Non, la pédophilie ne relève pas du cléricalisme !

Source [Smart Reading Press] La Vie, La Croix, Famille Chrétienne, Aleteia… Tous ces médias ont parlé du «cléricalisme» après la lettre du pape François au peuple de Dieu, avec d’évidentes difficultés pour saisir et tracer les contours de cette notion. La petite ritournelle qui s’impose dans l’Église est aujourd’hui la suivante : «Si on supprime le cléricalisme, on supprime la pédophilie !» Vraiment ?

Je propose de nouveau à tous les prêtres ce que j’ai dit à beaucoup d’entre eux en une autre occasion : «La vocation sacerdotale est essentiellement un appel à la sainteté dans la forme qui découle du sacrement de l’Ordre. La sainteté est intimité avec Dieu, elle est imitation du Christ pauvre, chaste et humble ; elle est amour sans réserve envers les âmes, et don de soi-même pour leur véritable bien ; elle est amour pour l’Église qui est sainte et nous veut saints, car telle est la mission que le Christ lui a confiée. Chacun de vous doit aussi être saint afin d’aider ses frères à réaliser leur vocation à la sainteté. (Jean-Paul II, Pastores Dabo Vobis, n° 33)

À l’heure actuelle où l’on piétine le prêtre, où l’on crache dessus, où on l’accuse de tous les crimes, où l’on s’acharne à le détruire, il est bon de se rappeler la grande doctrine sur le sacerdoce presbytéral que le pape saint Jean-Paul II a bien voulu donner à l’Église, le 25 mars 1992. Et de leur dire combien nous leur sommes reconnaissants pour le bien qu’ils apportent à l’Église, pour leur vie toute donnée à notre service spirituel, pour l’amour de charité dont ils nous enveloppent.

Oui, le prêtre est dans l’Église un témoignage d’un amour de l’Église «qui est sainte et qui nous veut saints». Oui, le sacerdoce est une imitation du Christ pauvre, chaste et humble. Cela, la grande majorité de nos prêtres le vivent dans les limites de leur personnalité, dans la grâce qui leur est impartie, dans leur ministère souvent exténuant et trop souvent dépourvu de consolations. Ils sont maintenant dans la tempête qui secoue l’Église et qui est attisée, comme a dit le pape François, par ces «chiens errants cherchant qui dévorer», les témoins silencieux d’une croix que nous portons tous, cette croix qui a sauvé le monde, qui est notre gloire et notre amour.

Sous je ne sais quelle influence, on tente à l’heure actuelle de lier cléricalisme et pédophilie. Peu importe le fait que le pape François ait été, possiblement, le premier à en parler dans sa lettre récente au Peuple de Dieu. Ce qui serait intéressant, ce serait de savoir qui lui en a donné l’idée. Peu importe ! La question est de savoir si ces deux termes peuvent être proprement liés ! Est-ce qu’il est propre au cléricalisme de conduire à la pédophilie ? Oui, répondrait le cardinal Blaise Cupich, parce que les deux tendances découlent d’un abus de pouvoir, ce qui ne serait pas le cas de l’inclination à l’homosexualité.

Le cléricalisme est né avec l’Église. Il est un accident commun à un certain nombre de sujets auxquels on a conféré le sacrement de l’Ordre ; c’est un accident du sujet – homme –  et non une propriété du sacrement ! Saint Paul lui-même le dénonce dans des termes virulents. Dans l’épître aux Galates, parlant de ceux qui veulent à tout prix imposer la circoncision aux païens convertis, «certaines gens de l’entourage de Jacques» (Ga 2, 12), «ces intrus, ces faux-frères qui se sont glissés pour espionner la liberté que nous avons dans le Christ Jésus afin de nous réduire en servitude» (Ga 2,4), il définit bellement le cléricalisme.

Saint Thomas, en commentant ce texte des Galates, enseigne que les «intrus, les faux-frères, sont ceux qui veulent donner au salut un autre fondement que le seul évangile du Christ». Ceux-là qui ont reçu, par appel et par don de la grâce, le pouvoir d’être témoins de la Loi nouvelle, sont des intrus – des gens de l’entourage de Jacques – qui se disent apôtres et qui n’en sont pas dans la mesure où ils veulent fonder la promesse du salut, la liberté qu’il a apportée, sur un fondement autre que celui de l’Évangile.

