Mariage, Syrie… Hollande s’en va-t-en guerre

Pour préserver la paix, dans son pays et dans le monde, pour ne pas souffler sur les braises des conflits latents un peu partout, il ne suffit pas d’avoir une allure bonasse et un tempérament paisible, il faut aussi n’être pas médiocre. Et donc pas idéologue. Car la forme moderne de la médiocrité est l’idéologie, le prêt-à-penser de ceux qui n’ont pas d’idées.

De l’idéologie, le Parti socialiste en consomme beaucoup. Oubliée la lutte des classes, est-il d’autre marqueur de la gauche ? Hollande qui a si bien, pendant des années, géré les tensions internes du PS, en est toujours imprégné.

Comment créer la zizanie nationale

 Discorde civile : le projet de « mariage » homosexuel n’est pas seulement une réforme relativement anodine du Code civil ; c’est une révolution anthropologique, une redéfinition du rapport entre les sexes, voire la négation des sexes, un bouleversement du mariage et même l’antichambre de son abolition. Là où certains voient la marque de la Modernité (bonne ou mauvaise, qu’importe, tout ce qui paraît moderne est, selon cette philosophie, normatif), d’autres ont le sentiment d’un basculement collectif vers l’absurde.

Cette revendication, tenue pour évidente par les uns, pour absurde par les autres, mine toutes les sociétés occidentales, au moins celles qui sont encore ouvertes au débat : en premier lieu les États-Unis, en guerre civile depuis vingt ans à ce sujet (et sur d’autres thèmes sociétaux comme l’avortement).

Le conflit n’aurait pas un caractère si grave s’il ne touchait à d’autres ressorts que la morale : les opposants ont le sentiment de défendre aussi la raison contre la déraison. Plus passionnel, encore : en défendant le mariage et la famille, ils montrent leur attachement à un héritage identitaire et culturel fondateur de l’Occident, contre le monde sans repères et sans attaches qu’on leur propose.

En voulant à toute force appliquer son programme, Hollande a déclenché la guerre civile en France. Lui qui avait la mission, transcendant toutes les promesses, quelles qu’elles soient, de préserver d’abord l’unité nationale, crée la zizanie nationale.

Effet d’autant plus accablant qu’il intervient dans une France particulièrement résiliente à la crise économique. Cette crise qui, en d’autres temps, aurait déclenché de graves troubles sociaux, voit un pays uni pour entreprendre les efforts nécessaires en vue de la surmonter (qu’il y arrive est un autre sujet), uni pour payer plus d’impôts (à l’’exception de Gérard Depardieu et de quelques autres), uni pour réduire les dépenses publiques, uni pour supporter la récession à laquelle conduit la politique de rigueur, chez nous et en Europe.

Et voilà que, dans ce pays étonnement tranquille, le président a trouvé un moyen d’allumer un incendie. Dérivatif aux problèmes économiques, utilisé à dessein ? Nous ne le croyons même pas si machiavélique.

Comment alimenter la tension internationale

Parlons à présent de la politique internationale.

Laissons de côté le cas du Mali où notre intervention était assurément légitime dans la mesure où il s’agissait non de lutter contre le terrorisme comme on le dit (pourquoi cette justification idéologique inepte ?), mais tout simplement de défendre un pays ami agressé et la sécurité d’une région où nous avons des intérêts moraux et matériels. Il reste significatif que ce soit Hollande, un socialiste qui prétendait en décembre « en finir avec la Françafrique » qui se lance en janvier dans une guerre de ce genre. Ce n’est pas nouveau : le socialiste Guy Mollet avait envoyé le contingent en Algérie, Mitterrand multiplié les interventions en Afrique (beaucoup plus nombreuses sous sa présidence qu’au temps de De Gaulle) et participé à la première guerre du Golfe, Jospin envoyé des troupes en Afghanistan. Il faut se méfier de soi-disant pacifistes !

Mais si la guerre au Mali est justifiable, qui comprendra qu’au moment où nous combattons les islamistes au Sahel, nous voulions à tout prix les armer en Syrie ?

Ce pays est plongé dans une guerre particulièrement meurtrière. On n’en voit pas l’issue ; le maintien du président Assad au pouvoir se traduirait sans doute par de cruelles représailles, mais la victoire des opposants, dont les plus actifs sont des islamistes radicaux, menace directement des minorités de plusieurs millions de personnes. Si l’on veut rendre la paix à ce pays qui souffre tant, la deuxième solution offre moins de garanties encore que la première.

François Hollande aurait plusieurs raisons de garder sur ce sujet une position modérée.

D’abord se démarquer de son prédécesseur qui, lui aussi, avait donné et donne encore dans la surenchère interventionniste.

Ensuite le respect d’objectivité qui interdit, dans une situation nécessairement complexe, de faire porter l’entière responsabilité des 60 000 victimes, comme l’a fait récemment Fabius, au détriment de la plus élémentaire raison, au seul gouvernement en place. Qui dit guerre civile dit évidemment violence et victimes des deux côtés.

