Les droits de l'homme menacés par l'ONU ? L'endoctrinement idéologique à grande échelle : c'est pour Mgr Schooyans [1] (dans une interview à l'agence Zenit) le danger que nous font courir les dérives des Nations-unies en matière de droits de l'homme.

Alors que la Déclaration de 1948 énonce des droits naturels reconnus comme une vérité à laquelle tout le monde adhère, une vérité fulgurante qui s'impose , les modifications demandées par divers groupes de pression risquent, en dénaturant cette déclaration, de transformer l'ONU en une puissance internationale tyrannique.

La théorie positive du droit inspirée par Hans Kelsen (1881-1973) serait à l'origine de ces dérives :

Sous l'influence de Kelsen s'est propagée une nouvelle conception du droit, et donc des droits de l'homme. Tout ce qu'on a pu expliquer concernant les droits innés de l'homme qui, parce qu'il est homme, a des droits inhérents à sa nature, est contesté. [...] Seules subsistent les normes juridiques, seul subsiste le droit positif, à l'exclusion de toute référence aux droits qui sont inhérents à la nature de l'homme. Dans ce contexte, seules les décisions juridiques méritent étude et respect. [...] La vision purement positiviste des droits de l'homme dépend pour finir du libre-arbitre de celui qui peut faire prévaloir sa propre conception des droits de l'homme, puisqu'il n'existe plus aucune référence à la vérité, à la réalité de l'homme. [...] La loi qui autorise l'avortement, qui autorise l'euthanasie [...] est une loi qui permet le triomphe du plus fort : puisque telle est ma volonté, nous décidons qui a le droit à l'existence et qui ne l'a pas.  L'ONU, dépositaire de la déclaration des droits de l'Homme et garante de son application dans les États, se trouve au sommet de la pyramide du pouvoir, et l'influence de ce positivisme juridique y représente donc un danger particulièrement important : Prenons un exemple: au moment même où nous parlons, il y a un débat au siège des Nations unies sur l'introduction ou non de l'avortement en tant que ‘'nouveau droit de l'homme''. Ce serait une nouvelle version de la Déclaration de 1948. Une modification catastrophique, car elle introduirait subrepticement un principe purement positif dans une déclaration qui est anthropologique et morale. Là se placerait également le droit à l'euthanasie. Il ne resterait plus à chaque nation qu'à ratifier ces nouveaux droits humains émanant de l'instance suprême. Ce qui signifie que, comme la référence aux droits naturels de l'homme aura été désactivée, cette nouvelle Déclaration se transformerait en un document juridique purement positif, qui serait appliqué par toutes les nations adhérant au nouveau texte de la Déclaration ou à tout autre document similaire.  Et l'émergence d'un droit international tyrannique parce que purement positiviste ouvre la porte à des conséquences véritablement effrayantes : La Cour pénale internationale, qui a été instituée il y a quelques années, va avoir comme domaine de compétence de juger les nations ou organismes qui refuseraient de reconnaître ces "nouveaux droits" inventés ou à inventer. L'Eglise catholique est l'une des cibles possibles de cette Cour internationale. Il s'en est déjà trouvé il y a quelques années pour dire que le pape Jean-Paul II pourrait être sommé de comparaître devant le Tribunal international pour s'être opposé à un "nouveau droit", ou un "droit" de la femme à l'avortement. Une même menace plane sur Benoît XVI. C'est l'endoctrinement idéologique à grande échelle, au point que celui qui ne souscrirait pas à cette idéologie serait pénalisé par une Cour internationale.  Pour Mgr Schooyans, ces dérives sont le fruit de l'altération de notre capacité de raisonnement, et menacent également notre foi : La raison d'un individu ou d'un peuple peut être déconnectée. C'est alors que vous pouvez lui bourrer le crâne avec des idées complètement loufoques et folles. C'est le cas de l'avortement et de l'euthanasie. [...] La raison humaine est capable de génie, mais c'est aussi une faculté délicate, vulnérable, fragile, une faculté qui peut être démobilisée, hibernée. La pire forme d'esclavage est l'esclavage mental, l'esclavage de la raison, qui comporte un "bonus" : le naufrage de la foi, car il n'y a pas d'acte de foi qui ne soit fondé sur la raison. Alors si vous entrez dans cette confusion mentale de déclarer que l'avortement est un droit, l'euthanasie est un droit, vous entrez dans un processus qui finit par corrompre non seulement votre raison, mais aussi votre foi.  

Ces propos nous montrent que le refus de l'Église catholique de céder au relativisme est la preuve même de son attachement à la dignité de la personne humaine. Déjà en décembre dernier, à l'occasion du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la proposition de Rama Yade de dépénaliser l'homosexualité avait été l'occasion pour le Vatican d'exprimer sa position sur ce sujet (cf. Décryptage).

Le Père Lombardi, porte-parole du Saint-Siège, avait notamment rappelé que le refus d'un grand nombre de pays de mettre sur un même plan toute orientation sexuelle n'est pas contraire au respect des droits de l'homme . Une vérité qui dérange.

 

 

[1] Monseigneur Schooyans, spécialiste de philosophie politique et de démographie, est membre de l'Académie pontificale pour la vie, de l'Académie pontificale des sciences sociales et professeur émérite à l'université catholique de Louvain (Belgique).

 

 

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