsi le déclin de la nation française.

M.B.

 

 

Sur ce sujet :
Le communiqué du collectif Les Familles plumées à propos de la décision du Conseil constitutionnel

 

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