Ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples ont valu au président des États-Unis le prix Nobel de la paix 2009, neuf mois après son entrée en fonction. Les réactions à cette annonce n'ont pas manqué : surprise, incompréhension, ou indignation...

Beaucoup s'accordent à dire que ce prix ne peut guère récompenser son bilan, même si Barack Obama a œuvré — comme sénateur puis comme président — en faveur du démantèlement des arsenaux nucléaires (résolution rédigée par les États-Unis et adoptée à l'unanimité en septembre dernier par le Conseil de sécurité des Nations¬-unies). Pour le reste, ses mesures concernant notamment l'engagement militaire américain en Irak et en Afghanistan peuvent difficilement être qualifiées de pacifiques, et aucune réalisation spécialement marquante n'est encore à porter à son actif en matière de politique étrangère.

Comme l'a expliqué Thorbjoern Jagland, le président du comité Nobel norvégien, nous avons maintes fois essayé de donner [le prix] pour encourager ce que de nombreuses personnalités essayaient de faire , citant notamment le chancelier ouest-allemand Willy Brandt (1971) ou le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev (1990). Il s'agirait donc bien d'un encouragement à suivre les objectifs qu'il a fixés pour son action ; rappelons que sa candidature avait été déposée en février, soit quelques jours seulement après sa prise de fonctions...

Un cadeau empoisonné ?
Mais cette invitation à l'action pourrait être un cadeau empoisonné. Pour le président d'un pays en guerre – en Irak et surtout et Afghanistan — et également impliqué dans le règlement du conflit israélo-palestinien, ce prix Nobel de la paix risque de s'avérer encombrant. Il pourrait constituer une forme de pression pour inciter Obama à faire des choix pacifistes dans la suite de son mandat.

L'intéressé semble avoir dissipé tout soupçon à ce sujet dans son discours de remerciement : disant qu'il acceptait avec une profonde humilité ce prix qu' il ne mérite pas , il a rappelé qu'il était le commandant en chef d'un pays qui a la responsabilité de faire cesser une guerre et d'œuvrer sur un autre théâtre de conflit pour combattre un adversaire sans scrupule qui menace directement les Américains et [leurs] alliés.

 

Barack Obama ne compte pas se laisser entraîner contre son gré dans dans les voies d'un pacifisme bien-pensant. Zbigniew Bzrezinski, l'ancien conseiller diplomatique de Jimmy Carter, estime même que ce prix, en donnant une légitimité internationale à sa politique, sera plutôt un atout pour le président des Etats-Unis.
Politiquement correct
Avec ce prix, le comité Nobel ne fait que ranimer l'enthousiasme suscité par l'élection du premier afro-américain à la Maison Blanche : c'est d'Obama, idole messianique d'un monde multipolaire, que viendrait le salut pour tous les peuples. Cette vision candide assez répandue en Europe risque tôt ou tard de se heurter au réalisme politique de Barack Obama, élu pour défendre avant tout les intérêts de ses concitoyens, et qui a notamment déclaré dans son discours que ce prix Nobel confirmait le leadership des États-Unis sur le reste du monde.
Si les Européens voulaient faire quelque chose, pourquoi ne pas envoyer de troupes en Afghanistan ? a interrogé Aaron David Miller [1], donnant une idée de la piètre image du comité Nobel outre-Atlantique (pour une partie des Américains au moins).

De son côté, l'Osservatore romano déplore la pensée politiquement correcte à l'origine de la désignation des lauréats du prix Nobel. Rappelons que pour le prix Nobel de la Paix, les cinq membres du comité sont nommés par le parlement norvégien : ceci peut sans doute expliquer que le choix des lauréats soit influencé par des vues politiques ou idéologiques.

 

[Sources : Le Monde ; La Croix ; Radio Vatican ; Le Nouvel Observateur ; L'Osservatore Romano ; www.michelgurfinkiel.com ]

[1] Diplomate américain spécialiste du Proche-Orient

 

 

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