Les « Républicains » : un parti divisé sur l’essentiel

Les “Républicains” auront beaucoup d’efforts à faire pour se rassembler. Quand les formations politiques françaises parviennent globalement à s’unir sur une même base idéologique, le parti de Nicolas Sarkozy est divisé sur les principaux points de clivage économiques, anthropologiques et diplomatiques.

LA REFONDATION de l'UMP, devenue « Les Républicains », le 30 mai dernier Porte de la Villette a été une fête réussie. Les quelques sifflets malencontreux qui ont accueilli François Fillon et Alain Juppé n'ont pas vraiment entaché une opération qui s'est faite dans une atmosphère sobre et consensuelle.

Cinquante intervenants allant chacun de son couplet sur les valeurs républicaines, cela ne permet pas forcément de maintenir l'attention du public, mais évite au moins de faire des jaloux, de diviser inutilement le groupe dirigeant du mouvement sur des questions de susceptibilité.

Dans son discours de conclusion, Nicolas Sarkozy a tenté de montrer que lui et son parti étaient, plus que les socialistes, les vrais républicains. Pour justifier le label « Les Républicains », il a rappelé comment la gauche avait détruit l'école et fait preuve d'une complaisance coupable à l'égard du communautarisme. L'argument n'est pas sans portée.

Il reste que l'invocation répétitive des valeurs de la République et les appels au rassemblement par les orateurs ont occulté les sujets essentiels qui sont précisément ceux sur lesquels le nouveau mouvement est, plus que toute autre force politique, divisé.

Trois clivages essentiels

Trois lignes de faille traversent aujourd'hui la politique française : 1/ Est-on pour ou contre l'euro ? 2/ Est-on pour ou contre le « mariage » homosexuel ? 3/ Est-on du côté des Américains ou du côté des Russes ?

Sur ces trois sujets, aucun compromis n'est possible : il faut être d'un côté ou de l'autre. Même ceux qui préconisent une monnaie commune au lieu de la monnaie unique se prononcent, de fait, pour la fin de l'euro. Ceux qui veulent substituer une « union civile » au « mariage » prévu par la loi Taubira proposent un « retour en arrière » qui n'est nullement perçu comme un compromis par les partisans de celui-ci.

Nous ne considérons en revanche pas que la question du plus ou moins grand degré de liberté économique divise en profondeur la société française. Entre les libéraux et les étatistes, le curseur peut se déplacer vers toutes sortes de compromis.

Pas davantage, quoi qu'on en pense, l'immigration : dès lors que personne ne veut rejeter les immigrés à la mer, ni ouvrir toutes grandes les portes, là aussi, bien des positions intermédiaires sont envisageables.

Entre le FN et le PS

Sur les trois sujets les plus clivants, il est clair que le Front national, anti-euro, pro-russe et hostile aux bouleversements sociétaux (même s'il ne s'est pas engagé à remettre en cause la loi Taubira) est clairement d'un côté.

Il est tout aussi clair que le Parti socialiste, pro-euro, pro-OTAN et libertaire est clairement de l'autre. En dehors de Chevènement, la gauche de la gauche elle-même a transigé sur l'euro et ne se reconnaît guère dans Poutine.

En définitive les Républicains, pour les appeler de leur nouveau nom, ont seuls le redoutable privilège de voir la césure passer au milieu d'eux et cela sur les trois sujets.

Officiellement favorables à l'euro, ils laissent subsister une aile hostile, autour de Jacques Myard — lequel, de manière significative a été écarté du nouveau Conseil national.

L'opportunité de réviser (réécrire dit Sarkozy) ou non la loi Taubira fait débat. Juppé, Le Maire, Nathalie Kosciuszko-Morizet y sont clairement hostiles. Les autres, hostiles aussi, cultivent une subtile ambiguïté.

Sur la nouvelle polarité Est-Ouest, seul François Fillon, quoique discret, est soupçonné de pencher vers la Russie. Il a, seul des candidats mais avec tout le groupe parlementaire, approuvé la récente visite au Kremlin de cinq députés français, visite condamnée par Hollande, Fabius, Juppé et tournée en dérision par Nicolas Sarkozy. Plus clairement, Valéry Giscard d'Estaing s'est récemment démarqué de l'OTAN. Il n'est cependant pas, du moins que l'on sache, candidat.

Les dirigeants contre la base

Mais le vrai clivage sur ces sujets, n'est est pas tant entre les dirigeants des Républicains qu'entre la tête et la base militante, beaucoup plus réservée sur l'euro, hostile à la loi Taubira contre laquelle elle s'est mobilisée et, quoi qu'on pense, plutôt favorable à Poutine.

Cette division peut se résoudre de plusieurs manières.

Les Républicains peuvent continuer comme aujourd'hui où la tête impose les positions les plus « politiquement correctes ». C'est ce que pensent Alain Juppé mais aussi, quoique moins nettement, les autres candidats. Il leur sera dans ce cas difficile de se distinguer du PS et d'arrêter l'hémorragie des électeurs vers le Front national. Il ne leur reste, pour se distinguer, qu'à s'affirmer un peu plus libéraux sur la plan économique. Air connu mais qui pense sérieusement que la droite ferait beaucoup mieux que la gauche sur ce chapitre ? Même chose sur l'école ou sur l'immigration.

L'autre option serait la division, voire la scission. La sanction serait l'élimination dès le premier tour. On n'en est pas encore là, d'autant que l'aile « populaire » n'a pas vraiment de chef.

La troisième solution est de transformer la faiblesse en force, la division en synthèse.

C'est, on l'a dit, quant au fond difficile. Mais c'est celui des candidats qui saura le mieux gérer la contradiction et garder une position d'équilibre qui emportera la palme de l'investiture pour 2017.

 

Roland Hureaux

 

 

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