LE FIGARO. – Vous avez été la seule élue de droite à rester ostensiblement assise et à ne pas applaudir le discours de politique générale du Premier ministre dans l'hémicycle de l'Assemblée.

Pourquoi ?

Christine BOUTIN. – Le discours du Premier ministre était certes intéressant, mais il était trop long et ressemblait à un catalogue. Je ne jauge pas l'action à l'applaudimètre, car je ne suis pas un mouton de Panurge. J'attends de voir. Je réserve mon enthousiasme à l'inventaire. [...]

Sur le fond, qu'avez-vous pensé du discours du premier ministre ?

Je note que Jean-Pierre Raffarin a très peu parlé de la famille, il n'a évoqué, presque en sourdine, que la création d'une allocation parentale de libre choix. Ce n'est que l'une des propositions du " pacte de cohésion sociale " que le président Jacques Chirac a signé avec moi au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle. Ce pacte comportait trois autres mesures : le financement de centres d'accueil pour les femmes enceintes en difficulté, la reconnaissance des droits de l'enfant et la lutte contre l'exclusion, qui doit être le fer de lance de la France dans la construction européenne.

Enfin, le premier ministre a terminé son discours par un appel insistant à la confiance. Or, en ce qui me concerne, depuis trois semaines, la confiance que j'avais mise dans le chef de l'État et dans le chef du gouvernement a été bien mise à mal.

Vous étiez candidate à la présidence de la Commission des affaires sociales, puis à un poste de questeur. Comme vous n'avez obtenu ni l'une ni l'autre, vous donnez l'impression de réagir par rapport à vos propres ambitions personnelles...

Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin s'étaient engagés à me donner les moyens de pouvoir animer le courant de la droite sociale, soit au gouvernement, dans une responsabilité significative, soit au Parlement. Aucun moyen ne m'a été donné pour mettre en place le pacte de cohésion sociale que j'ai porté pendant la campagne présidentielle. Personne ne représente les 350.000 électeurs qui ont voté pour moi le 21 avril. Notre courant a été écarté, ou oublié. C'est une erreur politique grave. Je croyais dans l'UMP, je n'ai pas présenté de candidat aux élections législatives pour ne pas accroître la confusion. Or je constate que le courant minoritaire que je représente n'est pas reconnu. J'en fais une affaire personnelle. Car tous les électeurs auxquels j'ai demandé de voter pour Jacques Chirac au second tour se sentent floués.

Souhaitez-vous avoir des responsabilités au sein du groupe des députés UMP ou de la formation de l'UMP ?

J'ai demandé à Alain Juppé d'avoir des responsabilités au sein de l'organisation du parti. J'ai l'impression que ma loyauté n'a pas été reconnue. C'est un début très difficile. Le Forum des républicains sociaux que j'ai créé, et qui est un parti fondateur de l'UMP, va se développer. Nous aurons un congrès constitutif en septembre. C'est un courant de pensée qui va au-delà de mon score à l'élection présidentielle.

Quant au groupe UMP de l'Assemblée, il est manifeste que je n'y ai pas droit de cité. J'ai été l'une des mieux élues au bureau, mais sans aucune délégation. Je suis un député de base, alors que je suis élue depuis 1986. L'avantage, c'est que cela me donne une grande liberté, et j'ai bien l'intention de l'exercer.

© Propos recueillis par Sophie Huet pour Le Figaro (extraits).