Le revenu universel, un dangereux mythe

Dans une homélie sur le travail et son salaire à l’occasion de la messe (diffusée par internet) pour la fête de saint Joseph, en ce 1er Mai, Dom Louis-Marie, Père Abbé de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux, a évoqué la proposition d’offrir un « revenu universel » qui se fait actuellement plus insistance à la faveur de la crise du coronavirus. Qui mieux qu’un Bénédictin, dont la règle de vie établit l’équilibre entre la prière, le travail et le repos, pouvait dire tout ce qu’une telle proposition a d’antinaturel… et donc de contraire à une organisation de la société conforme à la volonté divine !

Il a qualifié le recours au revenu universel d’« apocalypse humaine et sociale » – des mots à méditer.
Tout récemment, un rapport de l’ONU à l’occasion du confinement pour COVID-19 et de la crise qui s’ensuivra, réclamait précisément un « revenu universel de base » pour tous, et pas seulement pour ceux qui seront touchés par ladite crise.
Avec l’aimable autorisation du Père Abbé, Jeanne Smits propose ici la retranscription de ce sermon, texte essentiel en vérité parce qu’il dénonce en quelques mots et avec hauteur de vue un projet apparemment généreux, qui est en réalité un poison.

Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.
Mes chers pères, mes chers frères, chers fidèles.
Récemment, le Saint-Père a confirmé le bienfait d’un salaire universel de base. Et certains utopistes ont rebondi sur la question, sur ce propos, en radotant sur le revenu universel, ce qui n’est pas du tout la même chose. Le salaire est la contrepartie d’un travail. Un revenu est une rente, une pension, une aide, mais sans contrepartie. Ce projet de revenu universel de base consisterait donc à verser une somme d’argent à chacun, sans contrepartie.
Ce serait une bonne nouvelle pour nous puisque je crois que même les moines et les prêtres pourrions avoir ce revenu.
Ce serait dans l’idéal une belle sécurité de base, et qui permettrait à chaque individu de recevoir de l’État une certaine autonomie. Et donc de ne dépendre ni d’un patron, ni d’un mari, ni même du travail. Ce serait donc l’aurore d’une liberté plus grande – et beaucoup moins fatigante !
Mais ce seraient aussi les premières étincelles d’une apocalypse humaine et sociale, parce que c’est quasiment contre nature.
D’abord parce que le travail en soi n’est pas une aliénation. Ce n’est pas le travail qui fait de l’ouvrier, de l’employé, de l’artisan, un esclave. Ce sont les conditions de ce travail quand elles sont trop dures : quand cela dure trop longtemps, quand ce n’est pas assez rémunéré.
Le travail en lui-même est une vocation à collaborer au travail du créateur. On peut même dire : à être co-créateur. Par le travail, l’homme peut acquérir une véritable indépendance, une vraie liberté, et même vis-à-vis de l’État. Par le travail, il se cultive, il se développe, il s’élève par le savoir pratique et par bien d’autres vertus comme la force, la patience.
Le travailleur s’élève : il s’élève, mais il reste ancré dans le réel qui impose toujours ses conditions.
Par le travail, le père peut subvenir aux besoins de sa famille, et comme beaucoup de saints laïcs l’ont fait, aider les personnes démunies.
Et c’est là que je veux vraiment en venir. Par un revenu universel  de base, la société s’enfoncerait terriblement dans l’individualisme. Chacun aurait son pécule, maigre bien sûr : le père, la mère, pourquoi pas les enfants… Indépendance ? Non. Egoïsme, oui.
Aujourd’hui saint Joseph est fêté comme l’époux de la Vierge Marie, c’est ce que j’ai lu dans les livres liturgiques. Saint Joseph a travaillé et il a gagné de l’argent. Et il a ainsi subvenu aux besoins de la Sainte Famille. Marie n’a pas exercé de métier rémunérateur, et pourtant elle a fait beaucoup plus pour le salut des âmes et du monde que saint Joseph. La Sainte Famille ne se définit pas par l’indépendance des individus mais par une alliance des personnes. Chacune a sa meilleure place.
Dans une communauté monastique, nous vivons un peu de ce mystère de l’alliance. Certains travaillent à des emplois rémunérateurs : la boulangerie, le moulin à huile, les cultures de la vigne et des olives, la librairie et surtout, en ce moment, le magasin en ligne, qui est un peu écrasé de travail en cette période de confinement.
Il y a aussi l’hôtellerie qui donne un peu de rémunération. D’autres travaillent à des emplois de service qui ne sont pas rémunérateurs : la cuisine, l’infirmerie, la cellerie – vous travaillez un petit peu ! – la buanderie, la lingerie… la lingerie, c’est fatigant, n’est-ce pas ? La plomberie, l’électricité… D’autres encore se consacrent un peu plus à l’étude et à la formation spirituelle et théologique, et d’autres encore à l’art.
Nous formons donc une famille, et chacun est membre de cette famille dans la mesure où il prend part à la subsistance de la communauté. Le catéchisme dit bien que, aucun chrétien du fait qu’il appartient à une communauté solidaire et fraternelle, ne doit se sentir en droit de ne pas travailler et de vivre aux dépens des autres.
Que saint Joseph nous donne la grâce de résister à la tentation du parasite !

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