« Les élites occidentales sont russophobes »

Source [Causeur] Russie-Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. C’est le titre d’un ouvrage marquant sorti en 2015 par le politicien suisse Guy Mettan. Il y a quelques mois, l’ancien directeur et rédacteur en chef de la Tribune de Genève a renchéri avec Le Continent perdu, un livre portant sur une Union européenne jugée dysfonctionnelle et anti-démocratique. Rencontre avec l’ancien député démocrate-chrétien.

Quelques jours après le résultat des élections européennes, Guy Mettan nous reçoit dans son bureau, à Genève. Dans six mois, il quittera la présidence du Club suisse de la presse, fondé entre autres pour favoriser les échanges entre journalistes suisses et internationaux. Il y a quelque chose de délicieusement paradoxal chez cet homme ancré dans les institutions mais cultivant un esprit critique. A la fois libre et dans la course, Guy Mettan – qui briguera d’ailleurs peut-être un mandat au Conseil national sous une étiquette indépendante en automne prochain – veut assurément changer le système de l’intérieur.

Jonas Follonier : Vous avez publié en 2015 Russie – Occident, une guerre de mille ans. La russophobie de Charlemagne à la crise ukrainienne. La nuance et même la sympathie à l’égard de la Russie sont aujourd’hui considérées par la plupart des grands médias comme des élucubrations de l’extrême droite. Ce livre, était-ce une manière de démonter cette idée reçue ?

Guy Mettan : J’ai souhaité retracer l’histoire de la russophobie des Etats-Unis et de l’Europe sur le long terme. Je suis donc parti de Charlemagne avec la première tentative de schisme religieux entre ce que deviendront plus tard le monde catholique et le monde orthodoxe à partir du XIe siècle. Si Charlemagne, que l’on a retenu seulement comme empereur, en a été le premier instigateur, c’est le Saint-Empire romain germanique qui réussira à opérer ce changement dans le dogme de la Trinité dès 962. Je considère la séparation des Eglises d’Orient et d’Occident comme le commencement de la russophobie que je décris. Selon moi, il y a un poids historique qui a pesé jusque dans les rédactions et les partis politiques actuels. La russophobie en Occident est un phénomène constant, mais elle ne s’est pas toujours appuyée sur les mêmes forces sociales et politiques. Cela dépend des circonstances historiques. Au temps du communisme, c’était la droite qui était très antirusse, et notez que la Russie de Catherine II était aussi très appréciée par la « gauche » de l’époque.

Qu’en est-il alors aujourd’hui ?

Ce qui est à mettre au crédit de Vladimir Poutine, c’est le redressement économique et politique de son pays. Il s’agissait d’une nation plongée dans le chaos, qui avait perdu 40% de son PIB. C’est énorme ! C’est d’ailleurs pour ces raisons que Poutine garde encore aujourd’hui un soutien populaire non négligeable, inexplicable pour l’opinion publique et les dirigeants européens. Evidemment, ayant redonné à la Russie une partie du poids qu’elle avait avant, ce chef d’Etat a été perçu par l’intelligentsia occidentale comme un nationaliste, alors même que l’Occident n’a jamais voulu reconnaître qu’en avançant ses pions de l’Otan sous le nez des Russes, contre l’engagement pris avec Gorbatchev, cet activisme provoque des réactions russes : de crainte et aussi de défense. Tout cela n’est jamais mentionné ! Ainsi, avec le développement du « populisme » en Occident, causé par les manquements d’une Union européenne asservie à la politique néolibérale, Poutine jouit d’une certaine notoriété dans les milieux dits « nationalistes » ou « souverainistes ». Certains parlent même d’extrême droite, mais tout cela est relativement subjectif. Demain, l’Occident sera probablement toujours russophobe, et sans doute pour d’autres raisons qu’aujourd’hui.

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