Le 15 septembre 2001, Bernard Kouchner se déclarait favorable à la levée de " l'interdiction pénale de l'usage de tous les stupéfiants ". Les pouvoirs publics semblaient avoir renoncé à lutter contre la drogue.

Pourtant, un an après, le jeudi 24 octobre 2002, le garde des sceaux Dominique Perben, lors d'un colloque sur les " réalités du cannabis " organisé à l'Assemblée nationale, soulignait la " dangerosité sociale " du cannabis. Le ministre de la Justice rappelait la nécessité " d'éviter que l'usage du cannabis soit banalisé et vécu par les consommateurs avec un sentiment d'impunité ". Il précisait encore que " le maintien d'une réponse pénale systématique à l'usage de cannabis est indispensable ".

En janvier 2002, le vote de la loi Marilou (du nom d'une jeune fille tuée par un chauffard toxicomane) sur la conduite automobile sous l'emprise de stupéfiants confirma l'avènement d'une nouvelle politique de lutte active contre les drogues.

De même, le remplacement de Nicole Maestracci à la tête de la Mission interministérielle de Lutte contre la drogue et la toxicomanie (nommée par Lionel Jospin et Bernard Kouchner en 1997) représente l'espoir d'un changement de stratégie. En effet, la MILDT a longtemps tenu un discours de tolérance et d'acceptation sociale de la drogue. Jusqu'à présent, elle ne prenait l'avis que des structures associatives ou de professionnels prônant la légalisation des drogues (associations d'autosupport des usagers de drogues). Elle a privilégié une politique de prévention axée uniquement sur la limitation des risques au détriment d'une véritable éducation à l'abstinence, notamment dans les écoles.

Ce retour à la sanction pénale et ce refus de toute permissivité fait renaître un grand espoir. Ainsi, la commission d'enquête sur la "politique de lutte contre les drogues illicites", mise en place en décembre 2002 par le Sénat, rendra bientôt son rapport. Notre ami, le professeur Renaud Trouvé, président du Comité scientifique de Drogue-Danger-Débat, y a été auditionné.

C'est pourquoi le projet de réforme de la loi de 1970 retient toute notre attention. Les propos de Nicolas Sarkozy lors de son intervention au Sénat sont courageux et lucides : " Il n'y a pas de drogue douce ou de drogue dure. Il n'y a pas de petite consommation personnelle. Il n'y a pas d'expérience individuelle. Il n'y a pas des jeunes "libres et branchés". Il n'y a que des drogues interdites et des usagers qui transgressent la loi. Et il y a des drogues interdites parce que -- quoi qu'on ait pu dire parfois -- toutes les drogues sont nocives. " C'est pourquoi le ministre propose de mettre en œuvre une série de sanctions adaptées au simple usage. Il ne s'agirait plus de peines de prison mais d'amendes ou de TIG (travaux d'intérêt général) : une petite sanction bien appliquée vaut mieux qu'une grosse sanction inapplicable. Il s'agit simplement de veiller à ce que l'assouplissement de la loi ne soit pas perçu par le grand public comme le signal d'une permission de se droguer mais comme celui d'une plus grande détermination à agir contre la banalisation du cannabis.

Rétablir l'autorité de l'État

En effet, l'idée de faire participer financièrement tout possesseur de cannabis interpellé pour usage, en l'obligeant par exemple à s'acquitter d'un timbre-amende de 40 euros, comme pour un défaut de ceinture de sécurité, est une bonne idée. Mais cette mesure n'est profitable que si elle répond à un double objectif :

1/ Un objectif éducatif : réaffirmer clairement l'interdit lié à la dangerosité sociale du cannabis et sanctionner les délits en refusant toute permissivité en maintenant l'infraction pénale de l'article L 3424-4 du Code de la Santé qui réprime l'incitation à la consommation de cannabis.

2/ Un objectif budgétaire : donner à l'État les moyens de financer plus efficacement la prévention ainsi que les dépenses de santé liées à la toxicomanie.

Engager une vraie prévention pour réduire la demande et non pour réduire les risques. Pour réduire la demande de drogues, il faut d'abord une prévention qui décourage les jeunes d'entrer dans la drogue et plus seulement qui leur conseille de gérer leur consommation de drogues en réduisant les risques ! La politique de réduction des risques est inadaptée à l'école, elle a pour effet d'inciter à l'expérimentation des conduites à risques plutôt qu'à en dissuader. S'il vaut encore mieux utiliser une seringue propre ou un préservatif plutôt que de se transmettre la maladie et la mort, ce n'est pas avec des évidences de la sorte qu'on apprend au jeune à dire non à la drogue ni qu'on l'éduque à la maîtrise de soi.

La partie n'est pas gagnée

Pour autant, l'effet du cannabis chez les jeunes reste un sujet polémique. Trop de contre-vérités, véhiculées par les médias, subsistent. Trop d'utilisateurs ignorent encore le mécanisme d'intoxication du cannabis : lenteur d'élimination (un mois) et bio-accumulation, risques de cancers accrus (bien supérieur à la cigarette) et de dépendance très rapide. Le rapport de l'Académie de médecine du 19 février 2002, " Drogues illicites d'aujourd'hui et santé ", dénonce " l'information tronquée ou partiale " faite jusqu'à maintenant au sujet du cannabis.

Pourtant les travaux scientifiques mettant en évidence un risque exacerbé de développer schizophrénie et dépression chez les adolescents les plus vulnérables existent et sont de plus en plus nombreux. Cette information doit être plus largement diffusée.

Damien Meerman est directeur du site www.drogue-danger-debat.org

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