Malgré l'euphorie qui a suivi la victoire de Nicolas Sarkozy et le premier tour, le verdict des législatives au soir du second tour est clair : la droite reste majoritaire mais recule de 45 sièges (de 388 à 343).

C'est assez logique : l'électorat a toujours plus ou moins sanctionné les sortants. Ce qui était imprévu, c'était que, à la présidentielle, le candidat de cette majorité coiffe sur le fil celui de la gauche ; en élisant le chef de l'État, on ne juge pas le bilan des sortants, on tranche entre deux personnalités : Nicolas Sarkozy a été tenu in fine pour le plus crédible, ce qui n'était pas difficile face à l'invraisemblable candidate investie par le Parti socialiste. Le principal atout de Nicolas Sarkozy aura été Ségolène Royal.

Les symboles les plus voyants de cette ancienne majorité (Alain Juppé, François d'Aubert, même s'ils n'étaient plus au gouvernement, Renaud Donnedieu de Vabres, Philippe Bas) ont été éliminés. Philippe Douste-Blazy et Dominique de Villepin n'avaient même pas tenté de se présenter.

Un vrai choix au-delà des étiquettes

Il est cependant réconfortant pour la démocratie qu'à cette élection n'aient pas compté les seuls symboles et les seules étiquettes. Le résultat final étant acquis dès le premier tour, les électeurs ont pu au second faire le tri entre les personnalités. Il est ainsi fréquent que des personnalités de gauche bien implantées (Michel Delebarre à Dunkerque, Jean-Louis Dumont à Verdun, Jean-Pierre Balligand dans l'Aisne) soient élues là où Nicolas Sarkozy était majoritaire, et parfois l'inverse : ainsi Marc Le Fur (UMP) élu dans les Côtes d'Armor qui a voté Ségolène Royal.

Dans l'Indre, Nicolas Forissier (UMP) est réélu dans le Boischaut où Ségolène Royal était majoritaire et Jean-Paul Chanteguet (PS) l'est dans la Brenne où Nicolas Sarkozy l'avait emporté.

Dans le Lot-et-Garonne, un seul des trois députés est socialiste : Jérôme Cahuzac, personnalité brillante du PS, et il est élu à Villeneuve-sur-Lot, dans la circonscription la plus à droite. L'ancien préfet UMP Michel Diefenbaker est élu au contraire par la circonscription la plus à gauche, celle de Marmande.

Ont été particulièrement sanctionnés certains maires condamnés par la justice : Alain Carignon (UMP) est battu par 63% contre 47% dans une circonscription ou Sarkozy était majoritaire. Jacques Mellick (PS) de même dans le Pas-de-Calais. Mais pas tous. Les électeurs ont cependant épargné les victimes de condamnations ou de lynchages médiatiques injustifiés : Christian Vanneste, condamné pour "homophobie" dans les conditions que l'on sait, et que l'UMP n'avait pas même osé investir, est brillamment réélu dans le Nord avec 58,5 % des voix, de même Didier Julia réélu à Fontainebleau avec 57,8 %.

Les députés engagés dans la défense des valeurs, tels Christine Boutin, Jean-Marc Nesme, Jean-Paul Garreau, ne semblent pas en avoir souffert, au contraire.

Quelques dissidents ou indépendants ont réussi à se faire élire : Maxime Gremetz, exclu du PC à Amiens, Guenaël Huet à Avranches, Eric Straumann à Colmar. On peut leur rattacher les rares rescapés du Modem : Thierry Benoît à Fougères, Jean Lassalle et François Bayrou lui-même dans les Pyrénées-Atlantiques.

À Paris, le facteur personnel s'estompe : le résultat du candidat UMP est chaque fois proche de celui du président. Toutefois Arno Klarsfeld, parachuté un peu trop ostensiblement dans le XIIe, fait sensiblement moins bien.

Abdel Sadi à Bobigny, Sami Naïr à Melun, Salilha Ayadi à Troyes sont très en dessous du potentiel de leur mouvance : l'intégration est plus facile au sommet qu'à la base. En tous les cas, le scrutin de circonscription ne la favorise pas. Le fait d'être homme ou femme semble en revanche devenu aujourd'hui indifférent.

Les rares candidats de la mouvance républicaine de gauche, Jean-Pierre Chevènement, Georges Sarre (à qui fut imposé un parachutage difficile dans sa Creuse natale), Emile Zuccarelli (qui pâtit aussi de la vindicte des indépendantistes corses contre ses positions courageuses) ont été battus, mais moins que leurs idées, c'est leur usure personnelle qui semble en cause. La preuve : Nicolas Dupont-Aignan , dont les idées ne sont pas très différentes a été réélu brillamment dès le premier tour dans l'Essonne. Un de ses proches, François-Xavier Villain, a passé lui aussi, facilement la barre dans le Nord.

Une nouvelle carte électorale

Au fil des élections se dessine une nouvelle carte électorale de la France en partie paradoxale : Marseille est en passe d'être la grande ville de droite, tandis que Lyon (où le Pr Dubernard a été battu) connaît un résultat mitigé, Paris et Bordeaux glissent à gauche et Toulouse va même jusqu'à lui apporter tous les sièges.

Les terres de résistance au sarkozysme émergent nettement : le grand Sud-Ouest d'abord. On s'interroge sur les réticences de cette région au nouveau cours des choses. Le vieux fond de gauche est une explication facile que contredisent les cas du Vaucluse ou du Gard, vieilles terres de gauches elles aussi, mais nettement passées à droite. Voyons-y plutôt un pays de notables où on aime un certains sens de la mesure, y compris dans les réformes, où on déteste l'agitation – souvent frustré en outre par la médiocrité des candidats de l'UMP. Dans le même camp se retrouvent une partie de la Bretagne, de l'Auvergne, du Nord-Pas-de-Calais, la Seine Saint-Denis et l'Est parisien. S'enracinent à droite au contraire, outre l'Ouest et le Sud parisien, le grand Est et les plaines du bassin parisien, le Sud-Est. L'outre-mer demeure partagée même si la nette victoire de l'UMP en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française dément les pronostics de ceux qui croient l'indépendance de ces pays inéluctable.

Vingt centristes ralliés à Sarkozy au sein du PSLE ont survécu à l'exception de Bernard Bosson, comme si les électeurs n'avaient pas tous apprécié que les proches de François Bayrou le lâchent. Qu'importe ! Le nouveau groupe n'aura pas l'indépendance de l'ancienne UDF : moins nombreuse, la majorité sera plus compacte. Malgré le recul global de la droite, Nicolas Sarkozy a eu sa chambre introuvable .

*Essayiste, auteur de L'Antipolitique, Privat 2007.

■ Voir aussi : Le point sur les circonscriptions sensibles

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