Ensuite ne pas insulter l’avenir qui pourrait voir le maintien du président Assad au pouvoir, pour peu que les États-Unis et la Russie s’entendent sur les conditions. La France et le Royaume-Uni qui partagent notre jusqu’au-boutisme, seraient alors ridicules.

Enfin ne pas s’aliéner la Russie qui demeure un allié naturel de la France, comme avait fini par le comprendre le président Sarkozy pourtant si atlantiste. Au lieu de cela, Hollande a réussi à se mettre à dos ce grand pays qui lui a fait en échange le pied de nez d’accorder un passeport à Depardieu.

Il s’aliène aussi l’Algérie, soutien de la Syrie, qui pourtant vient de nous apporter un appui précieux dans la guerre du Mali.

Par une position modérée, la France aurait pu, en gardant le contact avec toutes les parties, se poser en médiateur, comme c’est sa mission historique.

Au lieu de jouer ce rôle modéré, Hollande n’a cessé, depuis son arrivée au pouvoir, de jeter de l’huile sur le feu de ce pays qui est déjà à lui seul une poudrière. Alors que les États-Unis s’éloignent discrètement de l’idée d’une aide militaire directe aux rebelles et se refusent à reconnaître la coordination de Doha, la France, elle, fait de la surenchère, se préparant à livrer des armes et reconnaissant ce contre-gouvernement fantoche.

Ce faisant, elle porte à l’incandescence un des conflits les plus dangereux de la planète, susceptible même de conduire à une guerre nucléaire, si les Occidentaux ne comprennent pas les avertissements de la Russie et de la Chine.

On a rarement vu tant d’irresponsabilité à la tête de l’État.

Mariage homosexuel, Syrie, dans les deux cas, Hollande, qui devrait être un homme d’apaisement, joue les va-t’en guerre, faisant courir un risque considérable, ici à l’unité nationale, là à la paix mondiale.

Les droits de l’homme dévoyés

Est-il nécessaire de relever qu’une Caroline Fourest, qui, d’un côté, répand la fausse rumeur d’une guerre chimique en Syrie et, de l’autre, recrute de malheureuses femmes ukrainiennes pour perturber les manifestions de défense du mariage homme/femme, se pose en barde (bardesse ?) du nouveau quinquennat ?

Dans les deux cas, une conception dévoyée et aveugle des droits de l’homme répandue malheureusement dans l’ensemble de la presse et une grande partie du Parti socialiste.

Dévoiement : comment mettre un signe d’égalité entre des situations aussi différentes qu’un couple composé d’un homme et d’une femme et une paire du même sexe, par définition stérile sauf artifice ?

Cécité ? Il existe, même en matière sociétale, des drames autrement plus sérieux que ceux des homosexuels prétendument en manque de mariage, par exemple celui de personnes âgées et seules.

Comment un pays ayant une expérience internationale aussi riche que la nôtre pourrait-il déterminer ses choix diplomatiques sur le seul critère des droits de l’homme vus à l’aune d’une propagande internationale simpliste ? Cette propagande ignore les manquements autrement plus graves aux droits fondamentaux de l’Arabie saoudite ou du Qatar et est indifférente au sort que le triomphe des supposés droits de l’homme et de leurs militants barbus ferait courir aux minorités syriennes, pas seulement chrétiennes. Qui ne voit que l’avènement de la démocratie dans les pays musulmans conduit presque inévitablement à l’extension d’un islamisme à mille lieues des idéaux de 1789 que nous prétendons promouvoir ? On le savait avant les pseudo-printemps arabes.

Le plus triste est que ce droit de l’hommisme sommaire, inspiré de préjugés partiaux et non d’une solide connaissance des réalités (préjugés qui conduisent par exemple de manière absurde à tenir la Chine pour plus libérale que la Russie !), est tout ce qui reste de doctrine diplomatique au parti socialiste.

Autre trait commun de ces attitudes : le mépris de l’héritage chrétien, propre à la gauche française mais aggravé dans la nouvelle gauche libérale-libertaire issue de la déchristianisation. C’est évident s’agissant du mariage unisexe. Mais cela l’est aussi en matière de politique internationale : qui sait encore que la légitimité historique de notre présence au Proche Orient s’enracine dans l’engagement multiséculaire de la France à y protéger les minorités chrétiennes, et même toutes les minorités ? Or l’aboutissement de notre politique actuelle dans cette région, quoique menée au nom de grands sentiments, est leur élimination pure et simple.

La cause principale des guerres modernes, ce n’est plus le nationalisme, c’est l’idéologie. Pour comprendre à quel point l’idéologie peut être quelque chose de pervers, il suffit de voir comment elle est capable de transformer un homme aussi quelconque que François Hollande en fauteur de guerre civile et internationale. En nous décrivant le bon professeur Verkhovensky, dont les idées sont à l’origine des pires dérèglements terroristes des « possédés », Dostoïevski nous avait déjà donné un aperçu de ce mystérieux paradoxe.

 

R. H.

 

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