Lettre d'un agrégé d'histoire.

Madame Vallaud Belkacem, 

Ministre de l’Education nationale 

22 septembre 2016  
 
 
Vous avez voulu répondre à l’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy: «La ministre de l'Éducation que je suis connaît PARFAITEMENT les premières phrases de ce livre, Tour de France par deux enfants, d'Ernest Lavisse, sous la IIIe République : « Autrefois, notre pays s'appelait la Gaule et les habitants les Gaulois. ». 
 
Pas de bol, comme dirait votre chef de l’Elysée, car, ce faisant,  vous commettez une série d’erreurs historiques : 

 

1) La phrase en question n’est nullement la première phrase du Tour de France par deux enfants, livre qui n’est pas de Lavisse, mais de G. Bruno, pseudonyme d’Augustine Fouillée. Ce manuel de lecture commence par une évocation de la guerre de 1870 : « Par un épais brouillard du mois de septembre, deux enfants, deux frères, sortaient de la ville de Phalsbourg en Lorraine […] par la porte de France. »  Ce manuel scolaire ayant été tiré à 8,5 millions. d’exemplaires, je m’étonne que « la ministre de l’Education que [vous êtes] » l’ignore.
 
2) Ce manuel n’était pas seulement en usage «sous la III° république» mais aussi sous la IV° , bien marquée à gauche, et durant les débuts de la V° République.   
 
3) Lavisse, dans ses manuels de Cours moyen et Cours moyen et Certificat d’Etudes, Armand Colin, rééd 1929 et 1934, ne dit rien de cela; il parle du pays et non du peuple : « Il y a deux mille ans la France s’appelait la Gaule. La Gaule était habitée par une centaine de petits peuples», ce qui est historiquement exact ; il ne s’agit pas d’un « roman historique » que vous et vos semblables, notamment les socialistes historiens,  stigmatisez . Si vous aviez quelque connaissance du latin, que vous détestez tant, vous sauriez que Jules César écrivit les «Commentarii de Bello Gallico». 
 
Vous ajoutez ensuite : « Oui, il y a parmi nos ancêtres des Gaulois, mais aussi des Normands, des Celtes, des Burgondes… Les Niçois nous ont rejoints, les Corses, les Franc-Comtois, la Guadeloupe, la Martinique et puis après aussi des Arabes, des Italiens, des Espagnols…C’est ça la France. »
 
Vous commettez à nouveau plusieurs fautes historiques dans ce bric à brac : 
 
1) Erreur qu’un élève de sixième (d’avant votre réforme du collège) n’aurait pas commise: les Celtes sont les Gaulois , habitant la Gaule centrale , la Gaule celtique, « qui ipsorum lingua Celtae » nous dit César livre I, 1 ,  entre Gaule Belgique et Gaule Aquitaine. Mais comme vous méprisez le latin…   2) Vous mélangez allègrement peuples et territoires et, apparemment, la chronologie des invasions n’est pas votre tasse de thé, même au harem (d’Archimède).
 3) Vous considérez comme autres ancêtres des Français , des peuples qui étaient éminemment Gaulois comme les «Franc-comtois», en réalité le peuple gaulois des Séquanes qui vivaient,  après le traité de Verdun de 843, dans la Lotharingie de Lothaire et non dans la Francia occidentalis de Charles le Chauve. Mais à Sciences po, je doute qu’on enseigne le traité de Verdun et la naissance de la Lotharingie. 
 
4) Il serait bon et même nécessaire de rappeler que ces invasions ne concernaient que quelques dizaines de milliers d’hommes, voire quelques milliers pour ce qui est des Normands,  alors que  la Gaule gallo-romaine était peuplée de 10 millions de Gaulois, soit , 1/6 de l’empire romain, alors que la France compte 10 millions d’habitants vers le XII° s. , 20 millions sous Louis XIV et près de 30 millions au début de la Révolution. D’un point de vue génétique les apports des peuples germaniques, des Normands et des pillards Sarrazins et Maures au Moyen Age et Barbaresques, du XV° s. à juillet 1830 – que vous devez bien connaître – et autres « migrants » et envahisseurs ont été démographiquement  infimes, au total et sur 15 siècles, de l’ordre de 4 ou 5  % . Les historiens sérieux , au premier rang desquels Fernand Braudel dans L’identité de la France, livre dont le titre seul doit provoquer chez vous un haut-le-cœur, et Pierre Chaunu, soulignent que, jusqu’au XIX° s.,  la population de la France était  à plus de 90 %  héritière des gènes des gallo-romains. La France terre d’immigration est une légende (une sorte de « roman historique de gauche et anti-français»)  colportée dans la bobosphère des journaleux/show-bizeux/cultureux parisianistes, faux historiens mais vrais pseudo – intellectuels – sans le « z’ » .
 
5) Dans votre énumération vous oubliez – mais je doute que ce soit un hasard – les Arméniens, survivants du génocide perpétré par vos grands amis musulmans, les Turcs.  Par ailleurs, aveuglé par votre idéologie multiculturaliste, vous faites un contre sens sur ce qu’a dit notre ancien Président de la République : il ne dit pas que seuls les Français nés Gaulois, sont Français , il dit exactement  le contraire : on ne nait pas Français / Gaulois , on le devient ; il parle comme de Beauvoir ! Cela devrait plaire aux féministes hystérisées de votre entourage …     Puisque vous prétendez « connaître parfaitement » le Lavisse, vous devriez, et vous auriez dû, Madame le Ministre vous inspirer du frontispice où Ernest Lavisse s’adresse à l’Enfant (et non l’«apprenant » cher aux ayatollahs de l’Education qui grouillent et scribouillent dans votre ministère) : « Dans ce livre tu apprendras l’histoire de la France . Tu dois aimer la France parce que la nature l’a faite belle, et parce que son histoire l’a faite grande ». Cela aurait évité la destruction de son histoire et de l’Histoire en général ainsi que la francophobie qui règne dans les programmes et manuels d’histoire de la réforme du collège de 2016.  
 
Veuillez croire, Madame le ministre à l’expression de ma considération. 
 
Jean –Michel Lambin, Agrégé d’histoire, ancien professeur en Hypokhagne et Khagne