Mini-cerveaux cultivés en laboratoire : un problème de conscience ?

Source [genethique.org] Afin d’étudier le cerveau humain, le Dr Alysson Muotri, neurobiologiste de l’université de Californie, San Diego (UCSD), cultive dans des boîtes de Pétri « des centaines de cerveaux humains miniatures, de la taille de graines de sésame ». 

Des organoïdes développés à partir de cellules souches qui produisent une activité électrique et utilisés connectés « à des robots marcheurs », génétiquement modifiés, ou servant de modèles « pour développer des systèmes d’intelligence artificielle plus proches de l’homme ». Ainsi, grâce au financement de Microsoft, le mathématicien Gabriel Silva de l’UCSD étudie l’activité neuronale générée par ces organoïdes pour « mettre au point un algorithme qui décrit comment le cerveau génère la conscience ». Ou encore, plus récemment, ces mini-cerveaux ont été mis en œuvre pour tester l’efficacité de traitements contre la Covid-19. Mais afin d’étudier l’autisme ou la schizophrénie, « impossibles à étudier en détail sur des modèles souris », les scientifiques « pourraient avoir besoin de créer délibérément une conscience ».

Pas d’unanimité autour de la définition de la conscience

Cependant il n’existe pas de consensus de la communauté scientifique autour de la définition de la conscience (cf. Conscience minimale : de nouveaux résultats pour évaluer l’activité cérébrale, et l’améliorer). Produit « de la densité des réseaux neuronaux connectés dans le cerveau » pour les uns, d’autres l’évaluent nécessairement à partir d’« une entrée sensorielle ou de schémas électriques coordonnés dans plusieurs régions du cerveau ».

Des recherches qui soulèvent une préoccupation éthique

« Nous travaillons avec des modèles animaux qui sont conscients et il n’y a pas de problèmes », estime le Dr Alysson Muotri qui affirme vouloir « aller de l’avant ». Et s’il s’avérait que ces mini-cerveaux développent une conscience ? (cf. Un mini cerveau produit en laboratoire s’active : «Ce n’est qu’un modèle, ça ne mime pas un cortex entier ») « Pour être honnête, je ne vois pas ça comme un gros problème », a déclaré le chercheur à la revue Nature. Un avis que ne partagent pas nombre de scientifiques et éthiciens qui, à l’inverse, jugent que certaines expériences avec des organoïdes ne devraient pas être autorisées. Wesley J. Smith, rédacteur en bioéthique pour la National Review, dénonce l’attitude du Dr Muotri, citant le philosophe Leon Kass qui estimait « superficielles » « les âmes qui ont oublié comment frémir ».

Une absence de réglementation

En vertu de la réglementation actuellement en vigueur en Europe ou Etats-Unis, rien ne peut empêcher un chercheur de « créer une conscience ». Les académies nationales prévoient de se pencher sur le sujet, avec la publication d’un rapport « au début de l’année prochaine », qui fera état des dernières recherches et estimera le besoin de réglementation. Parmi les sujets qui seront examinés : « la nécessité d’obtenir le consentement des personnes pour transformer leurs cellules en organoïdes cérébraux, et la manière d’étudier et d’éliminer les organoïdes sans cruauté ». Par ailleurs, la Société internationale pour la recherche sur les cellules souches travaille sur des directives relatives aux organoïdes, mais la conscience ne fait pas partie des sujets examinés. La société savante pense que « la science n’est pas encore au point ».

Sources : Nature, Sara Reardon (27/10/2011) – BioEdge, Michael Cook (31/10/2020)

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