"Les droits de Dieu restent au dessus du droit des hommes"

Réflexions de Mgr Camiade, évêque de Cahors, à la suite de l'annonce du report des cérémonies religieuses au mois de juin, au mépris de toutes les règles tolérées dans les autres secteurs. 

Depuis près d’un mois et demi, nous sommes privés de la célébration publique du culte dans nos églises, essentielle pourtant pour la vie sacramentelle des baptisés.

Mardi 28 avril, notre premier ministre a présenté à l’assemblée nationale les conditions de la reprise prochaine mais lente des activités sociales, commerciales et professionnelle. Parmi de nombreuses et complexes explications, il a glissé devant nos députés, dont aucun n’a semblé s’en émouvoir, que les célébrations cultuelles ne pourraient pas reprendre avant le 2 juin. Cette annonce pose aux pasteurs de l’Église catholique, de véritables questions, en particulier sur la possibilité pour nous de rester centrés sur le but de notre mission : le Salut des âmes. Nous sommes invités à lire la ferme réaction des évêques à ce sujet.

Beaucoup de prêtres et de fidèles, s’interrogent sur la légitimité des mesures sanitaires imposées à l’Église, sur la soumission de tous les évêques et des fidèles aux autorités.

Nous le savons, la crise actuelle a ceci d’absolument inédit qu’en s’exposant soi-même à la contamination, on met aussitôt les autres en danger et que l’on court le risque grave de participer à la saturation des moyens hospitaliers. La seule décision individuelle de s’exposer ou non au virus n’est donc pas une question de peur pour sa propre vie, mais de mise en danger de la vie d’autrui. C’est une sérieuse responsabilité. Cela nous rappelle que nous sommes des êtres sociaux et non des individus isolés. Il nous est impossible, il serait irresponsable dès lors, de ne pas tenir compte des recommandations, des exigences, émanant des autorités sanitaires et politiques.

Toutefois, la question de notre rapport aux autorités civiles est un vraie question doctrinale de foi, qui revêt désormais, en ce temps de déconfinement, une acuité accrue.

Déjà, j’avais été troublé d’apprendre, samedi 14 mars au soir, par l’appel téléphonique d’un prêtre, lui-même averti par des paroissiens, que le premier ministre venait d’annoncer que les églises seraient fermées le lendemain. Une décision unilatérale de l’État, en dehors d’un contexte aussi sérieux et aussi spécifique, serait totalement illégale au regard du droit français qui reconnaît la liberté de culte. J’ai été rassuré que le préfet m’appelle le lendemain pour en parler et savoir quel était mon état d’esprit et ce que j’avais décidé pour le diocèse. Bien sûr, j’avais suivi la consigne et demandé aux prêtres de ne pas ouvrir les églises, car les motifs d’urgence étaient clairs et je savais que le pape lui-même avait fait pour le Vatican un tel choix sanitaire douloureux. Le gouvernement français, dans le système de séparation des églises et de l’État, même en cas de crise sanitaire ne saurait légiférer sur le culte, mais éventuellement sur la liberté des personnes à se déplacer. Il est ainsi très regrettable que dans les formulaires d’attestation dérogatoire de déplacement, les besoins spirituels, métaphysique en général, n’aient pas été mentionnés parmi les motifs de déplacement indispensables, tandis que, par ailleurs, il a été reconnu dans les textes que les églises pouvaient rester ouvertes et que chacun pouvait se rendre dans son lieu de culte pour y prier individuellement.

De même, comme l’a fait remarquer Mgr de Moulins-Beaufort, il est à déplorer que «  le « plan blanc », activé lorsque nos hôpitaux sont mobilisés par une catastrophe, prévoie que les aumôniers, comme tout le personnel non nécessaire, n’y aient plus accès. Au moment où davantage de personnes risquent de mourir, on ne se préoccupe plus que des soins physiques ou psychiques, comme si, brusquement, l’être humain était réduit au corps et au cerveau, alors qu’il doit affronter la mort. »

Il est nécessaire de rappeler avec fermeté que l’autorité de l’Église, en son âme et conscience, est entière et non discutable, dans sa manière d’organiser le culte à l’intérieur des églises. Celles-ci lui sont affectées de manière exclusive, gratuite et définitive, selon la Loi de 1905. En faisant entrer les célébrations cultuelles dans le cadre des rassemblements, tous interdits, une sorte d’amalgame transparaît. De fait, en matière sanitaire, il semble y avoir peu de différence entre aller au cinéma ou dans une église pour une assemblée liturgique. Or l’enjeu ou la nécessité vitale entre ces deux démarches ne peut être comparée.

Lorsque, pour des raisons sanitaires, l’État impose des règles à toute la société, l’Église s’y soumet librement parce qu’elle reconnaît l’autorité civile en tant qu’elle est responsable du Bien commun et de la sécurité des personnes.

Comme l’a si bien enseigné le saint pape Jean-Paul II, qui avait connu deux totalitarismes, il est nécessaire de développer des sphères d’autonomie entre le politique et le religieux. Cette autonomie est réciproque et nécessite un entier respect de part et d’autre des droits et des devoirs de chacun : l’État et l’Église.

Obéir aux règles sanitaires imposées à tous par l’État, n’est pas un renoncement aux droits de Dieu, lesquels restent au dessus du droit des hommes (cf. Ac 5,29). Mais cela exprime notre volonté, comme catholiques, de participer au Bien commun de toute la société. Nous pouvons adhérer sans réserve à toutes les règles sanitaires édictées pour aménager notre manière de célébrer le culte de Dieu pour le Salut des âmes, mais nous ne pouvons accepter que l’État, sans explication, nous impose l’interdiction du culte, s’il autorise en même temps toutes sortes d’autres activités, parfois plus problématiques en termes de contagion. Il y a là, à tout le moins, un manque de considération. Or, dans l’absolu, nous n’avons aucune demande à formuler auprès d’un gouvernement laïc pour exercer le culte.

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