Il ne s’agit pas uniquement d’un simple abus humain d’autorité, d’une faute, qui peut être grave, contre la vertu morale de l’humilité. Il s’agit d’une perversion de l’Évangile. Et cela peut se trouver chez des personnes, des clercs, qui ont une personnalité très agréable, très suave, très populaire, mais qui s’acharnent, au nom de leur autorité, à dire autrement ce que dit la Parole de Dieu, de telle sorte que la vérité de l’Évangile n’éclaire plus les consciences.

Par exemple, ceux qui, au nom de la charité, s’ingénient à dire que l’homosexualité n’est pas un grave désordre intrinsèque, qu’elle serait uniquement un nouvel ordre de la sensualité, ou ceux qui, en vertu de leur autorité, voudraient enseigner que l’adultère n’est plus une faute grave ou même que l’avortement n’est pas objectivement une faute contre le cinquième commandement. Bref, en un mot, tous ceux qui, en face des erreurs qui vont contre la loi naturelle, refusent d’affirmer leur caractère  intrinsèquement mauvais sous prétexte qu’elles ne sont pas condamnées dans l’Évangile. Comme si l’Évangile contredisait les fondements de loi morale expressément révélée par Dieu comme manifestant sa volonté.

En revanche, on peut parler de cléricalisme dans un sens beaucoup plus large lorsque, par naïveté ou par orgueil, le prêtre peut penser qu’il est l’autorité qui tient la place de Dieu et qu’il a tout pouvoir pour influencer les consciences afin qu’elles lui obéissent sans le respect de l’intimité de chacun. Si cela a pu, sous une certaine forme, exister au XIXe siècle, on en est maintenant guéri ! Il suffit au prêtre d’avoir un peu d’expérience de son ministère, au sortir du séminaire, pour qu’il se souvienne qu’il ne sait pas tout, qu’il doit continuer à se former pour discerner à bon escient, qu’il lui faut annoncer l’Évangile avec une vraie humilité s’il veut, comme dit saint Paul «conduire quelques-uns» à recevoir le message du Seigneur.

En réalité, on trouve plutôt de nos jours une sorte de cléricalisme médiatique dans une pratique lobbyiste qui se plaît à rendre publics certains actes délictueux commis au sein de l’Église, sans qu’ils soient pour autant vérifiés. Ici, nous sommes devant un problème plus sérieux qu’on ne voudrait l’admettre et il faudra plus que cet article pour en exposer les structures.

Dans la mesure où les actes commis sont des délits selon le Code pénal, qui dépend des pouvoir législatif et judiciaire de notre société civile de même que notre législation pénale canonique, ces délits sont pour l’Église des péchés qui relèvent du for interne. S’ils sont des délits, l’imputation relève du for externe. En ce cas, il faut attendre de savoir si l’accusé est coupable ou non et, si c’est le cas, que justice soit faite. Or, ce travail légitime ne s’étale pas sur la place publique. Personne ne peut revendiquer le droit d’être mis au courant des actes peccamineux incriminés d’un clerc. Si, dans la société civile, chaque citoyen peut savoir comment la justice agit dans son propre pays, dont il choisit les gouvernants et, par les impôts, paie le salaire, cette possibilité ne se conçoit pas de la même manière dans l’Église. Même si les fidèles aident matériellement l’Église par le denier du culte, cela ne leur donne aucun droit à faire des ministres ordonnés – prêtres ou évêques – des fonctionnaires à leur service.

Que l’évêque n’ait pas pris soin de respecter le droit en «couvrant» des prêtres (ou des évêques) de ces méfaits non vérifiés ou même les ai soustraits à la justice pénale de notre société civile, cela a existé dans un contexte différent de celui d’aujourd’hui. Mais aujourd’hui, cela est en voie de disparition dans l’Église catholique. Ce n’est cependant pas une raison pour que la vindicte populaire orchestrée par les médias s’acharne sur certains clercs connus au détriment de la vérité, jusqu’à une déchéance sociale tellement réclamée par certaines associations de victimes. La présomption d’innocence est systématiquement bafouée.

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