Peut-on défendre extérieurement l’Église ?

Source [Le Rouge et le Noir] En 1899 comme en 2019, les « incroyants furent bien obligés, écrit Charles Maurras, de voir que les ennemis de la Patrie étaient aussi ceux de l’Église » [1] ; alors, en 1899 comme en 2019, les avocats de la patrie devinrent par le même mouvement ceux du christianisme culturel ; et enfin, en 1899 comme en 2019, « les catholiques s’associèrent à cet effort de défense extérieure » [2], achève Charles Maurras.

« Comme il était naturel, les catholiques s’associèrent à cet effort de défense extérieure. » [3] Quoi de plus naturel en effet, pour des catholiques, que de s’associer, dans une sorte de « communion d’impatience » [4], avec tous ceux qui manquent de France. Mais le pouvons-nous cependant ?

Même si les tenants de la défense extérieure de toutes ces manifestations extérieures du christianisme n’ont pas le projet de retourner leurs armes contre l’Église, ils retournent du moins l’ordre causal, et tiennent les conséquences extérieures pour les causes intérieures, et les effusions pour la source. Cela revient à arracher d’une branche les fruits pour en faire un bâton – ou une canne, selon – sans imaginer que dans le même temps, la sève est enlevée à la branche, et pire peut-être, la branche à l’arbre. Si l’on traite ainsi le bois vert, qu’adviendra-t-il du sec ? [5]

Faut-il renoncer pour autant à protéger notre héritage culturel, institutionnel, identitaire ou artistique, et plus avant, tout ce qui a été construit pour l’amour de Dieu, et qui Le manifeste encore aujourd’hui ? La réponse est évidemment négative.

Mais l’histoire nous montre qu’on défend d’abord une église en l’habitant, comme le firent les paroissiens de saint Ambroise à Saint-Laurent pendant la Semaine sainte de 386 [6] ; et que l’Église n’admet comme Suisses que ceux qu’elle s’est choisis [7] pour leur loyauté sans partage. Il est notable par ailleurs que le traité de Genève du 7 novembre 1515 dispose que seuls le pape et le roi de France puissent embaucher des mercenaires suisses. Cet accord, toujours effectif pour le Vatican, ne l’est plus pour la France depuis 1792 : la défense intérieure de l’Église est sans mélange. L’Église n’arme pas ceux qui la persécutent.

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1] MAURRAS, « Lettre à S.S. Pie XI », dans L’AF et le Vatican, p. 227.

[2] MAURRAS, « Lettre à S.S. Pie XI », dans L’AF et le Vatican, p. 227.

[3] MAURRAS, « Lettre à S.S. Pie XI », dans L’AF et le Vatican, p. 227.

[4] La formule est de Bloy (dans Les Désespérés).

[5] Lc XXIII, 31.

[6] L’article du Rouge & le Noir sur Sainte-Rita, La Cause alambiquée revient sur la différence de nature entre la défense de Sainte-Rita et celle de Saint-Laurent-de-Milan : 3866

[7] En ce sens, la récente initiative Protège ton Église, qui consiste à faire des rondes autour des églises la nuit est fondamentalement une défense extérieure, même si elle obtient a posteriori l’accord de certains curés.v