Mohamed Merah, prophète de malheur, a montré la voie

Le tueur est mort, mais la messe n’est pas dite, car le mal est fait. A n’en pas douter, nombre de jeunes paumés de banlieue rêvent déjà de lui, de sa mort les armes à la main, de son « panache » pour sauver le monde du « Satan » occidental. Ils auront demain son poster dans leur chambre, comme ils ont déjà celui de Ben Laden, comme notre génération avait celui du « Che ».

Romantisme révolutionnaire ? Même si le romantisme a toujours marché, contre la plus élémentaire des réalités, surtout parmi la jeunesse, ce n’est pas seulement cela, et c’est bien plus grave.

En effet, Mohamed Merah, prophète de malheur, a montré la voie. Un « chemin de lumière », héroïque, « pur », radical jusqu’à la mort, s’ouvre pour des centaines, des milliers peut-être de suiveurs potentiels. A cela, plusieurs causes : d’abord, ce mélange de déséducation, de déracinement, de solitude et de frustration, que nous avons laissé s’installer depuis les années 60 dans nos banlieues, activé par un pseudo-islam, une sous-culture, propice à toutes les dérives. Un vivier, rempli d’alevins. Ensuite, la présence sur notre sol de petits groupes politiques, salafistes et jihadistes, des activistes très bien organisés, prêts à fournir les détonateurs, idéologiques et opérationnels, à toute cette dynamite (*). Enfin, notre société, sans Histoire, sans idéal et sans repères, sans spiritualité, sans projet éducatif, sans chaleur et sans amour, offre une atmosphère sans oxygène, dans laquelle la jeunesse meurt d’asphyxie, quand elle ne se jette pas dans les paradis artificiels du sexe, de l’alcool ou de la drogue, ou dans la violence aveugle, autant de tentatives de suicide pour dire « je n’en peux plus ». Le paroxysme de cette folie n’est-il pas le traitement de cette crise, 24 heures sur 24, sur toutes les chaînes, pour suivre, minute par minute, le déroulement du « feuilleton », avec, si possible, au bout, la mort en direct ? La presse peut-elle penser que sa mission est déconnectée de la société, que sa façon de traiter l’information n’a pas d’importance ? Et nous, ne sommes-nous pas restés collés au poste tout le temps, jusqu’au dénouement tragique ?  Si l’on voulait offrir une tribune aux « fous de Dieu » de toute sorte, si l’on voulait des « métastases », pouvait-on faire mieux ?

Soyons-en sûrs, les métastases, les fous de Dieu, nous les aurons. A la minute où Merah est mort, d’autres ont déjà formé le projet de le suivre dans la mort « glorieuse », sous les sunlights, avec 60 millions de spectateurs au parterre. Tout est prêt pour le spectacle. Des temps difficiles nous attendent.  

 

(*) Cf « Le nœud gordien des banlieues »